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Et la lettre d'Emmanuel Macron aux Français s'ajouta aux mille et un paradoxes de la crise des Gilets Jaunes ...
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Les paradoxes

Seulement quelques heures après la publication de sa "lettre aux Français", Emmanuel Macron est déjà critiqué, notamment par l'opposition qui dénonce une absence de débat sur la suppression de l'ISF. Le chef de l'Etat de son côté doit lancer ce mardi ce grand débat national depuis une petite commune de l'Eure, Grand Bourgtheroulde.

Anita Hausser

Anita Hausser

Anita Hausser, journaliste, est éditorialiste à Atlantico, et offre à ses lecteurs un décryptage des coulisses de la politique française et internationale. Elle a notamment publié Sarkozy, itinéraire d'une ambition (Editions l'Archipel, 2003). Elle a également réalisé les documentaires Femme députée, un homme comme les autres ? (2014) et Bruno Le Maire, l'Affranchi (2015). 

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"Transformer les colères en solution"... Car la colère des Gilets Jaunes, -et à travers elle, celle d'une majorité de Français- comme les sondages le montrent tous les jours, cette colère ne tarit pas. Les excès commis au cours des manifestations des Gilets Jaunes, les premières "mesures d'urgence sociales" prises à la fin de l'année dernière, dont le coût se monte à quelque dix milliards d'euros, ne produisent pour l'heure que de maigres effets sur l'opinion. Emmanuel Macron qui veut croire que la France est, "de toutes les nations, une des plus fraternelles et des plus égalitaires", passe donc comme promis, à la deuxième étape de sa tentative de reconquête, sa "Lettre aux Français", pour les interroger, les inviter à participer au "Grand Débat" qu'il va inaugurer demain en Normandie..."C’est votre expression personnelle, correspondant à votre histoire, à vos opinions, à vos priorités, qui est ici requise, sans distinction d’âge ni de condition sociale... J’ai la ferme volonté de tirer toutes les conclusions... Pour moi, il n’y a pas de questions interdites.

Nous ne serons pas d’accord sur tout, c’est normal, c’est la démocratie. Mais au moins montrerons-nous que nous sommes un peuple qui n’a pas peur de parler, d’échanger, de débattre" affirme le chef de l'Etat, en insistant sur la "liberté de parole, l'indépendance, et... toutes les garanties de loyauté et de transparence" qui doivent l'encadrer. Voilà pour les principes...Emmanuel Macron pose une série de questions, dont celle-ci "Comment pourrait-on rendre notre fiscalité plus juste et plus efficace ? Quels impôts faut-il à vos yeux baisser en priorité ?" et là, survient un grain de sable délibérément glissé dans la machine avec cet avertissement: "Nous ne reviendrons pas sur les mesures que nous avons prises pour ... que les entreprises puissent investir et créer de l'emploi et de la croissance...et faire que le travail paie davantage. Elles viennent d’être votées et commencent à peine à livrer leurs effets. Le Parlement les évaluera de manière transparente et avec le recul indispensable", autrement dit, on ne revient pas sur la réforme de l'ISF. Cette "fermeture" assumée a naturellement été aussitôt relevée, et condamnée par ceux qui font du rétablissement de l'impôt sur la Fortune une de leur principale revendication. Et l'incitation à "nous interroger pour aller plus loin" tient dès lors de la simple formule. Alors, cette porte fermée d'emblée au rétablissement de l'ISF peut se transformer en abcès de fixation du Débat national. Elle risque d' occulter les autres grandes questions à l'origine de la crise des Gilets Jaunes qui sont sur la table, à commencer par celle des "Territoires" qui se considèrent délaissés à cause de la suppression et donc de l'éloignement de certains services publics, ou encore les questions plus large de la "Démocratie",(on pense bien sûr au référendum d'initiative populaire) , l'organisation de l'Etat, le financement de la transition écologique, à propos de laquelle Emmanuel Macron pose les problèmes de manière très directe : "Comment rend-on les solutions concrètes accessibles à tous, par exemple pour remplacer sa vieille chaudière ou sa vieille voiture ? Quelles sont les solutions les plus simples et les plus supportables sur un plan financier" ? Sans oublier la question de l'Immigration que le Chef de l'Etat n'élude pas et fait remarquer que "ce défi qui va durer". A travers ce grand débat, Emmanuel Macron espère que " peut-être découvrirons-nous que nous pouvons tomber d’accord, majoritairement, au-delà de nos préférences, plus souvent qu’on ne le croit ". Mais il a manifestement bien compris les risques que l'exercice comporte. Non maîtrisé, il peut conduire à tous les excès, - les partis extrémistes en rêvent et en jouent. Téléguidé et trop encadré, ce débat deviendrait inutile et la crise des Gilets Jaunes, insoluble. C'est toute la difficulté et le paradoxe de l'exercice.


Marine Le Pen qui lançait hier sa campagne européenne ne s'est guère attardée sur cette crise et s'est contentée de saluer "la saine et juste colère des Gilets Jaunes" qui lui est si bénéfique. Pour elle, "le moment est venu du grand basculement" et il "faut battre Macron". La présidente du Front National qui peut se flatter du ralliement de l'ex-ministre UMP Thierry Mariani, a habilement mêlé enjeux nationaux et enjeux européens, dissolution de l'Assemblée Nationale et victoire du Front National aux européennes. Pour galvaniser les militants, elle a laissé à Johann Bardella, la tête de liste du Rassemblement National, le soin de déclarer : "je veux que le soir du 29 mai, Castaner ait les larmes aux yeux, que Griveaux cherche ses mots à la télé, que Macron, mais aussi Merkel et Juncker comprennent que c'est fini, que le peuple est de retour"...Marine Le Pen, elle sait parfaitement que les élections européennes n'ont pas d'incidence directe sur la politique nationale...
Le dernier paradoxe de ce week end politique vient de Laurent Wauquiez. Le Président des Républicains a voulu court-circuiter la lettre aux Français d'Emmanuel Macron en publiant "sa" propre lettre sur Facebook. Les mauvais génies ont été libérés ; le gouvernement met de l'huile sur le feu et les extrêmes poussent le pays vers le chaos", déplore-t-il en incitant le chef de l'Etat à entendre les " justes" cris de colère des Français contre l'injustice fiscale, la colère des territoires. "Tout cela peut très mal finir", avertit le chef des Républicains, qui écrit aussi que " Cette violence ne peut plus continuer". C'est aussi ce que lui pensent ses électeurs. Et c'est peut-être l'essentiel de son message.

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