Pourquoi les gilets jaunes sont plus rationnels qu’il n’y parait<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Social
Pourquoi les gilets jaunes sont plus rationnels qu’il n’y parait
©JEFF PACHOUD / AFP

La goutte d'eau

Le mouvement des Gilets jaunes qui s’est levé partout en France ces derniers jours n’est pas , contrairement ce que voudrait faire croire le pouvoir, une fronde irréfléchie.

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

Voir la bio »

Roland Hureaux: C’est au contraire un mouvement profondément rationnel. Doublement rationnel.

D’abord parce qu’il exprime une souffrance bien réelle d’une grande partie des Français. Bien peu sont épargnés par la politique économique de ces dernières années (Macron était le conseiller économique de Hollande et en porte donc la pleine responsabilité). Les classes populaires voient chaque jour se réduire leur niveau de vie par la stagnation des salaires, la hausse du carburant, du gaz, de l’électricité, des loyers, des assurances. Tant l’Etat que toutes les grandes structures (GDF, SNCF, mutuelles), ont fait du pouvoir d’achat populaire leur variable d’ajustement, croyant que l’on peut indéfiniment et impunément le rogner pour équilibrer leurs comptes, voire distribuer toujours plus d’avantages à leurs dirigeants. Les retraités sont en outre frappés par la hausse de la CSG. La suppression annoncée de la taxe d’habitation s’avère un leurre. Les collectivités locales voient leurs dotations se réduire. Les agriculteurs frappés par les sanctions envers la Russie, le seront encore davantage par le CETA non encore voté mais déjà appliqué. Jeunes et moins jeunes voient les usines se fermer, le chômage s’aggraver, les salaires baisser pour des emplois de plus en plus précaires.

En dehors des très riches, désormais dispensés de l’ISF, et des profiteurs du système social, toute le société se trouve écrasée.

Il n’y a pas que l’argent : au motif de rechercher une société paradisiaque entièrement « secure », des réglementations de plus en plus strictes transforment la vie quotidienne en enfer: écologie punitive (dont la hausse du gazole est emblématique), guerres aux conducteurs automobiles, règles d’hygiène impitoyables pour les entreprises ; la France en rajoute même sur les réglementations de Bruxelles. Les tribunaux, indulgents pour les vrais délinquants, sanctionnent impitoyablement un mot de trop ou une insignifiante bourrade, se font impitoyables pour les simples citoyens ou les policiers : comment ne pas être profondément ému par le suicide de la jeune policière Maggy Biskupski, porte-parole pathétique du malaise des policiers ?

Mais les Gilets jaunes ont aussi raison en ce que les politiques qu’ils mettent en cause, loin d’être rationnelles , comme le prétend une caste dirigeante arrogante et autiste - qui ne voit dans ceux qui la contredisent que fainéants, « lépreux », illettrés , populistes - sont le produit d’une logique folle , aux effets absurdes, effet de l’incompétence et de l’ idéologie.

Comment comprendre qu’un gouvernement veuille réduire les déficits sans remettre en cause les dépenses publiques, avec l’effet d’un écrasement fiscal du pays ? Comment comprendre que l’on perpétue (quoi qu’en dise le ministre) des méthodes pédagogiques absurdes qui détruisent l’Education nationale pour aboutir à toujours plus d’illettrisme et d’inculture ? Pourquoi construit-on des éoliennes inutiles qui défigurent nos paysages ? Comment accepter qu’on multiplie les structures intercommunales couteuses, alors qu’il était si simple de laisser vivre des communes, grandes et petites, efficaces et économes ?

Comment comprendre que l’on entreprenne des guerres cruelles (Libye, Syrie), souvent en appui de mouvements terroristes, qui multiplient les réfugiés, vrais ou supposés ?

Comment comprendre que sous prétexte de le moderniser, on désorganise l’Etat par des réformes incessantes qui démotivent les agents et coûtent plus cher. Comment comprendre que les aides sociales, parfois nécessaires, aboutissent souvent à ce que leurs bénéficiaires vivent mieux que ceux qui travaillent ?

Comment comprendre que sous prétexte de construire l’Europe, on renforce impitoyablement toutes les disciplines, y compris monétaire, suivant un modèle allemand dont deux guerres mondiales ont montré que le reste de l’Europe n’en voulait pas ? Que sous le même prétexte ou pour des motifs purement financiers, on vende à la découpe à des intérêts étrangers nos plus beaux fleurons industriels (hier Alstom ou Alcatel, demain les constructions navales) et que les organisateurs de ces véritables trahisons de l’intérêt national se trouvent récompensés par des bonus de plusieurs millions d’euros ?

Le progrès a toujours signifié l’amélioration des conditions de vie. Comment comprendre, alors que le progrès scientifique et technique continue plus que jamais, que la « marche en avant » dont certains se réclament se traduise par toujours plus de pénitence, de sacrifices, de régression sociale ?

Les logiques technocratiques que suit depuis des années l’Etat français sont de plus en plus folles. En les refusant, les gilets jaunes sont, eux, du côté du bon sens et de la raison. Remettre en cause ces logiques folles pour revenir au bons sens est aujourd’hui indispensable à la survie de notre pays. Loin d’être porteurs d’intérêts catégoriels étroits, c’est à une véritable révolution intellectuelle et morale que les Gilets jaunes appellent, pour ne pas dire à une Révolution tout court. Porteurs de la plus noble des causes, ils sont décidés à ne rien lâcher.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !