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Europe, Chine, Etats-Unis, banques centrales... : les ingrédients de la prochaine crise mondiale sont sur le plan de travail
©STR / AFP

Cassandre

Le propre des crises, c’est d’être imprévisibles, sauf que les facteurs de crise, eux, sont faciles à identifier.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Cette fin d’année va se terminer avec un incroyable faisceau de facteurs de crise. Une conjonction de facteurs économiques, sociaux et politiques est en effet en train de se mettre en place sur l’échiquier planétaire, auxquels les gouvernants s’avouent incapables de répondre.

Chaque facteur de crise serait gérable à lui seul. La rencontre entre tous ces facteurs, elle, est explosive.

1er point, les banques centrales vont progressivement cesser d’injecter des milliards et des milliards de dollars d’euros dans les économies comme elles l’ont fait depuis 2009 pour éteindre les feux de la crise financière mondiale. Après la Banque centrale américaine, la FED, c’est la Banque centrale européenne qui va arrêter progressivement le « quantitative easing », c’est à dire le rachat systématique des dettes souveraines et la distribution aux banques des lignes de crédits qu‘elles demandaient en échange d’actifs pas toujours de grande qualité. En suivant l'exemple de la FED, le président de la BCE, Mario Draghi a distribué, en 4 ans, plus de 2300 milliards d’euros dans l’économie européenne. Alors, ces politiques monétaires non conventionnelles ont permis au monde occidental d’éviter la rupture de liquidités, elles devaient servir à soutenir le redémarrage des économies en facilitant le financement des entreprises, mais disons que ces liquidités ont aussi et surtout dopé les marchés financiers, rassuré les investisseurs et exonéré les pays endettés à ne pas faire trop d’efforts pour redevenir vertueux. Quand on peut d’endetter peu cher et presque autant qu’on le souhaite, pourquoi se priver? C’est un peu ce qu’ont fait des pays comme l’Italie ou la France.

Si la BCE ferme le robinet, les taux d’intérêt devraient rester très bas.

N’empêche que si l’économie n’est pas en mesure de supporter les sevrages d’argent facile, il y a des entreprises et des banques qui peuvent ne pas tenir. Par ailleurs, il faut bien comprendre que les banques centrales ne pouvaient pas continuer à déverser de telles liquidités, sinon la confiance dans la monnaie aurait été touchée.

2point, le déficit américain a complètement dérapé. Ça n’est pas surprenant. Donald Trump a créé un choc fiscal en allégeant considérablement l'impôt sur les entreprises, il a donc perdu des recettes fiscales. Par ailleurs, il n'a pas agi sur les dépenses publiques (et sociales), donc le déficit a explosé. Ce qui ne l‘a pas perturbé, compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt et de la confiance dont jouit le dollar dans le monde. Trump a pensé que la baisse des impôts allait pousser la croissance, l’activité et l’emploi et par conséquent lui générer des recettes fiscales conséquentes. En réalité, il a boosté une économie qui marchait plutôt bien et l’afflux de liquidités a alimenté la revalorisation des actifs, soit les marchés. Son problème est que son économie est maintenant en risque de ralentissement, tout comme le reste du monde. Sa fin de mandat sera donc très compliquée

3point : le ralentissement dans les pays émergents, et notamment la Chine. Trump a réussi son coup avec les Chinois. A force de les menacer de redresser la balance commerciale, les autorités chinoises ont en fait mis le pied sur le frein. Ce ralentissement chinois affecte l’ensemble de la planète. La Chine avait cette double qualité. D’abord, elle était l’usine du monde en fabriquant à bas prix ce que l’Occident  achète pas cher dans les hypermarchés, et grâce à ses excédents, la Chine pouvait jouer les banquiers pour les Occidentaux. C’est elle qui, aujourd’hui, encore, est le premier acheteur de dette américaine.

A la limite, le système était bien huilé depuis dix ans, les Américains consommaient chinois, les Chinois accumulaient des excédents qui servaient à financer l’économie mondiale et permettaient surtout aux Américains de s’endetter.

Trump a voulu flatter ses électeurs en leur promettant quelques mesures protectionnistes, mais il a aussi déréglé cette machine assez diabolique.

A noter qu’au même moment, la Chine donne des signes de durcissement interne en se refermant sur ces valeurs historiques, lesquelles ne laissent pas trop de place à l’expression de la liberté individuelle. On a redécouvert depuis un an, que la Chine avait des visées hégémoniques et sa mutation vers les valeurs de la démocratie sera très, très lente.

4point : le prix du pétrole. Alors que le prix est revenu en cette fin d’année dans les environs de 60 dollars le baril, ce qui est un prix d’équilibre acceptable par le marché, rien ne garantit sa stabilité à long terme à ce niveau. Il dépend aussi du rapport entre l’offre et la demande. Or, la demande est ralentie aujourd’hui, ce qui perturbe beaucoup les pays producteurs qui ont du mal eux aussi à se forger une attitude commune. Certains poussent à la hausse des prix. D’autres estiment au contraire qu'il faut protéger leurs clients et surtout ne rien faire qui pourrait accélérer leur transition énergétique, donc plutôt tout faire pour ne pas qu’il augmente trop. Le prix du pétrole est le grand inconnu de l’année prochaine.

5point, l’Union européenne. Le fonctionnement de l’Union européenne est en proie à deux phénomènes. Le risque Brexit et le risque de dérapage budgétaire en Italie et en France. Personne ne sait ce que la Grande Bretagne va devenir et comment va se gérer son divorce avec l’Union européenne. Tous les scenarii sont sur la table : un Brexit dur (hard Brexit) peu probable, à cause des difficultés qui commencent à faire peur à tout le monde en GB, un Brexit avec accord (soft Brexit), qui correspondrait au plus élémentaire des pragmatismes mais qui paraît impossible à gérer sur le plan politique.

Reste l’hypothèse où il ne se passerait rien, ou presque, avec une Grande Bretagne qui jouerait la montre, gagnerait du temps pour finalement rester dans l’Union. Possible, mais là encore, peu probable.

S’ajoute à l’incertitude Brexit, la nécessité de faire évoluer l’Union européenne vers plus de solidarité et d’harmonisation fiscale et sociale. Cette mutation présuppose toujours que les 27 pays membres respectent les règles de gestion budgétaire. C’est nécessairement  vrai pour les pays membres de la zone Euro. Mais c’est particulièrement compliqué par rapport aux situations politiques en Italie et en France dont il faut bien amortir la colère des courants populistes.

6eme point, les risques politiques n’ont jamais été aussi puissants. Tous les pays européens sont traversés par des pressions populistes. Ces pressions sont le résultat d’un malaise économique et social, vécu par une partie de l’opinion publique particulièrement défavorisée et qui se sent menacée par la mondialisation et la modernité. Ces pressions qui émanent le plus souvent des milieux extrémistes, de droite comme de gauche, sont accompagnées et soutenues par une grande partie des classes moyennes, qui ne sont pourtant pas antisystème. Ces courants s’attaquent très souvent au fonctionnement de l’Union européenne, aux dérives du capitalisme financier, à l’injustice fiscale, et parfois au fonctionnement démocratique. Face à de telles manifestations, tous les partis de gouvernements, tous les corps intermédiaires, et tous les contre-pouvoirs institutionnalisés sont très fragiles et démunis.

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