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Le choc politique qui se fait (trop) attendre pour enfin apaiser le pays
©MICHEL EULER / POOL / AFP

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Le gouvernement semble être divisé sur la suite des opérations à mener pour tenter d'apaiser le pays. Par exemple, Jean-Michel Blanquer est favorable à l'idée de la manifestation du 27 janvier anti Gilets jaunes quand Stanislas Guerini (délégué général de En Marche) semble s'y opposer.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico: Selon vous pour obtenir l'apaisement, Emmanuel Macron et le gouvernement pourraient-ils surjouer le réflexe légitimiste et la stratégie du "moi ou le chaos" face aux Gilets jaunes pour miser sur un retournement comme celui connu par le général de Gaulle en 1968 au risque d'alimenter le climat insurrectionnel ?

Maxime Tandonnet : La ligne "Blanquer", inspirée des événements de mai 1968, l'idée d'une grande manifestation de soutien au pouvoir peut difficilement s'appliquer à la crise présente. Les deux situations sont incomparables. En mai 1968, de Gaulle bénéficiait dans le pays d'une cote de confiance très élevée, d'environ 60%. Son prestige était immense, auteur de l'appel du 18 juin 1940 et de la fin de la guerre d'Algérie. Le président Macron suscite quant à lui un mélange d'indifférence et de rejet dans les quatre-cinquièmes du pays selon toutes les enquêtes. L'image négative d'un homme public est profondément imprégnée dans l'inconscient collectif. La situation peut empirer indéfiniment, il n'y aura probablement pas de réflexe légitimiste autour de lui. Même M. Hollande, dans son impopularité, bénéficiait d'un fond de sympathie dû à son apparente bonhomie, qui a pu se traduire par un réflexe unitaire autour de lui, certes éphémère, lors des attentats terroristes. Chez l'actuel chef de l'Etat, ce lien ultime ne semble pas existe pas. La rupture avec le pays est encore plus prononcée. La posture d'inflexibilité qu'il s'est donnée, contrastant avec les reculs opérés, ne peut qu'aggraver la sensation de coupure et la crise de confiance.

Jean Petaux: Il faut garder en tête le souvenir qu’en 1968 le général de Gaulle s’y est repris à plusieurs fois pour inverser la tendance et retourner la situation en sa faveur. En voyage officiel en Roumanie, chez le futur dictateur de sinistre mémoire Ceausescu (mais que la France cajole alors parce qu’il mène une ligne plutôt indépendante de Moscou) le président français a cette expression teintée d’un humour très particulier alors que les gaz lacrymogènes envahissent les beaux quartiers parisiens : « Un vent salubre s’élève de l’Atlantique à l’Oural ». Le moins que l’on puisse dire c’est que l’aphorisme tombe un peu à plat. Au retour de Bucarest, le même de Gaulle, plutôt remonté contre ses ministres et Pompidou, le premier d’entre eux, sort le mot « chienlit » pour siffler ainsi la fin de la « récréation » et surtout du « bordel ambiant ». Résultat : double peine. Le slogan « La chienlit c’est lui » fleurit dans les cortèges. Aujourd’hui, outre qu’il n’est guère probable que les « leaders » autoproclamés des GJ comprennent le mot « chienlit » (avec 300 mots  de vocabulaire courant, n’est-ce pas Monsieur Drouet, on est loin du compte…) on imagine ce que le « peuple » dirait de nos jours, à longueur d’antennes,  du mépris du président de la République s’il lui venait l’idée d’user d’une telle trouvaille lexicale. De Gaulle s’adresse alors au pays dans une intervention télévisée. Celle-ci est très regardée mais le « Connétable » le dit lui-même à Peyrefitte, très vite : « J’ai mis à côté de la plaque ». Dans cette allocution, le président de la République proposait…. un référendum sur la participation. Aucune des options choisies par de Gaulle ne fonctionne. Engagée le 13 mai 1968, la grève générale s’étend à la totalité du pays… Ce ne sont pas 50.000 personnes qui manifestent un samedi après-midi de janvier dans toute la France… Ce sont 8 millions de travailleurs qui arrêtent de travailler, protègent leur outil de travail comme s’il s’agissait de la prunelle de leurs yeux, ne cassent strictement rien tout en occupant la totalité des sites de production, publics et privés. Le 25 mai, la balle revient dans le camp du premier ministre Georges Pompidou qui convoque les syndicats ouvriers représentatifs (le terme dit bien ce qu’il veut dire) et les organismes patronaux. C’est le début des négociations de Grenelle, du nom de la rue où se situe le ministère du Travail. La même que des factieux-fachistoïdes ont emprunté samedi soir pour investir un ministère avec un engin de chantier. Le 27 les Accords sont signés. Ils se traduisent par de substantiels gains pour l’ensemble des salariés. Pour autant la crise ne cesse pas aussitôt loin de là. Elle prend une tournure de plus en plus politique comme si la montée aux extrêmes était inévitable. En dépit du fait que le Parti Communiste Français et la Confédération Générale du Travail ont compris qu’il ne sortirait rien de bon d’une crise politique portée par les « ultras » (gauchistes de toutes chapelles) et rêvée par les « opportunistes » (dont François Mitterrand qui, dans une conférence de presse tenue à l’hôtel Continental le 28 mai après-midi, commet la plus grosse erreur tactique de sa déjà longue et bientôt brillante trajectoire politique), le pouvoir ne rétablit toujours pas la situation.

Il est nécessaire de passer par la dramatisation inédite de la disparition momentanée du président de la République (24 heures entre le 29 mai et le 30 au matin) pour que l’effet de surprise joue et il faut surtout le discours radiodiffusé du 30 mai en début d’après-midi où de Gaulle annonce la dissolution de l’Assemblée et le retrait du projet de référendum pourtant adopté en Conseil des Ministres le 27. Dans son discours de Gaulle évoque la « Défense de la République ». Dès le 20 mai les réseaux du SAC (Service d’Action Civique) activés par l’aile la plus militante de l’UDR (Foccard, Sanguinetti, Pasqua) ont repris du service, partout en France. Des structures appelées « Comités de Défense de la République » (CDR) voient le jour « spontanément ». Ce sont ces organisations vite et bien structurées qui, en fait, se « réveillent » et qui vont être les piliers de l’organisation de la grande manifestation parisienne des forces gaullistes sur les Champs-Elysées mais aussi dans de nombreuses villes de province, le 30 mai à partir de 17h. A Paris, une scénographie extraordinaire mobilise des « figures » du gaullisme de la Résistance : Debré, Malraux, Schumann, près de la tombe du Soldat inconnu, chantent à pleins poumons une « Marseillaise » aussi vibrante que forte fut la peur qu’ils ont sans doute ressentie consécutivement à la disparition (temporaire) de leur seul héros. Derrière eux se déploie un cortège immense en effet (on parle d’un million de personnes) dans lequel on trouve par exemple (les photos en témoignent) de nombreux parachutistes en uniforme, béret rouge sur la tête et tout un peuple qui exprime ainsi son « ras-le-bol » des « événements ». C’est une autre France qui se manifeste par rapport à la France des usines, de gauche, syndiquée ou non.

Ce long rappel historique n’est pas fortuit. Il montre combien la situation actuelle n’a que très peu de points communs avec celle de Mai 68. Et surtout combien la sortie de crise ne peut être comparable.

Première différence : si le Général a pu jouer sur le registre du « moi ou le chaos », il n’est pas dit qu’Emmanuel Macron ait autant de loisir que son glorieux prédécesseur pour s’inscrire dans ce répertoire. Le risque n’est pas mince pour lui de recevoir une réponse qui serait plus proche du « dégage » que du « pitié ne pars pas ». Un référendum à question unique dans lequel Emmanuel Macron mettrait en jeu son mandat, en fonction de la réponse du corps électoral, entrainerait assurément un « non » à la question posée, quelle qu’elle soit.

Deuxième différence : les 50.000 (ou 300.000 si l’on veut être bienveillant avec les Gilets jaunes et prendre en compte le maximum de la « mobilisation » enregistré le 17 novembre 2018) individus qui battent le pavé depuis huit samedis après-midi ne représentent rien. Ni les Français (300.000 sur 67,12 millions d’habitants cela fait 4,5 personnes pour 1000), ni les électeurs. Au premier tour de la présidentielle de 2017 Jean Lassalle a obtenu 425.301 voix ; Philippe Poutou 394.505 et François Asselineau 332.547 voix. A-t-on entendu un seul commentateur, un seul politique, un seul média considérer alors que les électeurs de Lassalle représentaient les Français ? Et ceux d’Asselineau ? Ou ceux de Poutou ? Au lieu de cela les 1.695.000 électeurs de Nicolas Dupont-Aignan ont même été considérés comme « quantité négligeable », tout juste bons à servir de force supplétive à Marine Le Pen au second tour. Ils étaient juste plus de 5 fois plus nombreux en avril 2017 que les 300.000 « Jaunes » à manifester le 17 novembre dernier. La conséquence de cette faiblesse numérique et structurelle des Gilets Jaunes pèse directement sur la stratégie que peut développer l’exécutif à leur égard aujourd’hui : comme ils ne sont rien mais qu’ils crient plus fort que tous les autres une contre-manifestation (à condition qu’elle réussisse et on verra que ce n’est pas gagné) n’éteindra pas plus que les autres moyens la fronde jaune.

Troisième différence : le président de la République n’a pas de parti structuré et de masse à sa disposition comme « volant de main d’œuvre ». La République en Marche est aux partis politiques ce qu’un club de bridge est aux clubs de foot ou de rugby : un aimable regroupement de bonnes volontés qui ont tout misé sur le charisme et l’espoir portés par « leur » président. Aucune bataille politique menée en commun en dehors d’une présidentielle étrange et surréaliste et des législatives ou même un « âne » porteur d’une étiquette LREM pouvait être élu (dans certaines circonscriptions) sans coup férir. Aucune capacité à affronter des temps politiques agités. Aucun esprit de solidarité forgé à l’airain des combats collectifs et idéologiques, puisque, parait-il (tragique méprise…) l’idéologie aurait disparu. Tout l’inverse des troupes gaullistes en 1968 passées par la Résistance, la guerre froide, la traversée du désert sous la Quatrième, le retour (quasi-putschiste) au pouvoir en mai 1958 et les combats (meurtriers) contre l’OAS…

L’appel au sursaut de la « Majorité silencieuse », une grande « contre-manifestation » organisée le 27 janvier ou un autre jour, est une fausse bonne idée. Pour qu’elle réussisse il faudrait une dramatisation bien plus importante qu’aujourd’hui, des scènes particulièrement spectaculaires et symboliques qui montreraient que la République est réellement en danger et que la société française, bien au-delà des pauvres troupes de « Marcheurs » montre une indignation collective à l’égard de menées factieuses caractérisées.

C’est certainement la raison pour laquelle, conscient des faiblesses structurelles (pour ne pas dire consubstantielles) de son propre mouvement que le numéro 1 de LREM, Stanislas Guérini, est clairement opposé à la proposition « Blanquer », celle d’une grande manifestation mise sur pieds le 27 janvier. Il n’est pas sans intérêt d’ailleurs de souligner ici que les deux « lignes » sont portées par deux novices en politique ce qui n’enlève rien d’ailleurs à leurs qualités de ministre pour l’un (sans conteste le meilleur ministre de l’Education à ce poste depuis au moins trois décennies) ou de parlementaire pour l’autre. Tous les deux ont en commun d’être démunis face à un OPNI (Objet Politique Non Intégrable), celui d’une « pseudo-révolte » aussi creuse que bruyante, qui se nourrit de propositions aussi démagogiques (le RIC) que réactionnaires (remise en cause de la loi Taubira autorisant le mariage entre personnes du même sexe) dans les « doléances » collectées par le Conseil Economique, Social et Environnemental parce que « La Manif pour tous » a manipulé, par son activisme, cette première consultation… Sans compter que le ministre de l’Education devrait rouvrir un manuel d’Histoire : le 27 janvier 1889 est la date de l’élection du général Boulanger comme député de Paris… Comme il est question de « Boulangisme » en ce moment, voilà un curieux clin d’œil.


Est-ce qu'entendre la demande de réintégration dans le champ politique démocratique de ceux des Gilets jaunes qui ne sont pas factieux (et qui, à priori sont une majorité) ne serait pas risquer l'enlisement face à un mouvement non organisé structurellement horizontal ?

Maxime Tandonnet : Quant à l'autre ligne, incarnée par M. Guérini, favorable au dialogue, il ne faut pas non plus se leurrer. Le problème causé par le mouvement des Gilets Jaunes, n'est pas celui des personnes qui occupent pacifiquement les ronds-points et distribuent des tracts. Nous avons affaire à un mouvement contestataire d'un type nouveau, sans hiérarchie et tirant sa force de la mobilisation sur Internet. Son mode d'action est foncièrement tourné vers l'image médiatique. Il ne bloque pas le pays, pour l'instant, comme une grève des transporteurs, de la RATP ou de la SNCF. Jamais on n'avait vu un conflit social sans grève, qui se déroule exclusivement le samedi pour éviter de sacrifier une situation professionnelle ou un salaire. Il ne vise pas le patronat, l'entreprise, mais le pouvoir politique. Ce mouvement existe, non par la grève, mais par des opérations violentes spectaculaires et médiatisées qui minent l'équipe dirigeante par l'image de chaos qu'elles diffusent en France et dans le monde entier. Il est ainsi très politique sur le fond. Il n'a pas de revendications précises, sinon vaguement le référendum d'initiative citoyenne et le retour de l'ISF. Nous sommes dans la revanche de la France périphérique qui veut faire plier ce qu'elle perçoit comme les élites parisianistes au pouvoir.  Réintégrer les Gilets Jaunes comme vous dites "non factieux", ou non-violents, dans le débat démocratique par exemple en les incitant à présenter une liste aux Européennes ne mettra pas fin à la bataille médiatique qui est au coeur de cette crise.

Jean Petaux: C’est la particularité de cette séquence et l’une des injonctions contradictoires des Gilets Jaunes. Comment négocier avec des interlocuteurs qui refusent le principe même de la négociation puisque celle-ci ne peut se faire que par le biais de représentants. Si ceux-ci sont constamment remis en cause dans leur statut et dans leur mandat par une « base » qui n’existe pas de manière instituée et organisée, il n’y a pas de discussion possible et de sortie de crise par la négociation. On a bien vu ce week-end à Marseille où comment l’opération pilotée par Bernard Tapie dans les locaux de « La Provence » a, de nouveau, fait « pschitt » pour parler comme Jacques Chirac. La « ligne Blanquer » prend sans doute acte de cette aporie des « Jaunes » et pousse à une « opposition frontale » : « contre-manifestation pro-Macron » versus « Gilets Jaunes » pour éteindre en quelque sorte le feu par un contre-feu. Face à cela Stanislas Guérini considère encore que le jeu politique parlementaire peut suffire à dénouer les fils de la crise. D’un côté (celui de Blanquer) le risque d’un échec de la mobilisation des « pro-Macron », de l’autre (celui de Guérini) le risque d’une surenchère des partis politiques traditionnels, représentés à l’Assemblée nationale, qui, au lieu de jouer le jeu de la légalité républicaine et de la légitimité démocratique poussent les feux d’une remise en cause du mandat présidentiel et en rajoutent dans les provocations (scénario comparable à celui de Mitterrand le 28 mai 1968…). Mélenchon qui se prend souvent pour le Mitterrand du XXIè siècle ferait bien de méditer l’échec de celui qu’il considère volontiers comme son mentor… Lequel mentor l’ignorait superbement tout le temps qu’il a régné (au passage !...). 

Selon vous, quelle est la stratégie la plus vraisemblable que suivra Emmanuel Macron ?  Et quelle serait la plus efficace ?

Maxime Tandonnet :Comment se mettre à sa place? Le plus vraisemblable est qu'il va persévérer dans la voie qu'il semble avoir choisie: une posture de sévérité, de fermeté face à la crise des Gilets Jaunes. L'objectif est de provoquer un basculement de l'opinion, jusqu'alors favorables aux Gilets Jaunes, qui pourrait se lasser du désordre. Mais le problème, c'est que compte tenu du mode d'action des Gilets Jaunes, la population, en dehors des commerçants, n'est pas vraiment gênée dans sa vie quotidienne. En outre le risque d'un embrasement n'a rien de théorique. Que faire si les lycéens, les étudiants et les salariés se joignent au mouvement? Les choses peuvent gravement dégénérer. Le grand débat ne suffira pas à apaiser les esprits. Il apparaît trop comme une opération de communication, une de plus. Il faudrait un geste politique symbolique fort, montrant que le pouvoir a bien conscience du sérieux et de la gravité de la situation.  Ce qui a mis fin à la crise de mai 1968, c'est la décision de dissoudre l'Assemblée nationale, et pas la manifestation des Champs Elysée. Le président Macron ne prendra sans doute pas ce risque. Mais un changement de gouvernement et un renouvellement complet de l'équipe au pouvoir représenterait un geste à la hauteur de la gravité des événements et un contre-feu significatif, susceptible de calmer les esprits.

Jean Petaux: Je ne me risquerai pas à être trop précis dans ce jeu des pronostics. On peut imaginer que le président de la République va multiplier les signes de fermeté et les messages réclamant le retour à l’ordre républicain. Dans son propre calendrier il y a la « Lettre aux Français » qui, sauf à proposer un mécanisme original de consultation des Français (un référendum avec plusieurs questions qui permettrait de « noyer » le résultat entre plusieurs « oui » et « non » donc à diluer une éventuelle « défaite »), risque, elle aussi, comme disait le Général « de mettre à côté de la plaque ». Il y a l’hypothèse d’une montée aux extrêmes avec une dramatisation comparable à celle du 30 mai 1968, non pas par une manifestation de masse mais par le recours à l’article 12 de la Constitution et donc la dissolution de l’Assemblée nationale. C’est à cela que sert, dans une stricte lecture gaullienne du texte du 4 octobre 1958, le « retour au peuple ». C’est ce que le général de Gaulle a fait à deux reprises en octobre 1962 et en mai 1958. Il a fait trancher par le peuple deux crises : l’une politique (la seule motion de censure adoptée sous la Cinquième République qui a conduit au renversement du premier gouvernement Pompidou), l’autre sociale et politique consécutive aux événements de Mai 68. Toutes les autres dissolutions (trois) l’ont été dans une autre perspective : celles de 1981 et 1988, voulues par le nouveau président de la République (ou le président réélu en 1988)  François Mitterrand l’ont été pour « faire coller » la majorité de l’Assemblée nationale à la toute récente majorité présidentielle. La dernière, celle de 1997, que d’aucuns ont (judicieusement) qualifié de « dissolution à l’anglaise », décidée par Jacques Chirac était encore d’une autre facture : ramener le calme et la discipline dans un groupe parlementaire RPR-UDF majoritairement balladurien, élu en 1993 et ne cessant de harceler Alain Juppé, premier ministre alors. Si Emmanuel Macron veut vraiment sortir du caractère chronique de la crise des Gilets Jaunes et s’il ne veut pas jouer le pourrissement jusqu’aux Européennes (fin mai 2019) il n’y a guère que ce mode opératoire qui peut le sortir d’affaire. A condition d’être assez fort pour ne pas être emporté par la tempête en cas de défaite électorale cuisante de son propre camp, donc en obtenant des autres formations politiques et partisanes que son mandat ne soit pas impacté par une défaite (et qu’une quatrième cohabitation pourrait se dérouler sans tourner au pugilat et à la crise institutionnelle).

Reste l’hypothèse d’un brutal retournement de situation, en sa faveur : une tragédie à l’occasion d’une manifestation ou des débordements jugés inqualifiables et inacceptables… Bien aléatoire…

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