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Mondialisation de la droitisation : ces groupes et individus qui se battent pour rendre le monde un peu plus conservateur chaque année
©Oli SCARFF / AFP

Société civile

Des groupes issus de la société civile se forment sur des causes précises à travers le monde et attirent des électeurs plus jeunes et plus conservateurs (anti-avortement, anti-immigration,…) La jeunesse conservatrice gagne du terrain sur la jeunesse libérale dont on pensait qu'elle était la principale à travers le monde.

Claude Dargent

Claude Dargent

Claude Dargent est docteur en science politique, sociologue, chargé de cours à l'Institut d'Études Politiques de Paris et chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF/FNSP).

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Atlantico: Ceci explique peut-être en partie la progression de partis de droite (Brésil, Pologne, Thaïlande,…) ?

Claude Dargent: Ou que ce soit dans le monde, les jeunes n’ont jamais constitué un groupe socialement et politiquement homogène. Comme l’écrivait Pierre Bourdieu « la jeunesse n’est qu’un mot ». Il y a toujours eu des jeunes de droite et d’extrême-droite dans le monde. Le fait nouveau est peut-être que cette droite s’assume plus volontiers comme telle, chez les jeunes comme chez leurs aînés. Mais il est exact que cette jeunesse vote volontiers non pas tant pour des partis de droite que d’extrême-droite, ce à quoi se refusent souvent les générations plus âgées, socialisées dans un autre contexte politique.

Sur quels enjeux cet électorat jeune et conservateur se mobilise-t-il en Europe et au-delà ? Quelles valeurs les fédèrent ? (Croyances religieuses, communauté, identité nationale, protection contre l'immigration, soutien pour l'unité de la famille?)

Contre la théorie aujourd’hui rejetée de la fin des religions, terme ultime d’un mouvement de sécularisation inéluctable, la résistance voire le développement de formes de croyances notamment chez les jeunes peut constituer un des ressorts de cette mobilisation conservatrice, avec les valeurs « traditionnelles » qui leur sont associées. Sa traduction politique n’est toutefois pas automatique : dans un certain nombre de pays occidentaux, les jeunes musulmans sont socialement conservateurs mais politiquement progressistes. 

La crainte des effets de l’immigration constitue également un facteur puissant de mobilisation de droite voire d’extrême-droite. Mais tout dépend de la situation géographique du pays considéré. Et la dimension proprement économique du problème doit également être prise en compte : indépendamment de la question de l’identité nationale, l’attitude vis-à-vis des immigrés varie en fonction du taux de chômage là notamment où la mondialisation a supprimé des emplois.

Sur quelle(s) ligne(s) de fracture se fait la division entre les jeunes plus libéraux et les autres, plus conservateurs ?

Plutôt que libéraux, un terme ambigu en français, je préfère à tout prendre le terme ancien de jeunes progressistes. Partout, la socialisation politique joue un rôle : être né dans une famille de gauche ne garantit pas qu’on sera progressiste, mais c’est tout de même plus probable que pour les jeunes issus d’un milieu de droite. D’autre part, il faut prendre en compte la situation économique des personnes concernées. Mais c’est surtout le niveau d’éducation qui constitue souvent le clivage séparant ces deux jeunesses dans les enquêtes empiriques.

La jeunesse libérale est-elle une idée du passé et cède-t-elle du terrain à des jeunes électeurs plus conservateurs ? Avons-nous des exemples de cette dynamique dans le monde ?

Dans ce domaine comme dans d’autre, je me méfie toujours des analyses en terme de « sens de l’histoire ». Que ce soit aux États-Unis, en Grande Bretagne ou en France, les jeunes sont très présents autours de leaders politiques qui positionnent leurs formations politiques plus à gauche qu’il y a 10 ou 20 ans (Bernie Sanders, Jeremy Corbin, ….). En revanche, certains processus politiques actuels montrent bien que considérer que la jeunesse est fatalement progressiste est une erreur – ce que les spécialistes de ces questions savent depuis longtemps.

En France, à quoi ressemble la jeunesse conservatrice et sur quelles causes se manifeste-t-elle ? 

Cette jeunesse conservatrice est loin d’être homogène en France : bien que les discours se rapprochent, demeurent tout de même de vraies différences entre le soutien apporté à des partis comme Les Républicains ou le Rassemblement National. Néanmoins, comme l’a montré le mouvement contre le mariage pour tous, on trouve chez ces jeunes une fraction de catholiques – mais une fraction seulement. Le déclassement social constitue une autre composante bien distincte de cette jeunesse : ce sont les moins de 35 ans non bacheliers dont l’employabilité est bien faible qui développent parfois des attitudes anti-immigrés voire discriminatoires de façon plus large : mais il s’agit alors d’une jeunesse qui n’est plus tant conservatrice que réactionnaire.

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