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L’érosion des identités collectives au coeur de la désaffiliation entre les citoyens et leurs élus
©BERTRAND GUAY / AFP

Bonnes feuilles

Combien, dans la France d'aujourd'hui, se sentent en réalité ignorés, laissés pour compte ? Combien estiment que leurs voix ne sont plus entendues ? L'enquête de François Miquet-Marty, "Les oubliés de la démocratie" (publiée chez Michalon), dresse un portrait inquiétant de notre société clivée et sourde à elle-même. Extrait 2/2.

François Miquet-Marty

François Miquet-Marty

Sociologue et sondeur, François Miquet-Marty est président de Viavoice, institut d’études et de conseil en opinions. Il a notamment publié L’Idéal et le Réel : enquête sur l’identité de la gauche (Plon, 2006).

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Ce clivage sociologique au cœur de la démocratie est redoublé par une érosion des identités collectives, laquelle constitue un facteur majeur de désaffiliation entre les citoyens et leurs élus. Fondamentalement aujourd’hui, l’idée de représentation démocratique est de moins en moins signifiante parce que nous nous reconnaissons de moins en moins dans les identités collectives qui pourraient nous représenter. Cette perte de ce que pourrait être l’objet de la représentation démocratique concerne en priorité les identités sociales et territoriales. L ’érosion de ces identités constitue un phénomène connu. Il procède non seulement de l’évanouissement des références de classes, mais encore du bouleversement des réalités recouvertes par les catégories professionnelles telles qu’« ouvrier », « employé », « cadre » notamment.

Si ces dernières notions demeurent opérantes au sein des recensements réalisés par l’INSEE, elles recouvrent des réalités professionnelles désormais très hétérogènes. L’essentiel, aujourd’hui, réside en un évanouissement de ces  identités et ressorts collectifs, lequel laisse à nu la part essentielle et individuelle de chacun de nous. Auprès des personnes rencontrées j’ai essayé, longuement, d’identifier les groupes sociaux en lesquels chaque personne pouvait se reconnaître, ou avec lesquels chacun pouvait estimer partager des situations, des expériences. La plupart du temps, ces groupes de référence sont inexistants. L’unique collectif volontiers reconnu est celui, peu impliquant et auquel la plupart des Français se réfèrent, de « classe moyenne ». Femme de ménage en retraite ou cadre supérieur en activité, tous entendent appartenir à la « classe moyenne ». En termes de structuration sociale, l’appartenance largement dominante qui prévaut désormais est celle de cette identification à la « classe moyenne », laquelle n’exclut, de façon subjective, que les personnes en grande détresse sociale, et des personnes exceptionnellement favorisées ou des catégories dirigeantes.

La pertinence des identités sociales du peuple apparaît ainsi, pour une large part, épuisée. Historiquement, cette vision a été fondamentale. Elle a notamment irradié toute une part de la lecture classiste, ouvrière de la société. L’élu, loin de représenter cette fois la nation tout entière, était, peu ou prou, le porte-voix d’une classe sociale et, idéalement, du parti politique qui lui était associé.

Éventuellement, dans son principe, cet enracinement identitaire du lien représentatif est déclinable à la réalité d’un territoire géographique. On peut entendre qu’un élu soit le porte-voix d’une région ou d’une circonscription. Pour autant, désormais, l’idée d’appartenance à de tels groupes territoriaux, ayant des opinions communes à faire valoir sur la sphère politique, est pour l’essentiel surannée. Aucun des citoyens rencontrés ne  s’inscrit dans cette démarche. Aucun n’estime avoir des intérêts communs à défendre, de façon prioritaire, avec d’autres personnes d’une même région ou d’une même circonscription. Et a fortiori, aucun n’estime que les députés soient les porte-voix de ces groupes sans existence réelle.

Extrait du livre de François Miquet-Marty, "Les oubliés de la démocratie", publié chez Michalon.

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