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Une étude australienne montre que rétablir la vérité sur les propos erronés des élus fait changer les électeurs d’avis. Mais au fait, quels sont les plus grosses erreurs des stars de la politique française ?
©MAURO PIMENTEL / AFP

Espoir

A long terme, rétablir les faits détournera les électeurs des politiciens les plus enclins aux fake-news, selon une étude.

Bruno Cautrès

Bruno Cautrès est chercheur CNRS et a rejoint le CEVIPOF en janvier 2006. Ses recherches portent sur l’analyse des comportements et des attitudes politiques. Au cours des années récentes, il a participé à différentes recherches françaises ou européennes portant sur la participation politique, le vote et les élections. Il a développé d’autres directions de recherche mettant en évidence les clivages sociaux et politiques liés à l’Europe et à l’intégration européenne dans les électorats et les opinions publiques. Il est notamment l'auteur de Les européens aiment-ils (toujours) l'Europe ? (éditions de La Documentation Française, 2014) et Histoire d’une révolution électorale (2015-2018) avec Anne Muxel (Classiques Garnier, 2019).

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Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Olivier Gracia

Olivier Gracia

Essayiste, diplômé de Sciences Po, il a débuté sa carrière au cœur du pouvoir législatif et administratif avant de se tourner vers l'univers des start-up. Il a coécrit avec Dimitri Casali L’histoire se répète toujours deux fois (Larousse, 2017).

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Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Atlantico : Une étude australienne, menée en partenariat avec des chercheurs britanniques et américains, montrent que le fac-checking peut inverser les opinions des partisans les plus acharnés d'une thèse fausse et qu'à long terme, le rétablissement des faits pourrait détourner les électeurs des hommes politiques les plus enclins à mentir. Quels sont les grands enseignements de cette étude australienne ? Pourquoi le fact-checking n'est pas une entreprise vaine ?

Bruno Cautrès : Cette étude universitaire australienne montre que les électeurs sont beaucoup plus sensibles qu’on ne peut le croire à l’image qui ressort des hommes politiques dont les déclarations ont été montées fausses par le fact-checking. Il s’agit d’une étude réalisée par expérience contrôlée, l’une des méthodes scientifiques les plus robustes pour établir des liens de cause à effet. Les australiens ayant participé à l’expérience ont été soumis à des affirmations fausses ou vraies, selon les cas, prononcées par le Premier ministre conservateur Scott Morrison et le dirigeant du parti travailliste Bill Shorten. Puis on leur a révélé ce que le fact-checking démontrait : soit que les affirmations étaient vraies, soit qu’elles étaient fausses. On a alors constaté que les 370 australiens ayant participé à l’expérience révisaient sérieusement leur jugement et leur soutien à l’auteur des fausses informations.

Cette conclusion montre qu’en fait les électeurs ne sont pas nécessairement prêts à pardonner ou à tolérer la production d’énoncés empiriquement faux par les hommes politiques. Cette sensibilité des électeurs à la vérité empirique des énoncés empiriques n’est pas distribuée de la même manière à gauche et à droite, en tout cas en Australie : les auteurs de l’étude ont constaté que, alors que les électeurs de droite étaient légèrement plus susceptibles de croire dans l’ensemble des affirmations fausses, les participants de gauche étaient plus susceptibles de croire en leurs propres jugements et étaient encore plus sensibles que les électeurs de droite à la découverte du mensonge politique.

Cette étude universitaire est importante parce qu’elle démontre que la vérification des faits (le « fact-checking ») devient dans nos démocraties un élément important du débat public et va devoir de plus en plus être intégré par les hommes et femmes politiques dans leurs stratégies de communication. Il s’agit d’un enjeu de long terme car tous les mensonges ne sont pas détectés et démontrés faux et que le langage de la politique se situe, presque par définition, dans un univers langagier qui n’est pas celui de la recherche de la vérité empirique mais plutôt de l’énoncé général qui « monte en généralité ».

Néanmoins, compte-tenu de l’importance des données empiriques ou des chiffres cités comme argument rhétorique dans le discours politiques aujourd’hui, celui-ci est et va être de plus en plus exposé à la vérification des faits. L’enjeu, pour les années à venir, est celui de l’instruction civique et numérique des citoyens : il va falloir de plus en plus éduquer les citoyens à devenir des « fact-checkers », une tâche plus facile à dire qu’à faire car il ne faut pas non plus tomber dans le mythe de l’internet comme source de vérification. Le web est justement devenu ce lieu ambigu ou tout un chacun peut à la fois vérifier, trouver des données empiriques et en même temps tomber dans le piège de la fausse information et de la manipulation. Sur le long terme et même sachant toutes ces difficultés, les logiques de fact-checking et de data journalism représentent une vraie bonne évolution des médias. Un exemple très important en France est celui des Décodeurs dans le journal Le Monde. Il s’agit de traiter l’information avec recul, à l’aide de données empiriques et d’analyses souvent quantitatives. 

Quelles ont été, pour vous, les plus gros mensonges des politiques suivants pour l'année 2018 ?

Laurent Wauquiez :

Olivier Gracia : C'est compliqué de choisir tant l'offre est importante. Que ce soit les Gilets jaunes, Sœur Emmanuelle… Il a brillé par ses tentatives d'insincérité à l'égard des Français. Surement dans l'espoir de rassemblement de ses électeurs mais la seule chose qu'il réussit à faire finalement c'est de laisser Les Républicains dans un état plus désastreux qu'après la défaite de François Fillon. Au début, il a clivé évidemment pour espérer gagner toute la branche la plus à droite des Républicains en laissant le centre à Macron et se retrouve avec une droite dépossédée de ses valeurs. Il est grand temps qu'il change sa communication et ses idées. La dernière en date, quand il a dit qu'il n'a jamais porté le gilet jaune alors que quelques jours avant il était photographié avec auprès de ses électeurs ce n'est pas courageux. Nous avons besoin de courage en politique. Puis il a fait un double mensonge en disant que la photo était ancienne alors qu'elle n'avait que quelques jours.

Emmanuel Macron :

Olivier Gracia : Macron sur l'affaire Benalla! Quand ils ont dit que les attributions de Benalla avaient été réduites après sa suspension de 15 jours. C'était la période où le gouvernement essayait de désamorcer la crise mais les photos ont révélé qu'Alexandre Benalla assurait toujours ses fonctions. Aujourd'hui les couacs entre Matignon et l'Elysée il est évident qu'Emmanuel Macron peine aujourd'hui à structurer sa pensée et à la rendre lisible. C'est dommage car les mensonges en politique sont rapidement révélés.

Jean-Luc Mélenchon :

Olivier Gracia : Pour moi, l'intox la plus grosse de Mélenchon reste quand il a déclaré que "c'est la rue qui a abattu les nazis". Mais cela date de 2017. Tout de même venant de Jean-Luc Mélenchon qui est certainement de tous les hommes politiques celui qui est le plus féru d'histoire et le plus cultivé a commis un impair historique réel. Cette année on peut citer le coup des vaccins préventifs sur Cuba. L'édile a voulu vanter le système de santé cubain qui comporte, il est vrai, des avantages mais s'est un peu emballé en déclarant à la tribune de l'Assemblée nationale qu'il existait à Cuba un vaccin préventif contre le cancer du poumon.

François Hollande :

Olivier Gracia : François Hollande avec les Gilets jaunes. Dans ce cas c'était un mensonge partisan. C'est un mensonge voulu. Il a inventé e fait que les Gilets jaunes étaient la première manifestation du peuple. C'est oublier que durant son quinquennat il est celui qui a eu contre lui des millions de Français. Il suffit de donner deux exemples : les manifestations contre la loi El Khomri et celles de La Manif Pour Tous. Si l'on s'en tient aux chiffres ces manifestations étaient bien plus importantes. Mais c'est une manière de dire que "sous lui la France était paisible, contrairement à Emmanuel Macron". Il y a là une certaine forme de cynisme surtout lorsque l'on sait que François Hollande a aussi sa part de responsabilité dans l'émergence de ce mouvement.

Benoît Hamon :

Olivier Gracia : Plus difficile à trouver d'abord car Benoît Hamon est quelqu'un qui intervient plus rarement dans les médias et dont les interventions sont peu remarquées. Il fait des bourdes mais qui sont moins relayées que les autres. Après il n'est clairement pas le plus menteur. On peut toujours trouver une intox qu'il a partagé sur son compte Facebook (et qui y est encore) pendant les débats pour le projet de loi contre les violences sexistes et sexuelles. "Comment un viol sur mineur peut-il être rétrogradé de crime à simple délit puni de 10 ans d'emprisonnement par le gouvernement dans son projet de loi sur les violences sexistes et sexuelles ? Soutien total à la suppression de l'article 2.". Une info toujours consultable sur son profil Twitter en date du 14 mai 2018

Marine Le Pen et Nicolas Dupont-Aignan

Olivier Gracia : Marine Le Pen elle nous a réinventé le sac de la basilique de Saint Denis. Dans un message sur Twitter la présidente du Rassemblement National a inventé que les migrants avaient répété l'exploit des pilleurs de l'époque et parle de profanation. C'est clairement l'influence des réseaux sociaux. Le malaise était total et traduit aussi un défaut de recherche de la source. Et cela vaut aussi bien pour les politiques comme Marine Le Pen que pour les journalistes.

Nicolas Dupont-Aignan, lui, a déclaré que les casseurs des Gilets jaunes étaient "ceux de Castaner" qui agissaient sur "ordre du gouvernement". Si la chose est absolument invérifiable, il n'apporte aucune preuve pour étayer ses propos qui ont ensuite été infirmés par tout le monde. Christophe Castaner a d'ailleurs décidé de porter plainte contre Nicolas Dupont-Aignan. Ces déclarations c'est jeter de l'huile sur le feu et on vire dans une forme de complotisme contre l'Etat qui n'est pas souhaitable. C'est de la responsabilité d'un homme politique, car il est garant des institutions, de les protéger contre les intox.

Et si l'on se penche uniquement sur les mensonges liés à l'économie ?

Emmanuel Macron :

Aurélien Véron : "Europe ultralibérale qui ne permet plus aux classes moyennes de bien vivre." Quelle Europe ultralibérale ? Qui croit encore à ce bouc-émissaire élimé tant il a servi à tous les partis de droite comme de gauche ? Certainement pas Emmanuel Macron qui se prétend lui-même européen... dans une version fédéraliste fondée sur le centralisme bureaucratique. L'Europe a connu un aspect plutôt libéral avec le marché unique instauré par le remarquable projet des pères fondateur de 1957. Le pouvoir d'achat des Français a largement bénéficié de l'ouverture du transport aérien et de la téléphonie mobile à la concurrence. Que lève la main celui qui voudrait se passer d'Easyjet et de toutes les lignes actuellement en circulation, du choix de sa box pour retrouver le bon vieux minitel ? L'Europe a encouragé la rigueur budgétaire et les réformes, mais manifestement sans succès. 

L'Europe pond un nombre excessif de normes et de règlementations (l'acquis communautaire, la somme des jurisprudences et règlements de Bruxelles, dépasse 32.000 pages) ce qui n'est pas franchement une politique qu'on qualifie de "libérale" à moins d'oser un mensonge plus gros que soi. Bruxelles a même essayé il y a quelques années d'interdire les flacons d'huile d'olive sur les tables de pizzérias !  Elle dépense des fonds structurels et une PAC qui n'ont rien de libéraux. L'ingérence de l'Europe dans les seuils de parts de marchés, les rapprochements industriels et dans les prix et prestations de services privés au nom d'une approche concurrentielle n'est pas franchement libérale, mais au contraire très interventionniste.

Emmanuel Macron devrait en revanche rappeler aux Français que ce n'est pas la faute de l'Europe si la France (y compris sa majorité) transcrit systématiquement ces directives de manière excessive, complexe et coûteuse pour les Français.

Laurent Wauquiez :

Aurélien Véron : "Les ravages provoqués par l’idéologie de la concurrence". Soit Laurent Wauquiez concourrait à une parodie de France Insoumise et cette sentence a été prise hors contexte, soit c'est un mensonge raté qui permet même à ses destinataires de comprendre qu'ils sont pris pour des imbéciles. L'utopie soviétique nous a prouvé tout au long de ses 70 années d'existence ce qu'amenaient les monopoles. Laurent Wauquiez souhaiterait-il que son boulanger, son concessionnaire automobile, son épicier, son médecin, son plombier ne soient pas obligés d'être attentifs à leurs tarifs et la qualité de leurs prestations sous la pression des concurrents ? Il est vrai que la France n'est finalement pas si éloigné que ça de ce modèle : si notre pays va mal, c'est sans doute partiellement dû au poids de ses propres monopoles (SNCF, sécu, retraites, assurance chômage...), de ses corporatismes (taxis, hôtellerie, ascensoristes, pharmaciens...) qui limitent la concurrence et défendent les rentes que leur procurent leurs privilèges. A la force de leur lobbying officieux (il n'y a qu'à Bruxelles que les lobbyistes doivent être déclarés, ainsi que leur agenda et leurs dépenses), des charges et des taxes s'ajoutent les unes après les autres au détriment du portefeuille des consommateurs captifs. 

Laurent Wauquiez sait bien que la concurrence a nourri l'innovation et amélioré le rapport qualité/prix d'une vaste gamme de services et de biens. A-t-il vraiment besoin de piocher des idées chez Jean-Luc Mélenchon ? Très médiocre à droite, sa côte de popularité serait peut-être meilleure s'il s'adressait directement à l'électorat de gauche. 

Jean-Luc Mélenchon :

Aurélien Véron :  L'idée selon laquelle nous avons besoin d'en finir avec le dumping fiscal qu'organise la communauté européenne. Etrangement, les paradis fiscaux européens et voisins comme la Suisse s'en sortent beaucoup mieux que la France. Ils sont moins endettés que nous, bénéficient d'une croissance plus forte et d'un taux de chômage beaucoup plus bas. Quant au dernier argument de la pauvreté, la crise des Gilets Jaunes révèle le sentiment de déclassement et la précarité des petites classes moyennes françaises poussées au désespoir par l’empilement de petites taxes, toutes censées être indolores (5 euros ici, 20 euros là, rien pour un parlementaire qui s'affranchit souvent de ces frais). 

Jean-Luc Mélenchon le sait mais ne veut surtout pas perdre sa clientèle électorale avide de miracles financiers (hausse arbitraire des revenus sans contrepartie, nationalisations avec des caisses d'Etat vides et une réelle expertise dans le plantage industriel de nos monopoles publics). Il préfère donc accuser de dumping les pays qui sont rigoureux et performants. Son idéologie a gagné des batailles avec la taxe sur les transactions financières ou la taxe Chirac sur les vols aériens que seule la France applique (comment se tirer une balle fiscale dans le pied) et, dorénavant, la TVA dissimulée sur les GAFA au risque de déclencher une guerre fiscale de nos partenaires qui vont se mettre à exiger également de taxer nos grands groupes chez eux... D'autant que les GAFA répercuteront la hausse des taxes sur leurs clients français, souvent des PME fragiles cherchant à passer passer des publicités. 

Benoit Hamon :

Aurélien Véron : L'idée de mutualiser les dettes publiques européennes. Benoît Hamon n'est pas assez bête pour ignorer  qu'aucun pays européen sérieux n'aura envie de rendre sa dette indissociable de la nôtre. Les taux d'intérêt, c'est à dire le coût de la dette, mesurent l'estimation des créanciers d'être remboursés. la France n'est pas trop mal classée car nous disposons d'une épargne importante dans laquelle l'Etat pourrait piocher en cas d'urgence (je préfère ne pas savoir ce qu'en dirait Hamon dans pareille situation de ponction massive de l'assurance vie par exemple). 

Cette idée de mutualisation des dettes a été émise au début de la crise financière par l'économiste Jacques Delpla. Les niveaux d'endettement n'avaient pas encore atteint les niveaux stratosphériques actuels. La frilosité devant les réformes a engendré une Europe à deux vitesses : celle des buveurs de vin qui ont chanté tout l'été et se retrouvent aujourd'hui bien dépourvus. Et celle des buveurs de bière qui lui recommandent maintenant de danser. Mais sans leur caution aveugle.

Bref, Benoît Hamon n'a tellement pas d'idées qu'il va jusqu'à piocher dans des propositions vieilles d'une décennie et abandonnées par tous depuis lors.

François Bayrou :

Aurélien Véron : L'idée de reprendre le principe d'une modulation des taxes en fonction du coût du baril du pétrole, pour que le prix à la pompe ne subisse pas de fluctuations trop pénalisantes. Encore une étrange contradiction pour masquer une envie irrépressible de monter les taxes (prétendûment incitatives) sur l'essence sans trop peser sur le pouvoir d'achat des ménages. Sa formule est séduisante mais dissimule un paradoxe éthique intenable. Soit la taxe assume un rôle dissuasif et il ne faut pas moduler la douleur, sinon la dissuasion s'estompe et la taxe redevient pur rendement fiscal. Les Français sont de plus en plus nombreux à deviner qu'il y a juste un Etat aux abois qui ne sait par par quel bout leur faire les poches. C'est ce qui explique l'immense soutien populaire au mouvement de ras-le-bol fiscal des Gilets Jaunes, en tout cas avant leur récupération par les courants extrêmes. 

En tout état de cause, les automobilistes font face à un déluge de mesures restrictives, voire punitives. Du permis à point à la multiplication des radars en passant par la remontée régulière des charges obligataires (permis, contrôle technique), ils n'en peuvent plus de la multiplication des interdictions ciblées de véhicules (trop vieux, trop polluants, trop anti-confort des habitants riches des grandes villes). La réduction absurde de la vitesse de circulation à 80km/h sur les routes a été la goutte de trop. A vouloir nous imposer le bien malgré nous, l'Etat a de plus en plus de mal à faire digérer ce messages "salauds de pollueurs" aux automobilistes de la France périphérique.

Bayrou doit revenir aux fondamentaux : combien cette taxe doit-elle rapporter ? Combien l'Etat doit-il faire d'efforts en face de tous ceux imposés aux citoyens depuis trop d'années ? Les embauches de fonctionnaires ayant repris de plus belle, il ne semble pas que nos administrations centrales et locales n'aient encore admis la nécessité de se réformer. En attendant, chantons... et modulons.

Marine Le Pen :

Aurélien Véron : La proposition de rétablir l'ISF au nom de la justice fiscale. Amusant de voir l'extrême droite reprendre cette lubie jusqu'ici très marquée à gauche. Comme quoi nationalisme et socialisme finissent souvent par se ressembler, à s'unir ou à s'entre-dévorer. Tout a déjà été largement dit sur les ravages dus à l'ISF sur l'exil fiscal, les investissements en France, la prospérité et le chômage de masse. Sur le plan moral, cette taxe entretient le ressentiment et l'envie chez les plus faibles d'esprit qui seront les premières victimes de son rétablissement. Briser les ambitions des meilleurs plutôt qu'encourager le succès relève d'un réflexe typiquement socialiste.

Nicolas Dupont-Aignan :

Aurélien Véron : Parler de la hausse de la CSG comme d'un sabotage des retraites. L'écart du taux de CSG entre actifs et retraités s'est un peu réduit mais reste favorable aux retraités (8,3% contre 9,2%) qui, rappelons-le, ne cotisent pas à l'assurance maladie dont ils sont néanmoins grands utilisateurs (et c'est bien naturel, elle sert à ça). NDA devrait rappeler que 20 % de la population s’accapare 45 % des prestations sociales (hors dépenses de santé). La part de retraités pauvres, calcul qui se fonde sur les seuls revenus, est moitié moindre que dans l'ensemble de la population française. Les retraités ont des revenus nets plus élevés que les actifs et disposent de la plus grosse partie du patrimoine. Ce pitoyable jeu de bonneteau fiscal prolonge la situation plus enviable des retraités par rapport aux actifs. 

NDA devrait plutôt appeler les retraités à remercier les jeunes générations qui sacrifient leur pouvoir d'achat pour ce transfert massif de richesses. D'autant que les jeunes ne seront jamais payés de retour avec les niveaux confiscatoires des droits de succession. Le lent compte à rebours des calculs actuariels appliqués à nos pyramides des âges et au taux d'activité de nos jeunes a commencé. Les proportions de ce transfert devra un jour chuter très significativement si le mécanisme démocratique le permet, à défaut de quoi une remise à zéro pure et simple des compteurs n'est pas à exclure. Ce qui peut en arranger certains.

Sans doute NDA ne veut-il pas que le travaille paie, mais que les retraités votent bien pour lui aux européennes. C'est hélas une vision de courte vue pour celui qui se prétend visionnaire.

Et pour vous, Michel Ruimy, quel a été le plus gros « mensonge » pour chaque personnalité politique qui aura marqué l’année 2018 ?

Michel Ruimy : Plus que mensonge, qui est une affirmation contraire à la vérité avec l’intention de nuire, je parlerai, selon le cas, aussi de désinformation ou d’inexactitude.

Concernant le président de la République, celui-ci semble avoir trouvé la solution au chômage : traverser la rue pour trouver un emploi. Cette saillie se fonde sur un discours d’essence libéral selon lequel il y aurait, en France, de nombreuses offres d’emploi qui resteraient vacantes du seul fait que les chômeurs sont responsables de leur sort, un « chômage volontaire » en quelque sorte.

Il y aurait actuellement environ 300 000 offres qui resteraient sans candidat adéquat, soit rapporté au nombre total de chômeurs, 1 emploi non pourvu pour près de 20 chômeurs. Si tout le monde traversait la rue pour prendre ce qui se présente même s’il n’y connait rien et que l’employeur accepte, seuls 5% se caseraient… Quand on interroge les employeurs, un grand nombre d’entre eux estiment que les difficultés de recrutement s’expliquent, outre par le manque de qualifications, notamment par des problèmes d’attractivité de leurs propres offres. En effet, celles-ci sont, pour certaines d’entre elles, de mauvaise qualité : 1 sur 2 correspond à un CDD de moins de 6 mois ou à un contrat à temps partiel, peu rémunéré pour lequel le salarié peut être perdant en prenant en comptant, par exemple, les coûts de transport. Devant la pénurie de main d’œuvre qualifiée, cette tendance commence toutefois à se modifier avec des embauches directes en CDI.

L’épisode n’est pas seulement lamentable pour le président mais également pour le jeune horticulteur qu’il a humilié en public.

Quant au président des Républicains, Laurent Wauquiez, il prend régulièrement des libertés avec les faits, allant jusqu’à réécrire sa propre histoire. Celle que je retiens est celle d’un reportage du magazine Paris Match, en octobre, où il se définit comme un provincial attaché à son terroir : « Le Chambon, c’est mes racines. J’y ai appris à monter à cheval, à pêcher la truite. J’y ai dragué ma femme ».

Or, les journalistes du Monde Ariane Chemin et Alexandre Lemarié, auteurs d’un portrait de Laurent Wauquiez, rappellent que le président des Républicains aime à faire valoir ses années passées au petit collège de Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire). Une affirmation démentie par… sa mère elle-même, qui rappelle que le jeune Laurent a fait ses classes au collège Victor-Duruy, dans le très peu rural 7ème arrondissement de Paris.

Pour ce qui concerne le député européen Front de gauche Jean-Luc Mélenchon, il a établi un curieux lien entre politiques d’austérité et espérance de vie sans parler de la période à laquelle il se référait. Pour lui, l’espérance de vie « effective » est en baisse dans tous les pays développés en raison des politiques d’austérité.

Or, le terme « espérance de vie effective » n’existe pas dans le vocabulaire des démographes. Lorsque l’on parle d’espérance de vie à la naissance par exemple, on suppose que la génération qui vient de naître sera soumise aux mêmes risques de mortalité que chaque génération qui l’a précédée. Autrement dit, un enfant qui vient de naître a autant de risque de mourir à 45 ans qu’un homme qui a cet âge aujourd’hui. L’espérance de vie ne peut donc être qu’une hypothèse qui éclaire plus sur la mortalité actuelle que le nombre d'années qu’un nouveau-né va effectivement vivre.

Par ailleurs, il affirme que l’espérance de vie est en baisse dans tous les pays développés. Mais, d’après l’Insee, ce recul pour la France s’explique par la combinaison de plusieurs événements : une épidémie de grippe très virulente en début d’année, une vague de chaleur l’été dernier et un épisode de froid au mois d’octobre. A première vue, si on se contente d’observer notre pays sur une période d’un an, « la politique d’austérité » n’explique donc pas, à court terme, le repli de l’espérance de vie.

Sur plus longue période, si on prend comme point de départ la crise de 2008, prélude aux politiques d'austérité, et 2013, dernière année disponible dans les statistiques de l’OCDE, l’ensemble des pays développés ont connu une augmentation moyenne de leur espérance de vie à la naissance sur cinq ans (même si certains ont connu une année de stagnation ou de baisse). Si l’on prend l’exemple de la Grèce, l’un des pays les plus touchés par la politique de rigueur, les dépenses courantes de santé par habitant ont chuté, à partir de 2008, de manière impressionnante. Malgré cela, l’espérance de vie à la naissance a continué à légèrement augmenter d’environ 2 mois d’une année sur l'autre.

Il n’en demeure pas moins que la situation sociale des pays européens depuis le début de la crise financière se dégrade. L’augmentation du taux de renoncement aux soins, due en partie à la hausse du reste à charge des ménages, pourrait avoir des conséquences sur l’état de santé de la population à moyen terme.

Je suppose que M. Mélenchon parlait de l’indicateur années de vie en bonne santé à la naissance. Cet indicateur mesure le nombre d'années qu’une personne à la naissance peut s’attendre à vivre en bonne santé. Dans ce cas, cet indice est en baisse, entre 2004 et 2010, chez les hommes, dans 8 pays d'Europe (Bulgarie, Danemark, Italie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie) et, chez les femmes, dans 9 (Bulgarie, Danemark, France, Italie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovénie, Slovaquie).

Au final, une assertion glissée par Jean-Luc Mélenchon qui assoit son argumentaire mais présente de nombreuses zones de flou.

Enfin, Marine Le Pen n’a pas été la dernière à se servir des accords de Marrakech du 10 décembre 2018 pour faire campagne autour d’un énorme mensonge.

Contrairement à ce qu’elle affirme, cette conférence qui s’est tenue entre les représentants de 159 pays ne constitue pas du tout une avancée pour l’accueil des migrants. Il s’agit d’un accord autour d’un texte ronflant de bonnes intentions « pour des migrations sûres, ordonnées et régulières » qui n’est, en rien, contraignant pour les États. Il y est affirmé toute sorte de banalités, comme « l’engagement à éliminer toutes les formes de discrimination (…) à l’encontre des migrants et de leurs familles », qui n’engagent à strictement rien de concret.

Ce sont donc ces accords « vides » que la Droite extrême argumente comme étant un pacte mondial pour les migrations et qui coûterait, à la France, des milliards d’euros pour accueillir des millions de migrants. Ceci est grossier et ne sert qu’à brandir l’épouvantail des migrants.

En définitive, cet exercice me fait penser à la citation de George Orwell : « Le langage politique est destiné à rendre vraisemblable les mensonges, respectables les meurtres et à donner l’apparence de solidité à ce qui n’est que vent ».

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