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Bonne année mode d’emploi : les 4 verrous à faire sauter pour que 2019 ne ressemble pas à 2018 (ni aux années précédentes)
©Thomas SAMSON / AFP

Bonnes résolutions

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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1. La chape qui empêche tout débat sur l'immigration

Guylain Chevrier : L’immigration demeure un sujet aussi important que tabou. On se rappelle de la tentative de Nicolas Sarkozy président, en 2009, d’en réactiver la question sous le signe d’un retour sur « l’identité nationale », dans la confusion, pour finalement en abandonner le terrain. Ce qui lui coûtera d’ailleurs, sans doute, pour une bonne part sa non-réélection. Ce sujet reste l’un de ceux des plus importants dans l’opinion, qui mérite de la hauteur et du réalisme, et implique de ne rien négliger de ce qu’il met en jeu. Sujet d’autant plus difficile qu’il ramène au centre des débats la question de la Nation, et avec elle celle de l’intégration, de comment faire société ensemble. Et donc, interrogeant l’identité qui peut bien être celle d’une France qui a changé et est devenue plus diverse, tout en protégeant, pour mieux les faire fructifier, les acquis historiques qui en font ce qu’elle est pour attirer tant de migrants. Cette France qui rayonne encore aujourd’hui en nourrissant encore bien des projets de société ailleurs, et dont l’Article premier de notre Constitution nous en donne toute la valeur en définissant la France comme « une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». Il suffit de lire la Charte des droits et devoirs du citoyens Français, sur le fondement de laquelle un étranger le devient par acquisition, pour se rendre compte de la portée de ce que vaut cette Nation !

Dans le contexte de la révolte des Gilets jaunes, Emmanuel Macron, dans son allocution du 10 décembre dernier avait été très clair : « Je veux aussi que nous mettions d'accord la Nation avec elle-même sur ce qu'est son identité profonde, que nous abordions la question de l'immigration. Il nous faut l'affronter. Ces changements de fond qui demandent une réflexion profonde et partagée, imposent un débat sans précédent. Il devra se dérouler au niveau national dans nos institutions, chacun y aura sa part : gouvernement, assemblées, partenaires sociaux et associatifs ; vous y aurez votre part. Je veux (…) prendre ainsi le pouls vivant de notre pays. »

Dominique Sopo, président de SOS Racisme, s’empressait de mettre en garde le gouvernement de ne pas faire des immigrés un « bouc-émissaire jeté en pâture des frustrations sociales » des « Gilets jaunes ». Il est dommage que cette association n’ait pas une réaction aussi franche pour condamner, par exemple, un racisme « antiblancs » qui est dénié parce que l’on ne pourrait être raciste que vis-à-vis des « ex-colonisés » ou de leurs descendants, pour justifier un peu plus un communautarisme rampant qui utilise la culpabilisation et la victimisation à outrance comme instruments de combat contre notre République. Une réaction à l’image de toute une frange de la gauche en perdition mélancolique élevant l’immigré au rang de nouveau damné de la terre, et par voie de conséquence, identifiant faussement la Nation au nationalisme et les frontières à une sorte de racisme. Alors que, pourtant, elles sont au contraire la manifestation d’Etats souverains protecteurs, donnant à ceux qui vivent sur leur sol des droits et des libertés, qu’ils n’auraient nulle part ailleurs. Et pas en tout cas, dans leurs pays d’origine qu’ils ont laissés derrière eux.
Parallèlement à cette déclaration, était signé le fameux Pacte de l'ONU en faveur « de migrations sûres, ordonnées et régulières », faisant non plus du Droit d’asile mais de l'immigration un quasi droit de l'homme. Ceci, dans un contexte de pic migratoire alors qu’en quelques cinq ans, le nombre de demandeurs d’asile en France a triplé pour atteindre le chiffre fou de plus de 100.000 et une immigration légale de 200.000. Ce qui situe l’immigration, en incluant les projections de l’immigration illégale, à 4 ou 500.000 individus par an. De cette confusion, nous n’en sommes pas sortis, pour poser enfin les termes d’une politique de maîtrise des flux migratoires digne de ce nom, favorable à tous.

Pire, si on pouvait croire dans la volonté du président de la République, cela a fait long feu, car on a appris depuis que ce thème n’était plus retenu parmi ceux figurant au calendrier de la grande consultation promise sur des sujets importants préoccupant les Français. Il n’y aura donc là, pas de grand débat. Cette France périphérique découverte à l’occasion de la révolte des Gilets jaunes qui se sent reléguée, pendant que l’on prône l’accueil inconditionnel des migrants comme la grande cause de notre temps, en sera pour ses frais et l’ensemble des Français avec eux. Deux tiers de ces derniers sont en opposition à un accueil massif des migrants, comme les dernières enquêtes d’opinion le soulignent, qui restent ignorés. Ceci, dans un contexte économique pour le moins tendu dans une France minée par le chômage de masse et un développement incessant de ces « nouveaux pauvres », qui travaillent et refusent de vivre des aides sociales, et ne parviennent plus à faire face avec leurs salaires. Mais cela, c’est pertes et profits ! Le 12 décembre, en Conseil des ministres, il était clairement annoncé un débat sur l'immigration « dans un contexte de mondialisation et de laïcité parfois bousculées ». On pouvait ainsi espérer que, face à la montée des périls, que sont la fragmentation sociale du communautarisme et la montée de la radicalisation voire de l’islamisme, à quoi les interrogations sur l’immigration ne sont pas étrangères, on puisse enfin aborder un débat susceptible de faire progresser les réponses essentielles à notre époque autour de ce que peut bien être pour nous cette « liberté chérie » républicaine. Elle qui est si vitale à notre façon de vivre, de penser. Sans oublier le risque du populisme qu’il ne faut pas sous-estimer et qu’un tel débat pourrait permettre de déjouer. Nul doute que les choses n’en resteront pas là, car le refus de lever le verrou sur ce sujet brûlant de l’actualité politique, ne pourra qu’engendrer plus de colère, de frustration, et de violence sociale.

2. L'égalitarisme et le pédagogisme à l'école

Pierre Duriot : Il y a effectivement quelques verrous à faire sauter dans le monde éducatif pour se donner une chance de retrouver un niveau scolaire à la hausse et une vocation qui serait d'amener tout le monde au niveau le plus élevé qu'il est capable d'atteindre et pas, tenter d'amener tout le monde au même niveau : le bac et même maintenant, la licence. En finir avec la pédagogie de mise en situation de réussite qui ne crée que de l'illusion. L'apprentissage vient de la résolution d'une situation d'échec, seul ou avec un adulte. En finir avec la bienveillance comportementale qui est un tapis rouge déroulé aux perturbateurs et redonner à l'école les moyens de discipliner et de sanctionner, éventuellement par la suppression temporaire des allocations familiales. Evacuer des programmes les matières « citoyennes » et politiques qui sont le travail des parents. Restaurer la laïcité et même une laïcité de combat quand c'est nécessaire. Rénover les filières industrielles et artisanales et leurs débouchés. Instaurer une sélection et orienter en fonction des capacités des élèves. Il y a une vie en dehors du cursus général. Instaurer des filières d'excellence accessibles avec des capacités plus qu'avec la fortune des parents. Remettre au goût du jour la pratique de l'écrit. L'idéologie actuelle perdure depuis une quarantaine d'années et les résultats sont là. Pour inverser la courbe, il faudrait aller, non seulement à l'encontre des dogmes, mais également prendre le contre pied de cette habitude de décréter le niveau des élèves avant même qu'ils n'aient planché : 80 % de réussite au bac.

3. Le verrou de l'euro

Nicolas Goetzmann : Dans un traditionnel jeu d'opposition purement binaire, pour ou contre l'euro, on en arrive à se rendre aveugle de la situation. Parce que la question n'est pas de savoir si nous devons être pour ou contre, mais de savoir si l'euro pourrait être géré de manière plus satisfaisante dans l'objectif de servir le bien commun des membres de la zone euro. Est-ce que la gestion monétaire de la zone euro a généré les résultats promis, une croissance forte, la convergence des économies, et le plein emploi ? La réponse est non. Le PIB par habitant italien est plus bas aujourd'hui qu'il ne l'était 20 ans auparavant. Le plein emploi n'a jamais été atteint en 20 ans d'existence, et le chômage actuel moyen des membres est de 8%, tandis que 3 des 4 grands pays (Allemagne, France, Italie, Espagne), sont encore en situation de chômage de masse. Quant à la convergence des économies de la zone euro, même la Commission européenne a pu conclure que c'est la divergence qui l'a emportée.

Pourtant, cette situation n'est pas de la responsabilité de l'euro lui-même en tant que monnaie unique, mais de la façon dont est gérée cette monnaie. La conception de l'euro s'est réalisée sur les peurs de la grande inflation des années 70, et sur la stabilité des prix comme objectif unique et supérieur à tous les autres. Notre monnaie a été conçue sur la base d'une peur qui n'a plus lieu d'être. Cette monnaie unique, taillée exclusivement pour lutter contre une crise inflationniste a été totalement prise au dépourvu lors de la crise de 2008, qui était de nature déflationniste. L'architecture monétaire du continent s'est trouvée démunie, structurellement parlant, pour y faire face. Sur le modèle américain, une Banque centrale doit disposer d'un mandat équilibré, lui permettant de répondre aux deux faces de le menace monétaire (inflation-déflation), ce qui n'est pas le cas en Europe. C'est le plein emploi qui a été oublié comme objectif prioritaire, au même titre que la lutte contre l'inflation, et c'est cet "oubli" qui a transformé la zone euro, non pas en zone de coopération pour un renforcement commun, mais en zone de compétition maximale. Cette question de la gestion de l'euro doit ainsi pouvoir être discutée, au niveau européen, et les pays qui sont victimes de cette situation, la France en tête, doivent être capable de poser la question, tranquillement. Parce que cela est tout à fait possible sans remettre l'existence de l'euro en question.

4. Les excédents commerciaux

Nicolas Goetzmann : La vision économique européenne s'est forgée une idée viciée de la puissance économique, comme la capacité d'un pays à exporter. La France, tout comme ses partenaires européens, est analysée sous le prisme de la "compétitivité", qui elle-même considérée comme la marche nécessaire permettant au pays de réduire ses déficits commerciaux, et de devenir, comme l'Allemagne, une machine exportatrice au niveau mondial. Mais cette approche fait plus de mal que de bien au niveau continental. Parce que si l'Europe, au travers de ces deux grands exportateurs que sont l'Allemagne et les Pays-Bas, parvient à se hisser en tête du plus grand excédent commercial mondial, ce n'est pas parce que nous serions "meilleurs" que les autres. Cela est simplement le résultat d'une croissance plus faible en Europe que dans le reste du monde, et notamment aux Etats-Unis. De ce fait, nous importons moins de l'étranger, et nous profitons d'une demande étrangère plus forte pour constituer nos excédents. Ce qui créer un déséquilibre. Ce qui nous vaut l'agacement profond des Etats-Unis, qui considèrent justement que nous ne jouons pas le jeu de la mondialisation de manière "fair play", et cette critique était déjà présente sous l'ère de la présidence de Barack Obama. C'est donc cette vision mercantiliste qu'il faut abattre, parce qu'elle met l'Europe en danger : de par son caractère agressif, elle conduit l'Europe à être vulnérable à un retour de bâton qui pourrait intervenir dès cette année 2019 avec la mise en place de tarifs douaniers importants pour les produits européens à destination des Etats-Unis. Cette obsession des excédents commerciaux est d'autant plus absurde qu'elle est souvent mal comprise. Lorsque l'on voit le gouvernement français faire tout ce qu'il peut pour favoriser les investissements étrangers en France, ce qu'il a raison de faire, il se plaint dans le même temps de la balance commerciale négative. Or, ces deux phénomènes sont liés, plus les investissements étrangers entrent en France, plus la balance commerciale plonge par un simple effet d'identités comptables. Une balance commerciale n'est pas mauvaise par nature, sinon, comment expliquer que la plus grande économie mondiale, les Etats-Unis, n'ont pas connu une année d'excédents depuis près de 40 ans. 

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