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Déficit record pour 2019 : mais comment trier le bon du mauvais gras de de la dépense publique ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Gestion

Selon les dernières données disponibles le déficit de la France dépassera les 100 milliards d'euros pour l'exercice 2019, en hausse de 80% par rapport à 2017.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico :  En regardant les grands postes de dépenses publiques, comment faire le tri en "le bon et le mauvais gras" ? Quels sont les grands postes dont le niveau de dépenses est justifié et ceux pour lesquels un effort mérite d'être réalisé ?

Philippe Crevel : 2019 ne sera pas un bon cru budgétaire. Avant même la crise des gilets jaunes, le déficit était en hausse par rapport à 2017 du fait de la transformation du CICE en exonération de charges qui provoque une double imputation sur l’exercice budgétaire. En effet, le CICE dans sa version initiale était versé avec un décalage d’une année quand l’exonération de charges sociales est attribuée en année N. Les mesures annoncées le 10 décembre aboutit à une dérive de 0,2 à 0,3 point de PIB. Par ailleurs, il faut y ajouter l’effet du ralentissement de la croissance contribuant à minorer les dépenses et à accroître les dépenses. En matière de réduction de dépenses, le problème provient qu’il est très difficile de distinguer le bon du mauvais gras. Bien évidemment, certains souligneront qu’il est possible de diminuer le train de vie de l’Etat, de réduire les dépenses les élus. Mais, un, les sommes en jeu ne sont pas considérables, deux, taper sur les rémunérations des élus peut favoriser la corruption et contribuer à leur nivellement par le bas. Les grands pôles de dépenses sont l’éducation, la sécurité, les dépenses de solidarité, les aides aux territoires  et le service de la dette. Pour ce dernier, le seul moyen efficace pour le réduire est de ne pas s’endetter et donc de rétablir l’équilibre de notre budget. Pour l’éducation, le sujet est sensible. La France est distancée en matière de formation des jeunes tout en ayant un nombre élevé de professeurs. Sans nul doute, il convient de réduire les effectifs en charge de la gestion administrative. La recherche du qualitatif devrait primer sur le quantitatif. Vaste chantier, délicat à mener compte tenu de la force des bastions syndicaux. Question sécurité, les économies ne sont pas à l’ordre du jour tout comme pour la lutte contre la précarité ou les aides aux territoires.

Ce n’est pas en jouant sur les missions que des économies seront réalisées. La technique du rabot a échoué. Il convient de savoir quelles sont les missions qui doivent rester dans le périmètre de l’Etat, celles qui peuvent être privatisées ou confiées à d’autres acteurs publics qui seront plus efficients. La règle de la subsidiarité doit s’appliquer afin d’éviter la remontée au sommet et les redondances. Par ailleurs, la généralisation par les acteurs de terrain de l’autoévaluation, la mise en place d’outils et de règles de gestion à tous les niveaux est à préconiser. L’administration devrait être capable de fermer des services devenus inutiles ou peu performants. Est-il obligatoire de conserver des musées n’ayant que quelques visiteurs par jour ?

Alors que la France dépense une large part de ces recettes du côté des prestations sociales, quelles sont celles dont l'évolution semble plutôt maîtrisée et celle qui sont manifestement excessives ?

Les dépenses sociales seront amenées à progresser dans les prochaines années en raison du vieillissement de la population. Les dépenses de retraite, le premier poste de dépenses sociales de la Nation, plus de 320 milliards d’euros par an, ne peuvent qu’augmenter car le nombre de retraités passera de 17 à 25 millions d’ici 2060. La majoration de la CSG et l’indexation partielle des pensions montrent bien la difficulté de réaliser es économies sur ce poste. En matière d’assurance maladie, les pouvoirs publics ont, ces dernières années, comprimé au maximum les dépenses en réduisant les investissements, en transférant certaines charges aux complémentaires et en opérant des déremboursements impopulaires de médicaments. Dans les prochaines années, un ressaut apparaît inévitable. A cela, il faut ajouter les dépenses liées à la dépendance qui devraient doubler d’ici 2040. Restent les dépenses logement, les dépenses de lutte contre la pauvreté et celles en faveur de l’emploi. Pour le logement, la France dépense 40 milliards d’euros pour un retour sur investissement négatif. En effet, ces aides loin de régler le problème de l’accès au logement semble au contraire l’accroître. Mais le logement est un sujet sensible comme le Gouvernement l’a constaté en réduisant les APL de 5 euros. En outre, le secteur de la construction constitue un puissant lobby. Au niveau de la lutte contre la pauvreté, le même constat pourrait être fait. En ce qui concerne l’emploi, le Gouvernement a demandé aux partenaires sociaux la présentation d’un plan d’économies de 4 milliards d’euros sur 3 ans qu’ils récusent pour le moment.

Paradoxalement, et malgré un niveau de dépenses publiques sur PIB des plus élevés, peut-on considérer que certaines dépenses sont insuffisantes dans certains secteurs ?

Il y a quelques années, la qualité des infrastructures françaises étaient louées. C’est de moins en moins le cas. Le réseau routier non concédé se délabre. Les projets de modernisation des ports, la mise à niveau des voies fluviales sont reportés. De même, la France n’investit pas suffisamment dans l’enseignement supérieur et la recherche. Les universités sont souvent vétustes et les moyens mis à la disposition des étudiants fiables au regard des standards internationaux. La défense nationale a également été délaissé au nom des économies budgétaires. Les programmes d’équipement ne sont pas respectés. La question du 2e porte avion est renvoyée d’année en année, et bientôt il faudra remplacer le Charles de Gaulle. La France est en retard en ce qui concerne les drones. 

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