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Les 5 raisons pour lesquelles le prélèvement à la source est une absurdité
©FRANCOIS LO PRESTI / POOL / AFP

Ubu roi de Bercy

Ce premier janvier commence officiellement le prélèvement à la source. Et ce n'est pas forcément une bonne affaire pour le gouvernement et les Français.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Le prélèvement à la source est un vieux serpent de mer! Le ministère des Finances l’évoque depuis plus de dix ans, au nom d’un mimétisme moutonnier bien connu: tous les autres pays le font, pourquoi pas nous? D’où une réforme portée de longue date auprès des gouvernements successifs, que les technocrates de Bercy ont accusé de ne pas vouloir réformer le pays. Il a fallu l’arrivée de François Hollande pour que la mesure passe… avec mise en place au quinquennat suivant, au terme d’une réglementation de 25 pages introduite en loi de finances pour 2017, que très peu de contribuables ont lue. 

Or le ministère des Finances semble avoir commis quelques erreurs dans la conduite de cette réforme, dont on en énumérera ci le florilège.

Le prélèvement à la source ou le contraire du pragmatisme

Officiellement, le prélèvement à la source est une mesure de simplification. Dans la pratique, il ne supprime pas l’obligation de déclarer ses ressources une fois par an. De ce point de vue, il n’apporte rien par rapport à la mensualisation, qui permettait de couvrir plus de 90% des contribuables sans difficulté apparente.

Dès le 2 janvier, 7 millions de contribuables devront entamer des démarches pour adapter le prélèvement 2019 à leur situation réelle. Cette étape administrative aurait pu être évitée en généralisant la mensualisation au lieu de lancer la réforme voulue par Bercy. Une fois la demande de rectification de situation enregistrée, l’administration disposera de trois mois pour la rendre effective. 

Toutefois, les demandes formulées après le 1er avril ne donneront pas lieu à rectification avant l’été 2020! 

Mais qui a parlé de simplification? Encore faut-il ajouter que cet échéancier repose sur la capacité de l’administration fiscale à traiter dans les délais les 7 millions de réclamation prévisibles en dehors de tout bug. Or, comme l’ont souligné les organisations syndicales, les moyens supplémentaires prévus pour traiter l’afflux annoncé à partir de janvier sont notoirement insuffisants. Tout ça pour ça?

Une réforme du prélèvement sans réforme de l’impôt

Le bon sens aurait voulu que le passage au prélèvement à la source soit précédé par une simplification de l’impôt lui-même. Entre le quotient familial, les crédits et les niches, l’impôt sur le revenu des personnes physiques en France est d’une complexité inouïe, d’autant plus qu’il ne touche effectivement que la moitié des ménages. 

Pour garantir la réussite de cette opération sensible, une remise à plat de ces différentes strates n’aurait pas été inutile. Faute d’avoir pris ce soin, Bercy a fait basculer une épaisse couche de réglementation difficile à manier en temps réel, comme le remboursement de certains frais de garde, qui a obligé le gouvernement a annoncé en urgence un versement anticipé de 60% en septembre… pour ceux qui en bénéficiaient en 2017.

Autrement dit, tous ceux qui ont commis la bêtise de recruter pour la première fois en 2018 un salarié à domicile en seront pour leurs frais. Voilà une belle façon de lutter contre le chômage.

Pourquoi deux collecteurs en France?

Autre manoeuvre qui aurait pu être le signe d’un vrai bon sens: la fusion, évoquée sous François Hollande, de la CSG et de l’impôt sur le revenu. Cette mesure systémique déchargerait Bercy de la collecte de l’impôt et en confierait le soin aux URSSAF.

Cette mesure intelligente serait pour le coup une véritable simplification. Était-elle trop rapide ou trop révolutionnaire pour la technostructure bercyenne? Au nom de la réforme, la France conservera donc son impôt sur le revenu collecté par Bercy (via les employeurs…), et sa contribution sociale collectée par les URSSAF, avec des assiettes et une prétention à l’universalité identiques. Allez comprendre!

Y aura-t-il vraiment des gains de productivité?

Dans le discours de la technostructure bercyenne, on peine à lire la mesure des gains que cette réforme devrait produire en termes de productivité. Il est question de 10.000 suppressions d’emplois d’ici à la fin du quinquennat, soit une baisse d’effectifs dans les services des finances publiques inférieure à 10%. Alors que la collecte est désormais confiée aux employeurs, on ne s’attendra donc pas à une baisse drastique des effectifs. 

Compte tenu de l’ampleur du phénomène, on aurait pu imaginer une division par deux des bataillons qui oeuvrent dans les trésoreries, un peu partout sur le territoire. Au lieu de ces 50.000 ou 60.000 suppressions d’emplois, il faudra se contenter d’une mesurette. Là encore, la technostructure se garde la part belle. 

Une complication immédiate et à haut risque

Dans l’immédiat, les services fiscaux vont devoir traiter 7 millions de dossiers comportant des changements… Pourquoi la technostructure bercyenne a-t-elle systématiquement refusé d’anticiper les corrections, et a-t-elle contraint ses services à ne recevoir les demandes qu’à compter du 2 janvier? Les syndicats de salariés s’en sont beaucoup plaint. 

Officiellement, la bascule d’un système à l’autre est supposée se faire sans embûches et le directeur général des finances publiques s’est publiquement vanté de ne pas avoir de plan B en cas d’échec. Cette légèreté peut être vécue comme rassurante ou comme inquiétante. Les loupés informatiques majeurs des ministères ces dernières années (Louvois à la Défense, SIRH à l’Éducation Nationale), qui ont coûté environ un milliard aux contribuables sans qu’aucune sanction majeure ne soit prise, devraient pourtant inciter à la prudence. 

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