L'Europe au pied du mur : le couple franco-allemand condamné à une synthèse impossible<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande a un défi principal à relever à court terme avec ses autres homologues européens : créer les conditions d’une sortie de crise durable.
François Hollande a un défi principal à relever à court terme avec ses autres homologues européens : créer les conditions d’une sortie de crise durable.
©Reuters

Virage serré

Absence de majorité politique au Parlement grec, renversement du gouvernement aux Pays-Bas, blocage du couple franco-allemand sur le pacte de stabilité budgétaire... L'Europe souffre de nombreux maux et son avenir semble incertain. Ce que l'on peut attendre des semaines à venir...

Thomas  Houdaille

Thomas Houdaille

Thomas Houdaille est secrétaire général du think-tank EuropaNova et directeur du programme européen de leadership, 40under40

Diplômé de l’ESCP Europe, il a auparavant été directeur commercial de la société Devoteam, fondé un cabinet de conseil avant de devenir Directeur Général du cabinet Beijaflore.

 

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L’Europe est dans une situation paradoxale. D’un côté, la Grèce ne trouve pas de majorité pour gouverner le pays et mettre en œuvre le plan de survie de son économie dicté par la Troïka (FMI, Commission européenne, BCE), ce qui fait craindre le pire pour la zone euro ; de l’autre, l’élection de François Hollande suscite un nouvel espoir pour certains, des craintes pour d'autres. L’Europe peut-elle prendre un autre chemin que l’austérité pour s’en sortir ?

Alors, où va l’Europe ?

La dynamique européenne a connu de nombreux soubresauts. En particulier depuis le début d’une crise existentielle qui a débuté en 2008, et mis en lumière ses faiblesses, à savoir une intégration économique incomplète reposant sur une monnaie commune sans politique budgétaire commune. Mais aussi et surtout des États membres ayant, pour la plupart, depuis au moins une dizaine d’années refusé les réformes radicales qui s’imposaient et préféré vivre à crédit. La crise de 2008 a été ainsi été le révélateur d’un manque de perspective de croissance durable, à laquelle les gouvernements ont d’abord répondu par un plan de relance massif, puis devant les hausses des déficits et des dettes publiques, par des mesures d’austérité, jusqu’au pacte de stabilité budgétaire signé en mars dernier et en cours de ratification par 25 des 27 membres de l’Union.

Force est de constater que, contrairement à ce qui a été annoncé au mois de mars après la signature du pacte de stabilité, l’Europe et en particulier la zone euro ne sont pas sorties de la crise. Depuis 3 semaines, les mauvaises nouvelles se multiplient : Standard & Poor's a abaissé de deux crans la note de l'Espagne, où le taux de chômage a atteint son plus haut niveau depuis 16 ans, à 24,44% et où le secteur bancaire est de plus en plus fragilisé ; l’Italie a revu à la baisse ses prévisions de Produit intérieur brut (PIB) pour 2012, prévoyant une contraction de 1,2% contre une baisse de 0,4% lors de la dernière prévision officielle datant de décembre ; et c’est enfin le Royaume-Uni qui était sorti de plus d'un an de récession fin 2009, qui y replonge au premier trimestre 2012.

Les mesures européennes d’austérité ont par ailleurs fait deux autres victimes récentes : les Pays-Bas, un des « bons élèves » de l’Union dont le gouvernement s'est effondré le 25 avril dernier, l'extrême droite ayant retiré son soutien au gouvernement minoritaire, pour refuser de cautionner les coupes de plusieurs milliards qu'impose le pacte budgétaire de l'UE ; et bien sur la Grèce,  dont l'électorat a massivement rejeté dimanche dernier l’austérité dictée par l’UE et le FMI, avec une poussée des partis extrémistes rendant très délicate la formation d’un gouvernement de coalition, et ravivant  du coup les interrogations concernant l’avenir du pays dans la zone euro.

C’est dans ce contexte que François Hollande a été élu dimanche dernier en France, en ayant insisté pendant toute sa campagne sur son souhait de renégocier le pacte de stabilité budgétaire européen et de mettre l’accent sur la croissance. Ironie de l’histoire, quelques jours avant son élection, plusieurs grands noms européens sentant peut-être le vent tourner, se sont également exprimés sur la nécessité de dynamiser la croissance européenne, dont José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, Mario Draghi, le président de la BCE et même Angela Merkel. Tous n’ont pas la même analyse, ni les mêmes solutions, mais tous prônent maintenant un meilleur équilibre entre maîtrise des budgets et politique de croissance.

Que peut-on attendre des prochaines semaines ?

Et bien comme il y a quelques mois, il est urgent de colmater la brèche grecque. Mais cette fois, cela semble plus difficile. Rien n’est encore joué pour trouver une future coalition stable, mais les négociations vont bon train avec en ligne de mire deux niveaux de sortie de crise : à court terme, il s’agirait pour les futurs partis au pouvoir de renégocier les termes du programme de redressement assigné au pays, pour se redonner de l’air et respecter la voix du peuple ; à moyen terme il faudrait revoir l’ensemble du dispositif de règlement du problème de la dette grecque, qui restera insoutenable (voir à ce titre un précédent article sur le plan « Eureca »). Alexis Tsipras, le chef du parti de la gauche radicale grecque Syriza, chargé de former le gouvernement de coalition depuis mardi, a d’ailleurs demandé à rencontrer François Hollande, dès cette semaine.

François Hollande quant à lui un défi principal à relever à court terme avec ses autres homologues européens : créer les conditions d’une sortie de crise durable. Cela passe par un nouveau pacte européen qui définisse une stratégie de croissance crédible à moyen et long terme pour l’Europe, ce qui est absolument nécessaire au rétablissement de la confiance et au retour des investissements sur le vieux continent. Ce pacte de croissance doit compléter le pacte budgétaire qui restera un bon garde-fou nécessaire à un dialogue constructif avec l’Allemagne.

Preuve de l’urgence de la situation, les discussions ont déjà commencé avec le président du Conseil européen avant-hier, Herman Van Rompuy, et hier avec Jean-Claude Juncker, le président de l'Eurogroupe. Et la première « sortie officielle » du président français est déjà prévue à Berlin le 15 mai, le jour de la passation de pouvoir avec Nicolas Sarkozy.

Reste que les visions allemande et française de la croissance ne sont pas les mêmes : François Hollande met plutôt en avant l’utilisation de financements européens pour lancer ou accélérer la mise en œuvre de grands projets structurants, notamment en matière énergétique ou environnementale. Alors que pour Angela Merkel, la croissance passe par des réformes structurelles, notamment sur le marché du travail, qui permettent à un pays d'être plus compétitif. Entre les deux visions, une synthèse est possible et nécessaire de façon urgente pour que l’Europe ne rate pas ce qui devrait être un virage décisif pour son avenir.

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