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Prélèvement à la source : quand le gouvernement prend le risque de devoir renoncer en pleine mer
©BERTRAND GUAY / AFP

Réforme périlleuse

Edouard Philippe vient de confirmer, mardi soir sur TF1, que le prélèvement à la source serait bien appliqué dès le mois de janvier 2019. Le gouvernement s'engage sur une réforme qui pourrait s'avérer risquée.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Comment évaluer la décision prise par le gouvernement concernant le prélèvement à la source ? Les arguments proposés sont-ils cohérents avec les informations connues ? 

Philippe Crevel : Beaucoup de bruit pour une décision attendue ! L’affaire de la remise en cause de la retenue à la source quatre mois avant son entrée en vigueur effective a pris la forme d’un psychodrame. Emmanuel Macron n’a-t-il pas voulu simplement placer l’administration, le Ministre des Comptes Publics voire Edouard Philippe devant leurs responsabilités. Face à la remontée des problèmes, il a placer Bercy et le Gouvernement sous pression. Sa menace d’abandon de la réforme sonne comme un ultimatum. En substance, il a signifié, « vous avez quatre mois pour régler tous les problèmes. En cas d’erreurs, vous serez contraints de prendre vos responsabilités ». Il a également du ajouter que cette réforme qui n’est pas la sienne est demandée par l’administration fiscale depuis des décennies. Or, il découvre que malgré les affirmations du Ministre des Comptes Publics, tout n’était pas sous contrôle ; d’où un énervement feint.
Néanmoins, le Premier Ministre ne pouvait guère annoncer un nouveau report qui aurait pu être sine die. En effet, cet abandon aurait été perçu comme un renoncement, comme un affront pour Michel Sapin et François Hollande dont le courroux est déjà bien gênant. L’administration fiscale aurait vécu une telle annonce comme une démission de la part des politiques. Au niveau de l’opinion, il ne faut pas oublier que la moitié des contribuables n’est pas concernée. En outre, l’impôt sur le revenu est très concentré. Cette affaire préoccupe avant 10 % des contribuables qui acquittent 70 % de l’impôt sur le revenu. Cette réforme est d’autant plus populaire qu’elle ne concerne qu’un nombre réduit de Français.

Quels sont les risques pris par le gouvernement en prenant une telle décision ?

Ces dernières années, l’administration a été confrontée à quelques problèmes informatiques notamment avec son système de paiement des militaires ou au niveau de l’éducation nationale. Le premier risque est donc une série de blocages, d’erreurs à la fin du mois de janvier. Si l’administration peinait à trouver des solutions et que ces problèmes perdurent de mois en mois, le Gouvernement pourrait se trouver dans une situation inextricable. Il pourrait être contraint de renoncer en pleine mer. Le deuxième risque est économique au cas où ce changement modifiait les comportements de consommation des ménages. Cela est peu probable car plus de 60 % des contribuables payant l’impôt sur le revenu sont mensualisés. Le risque de mécontentement n’est pas à négliger. Aujourd’hui, la réforme est populaire mais demain les gagnants seront silencieux quand les perdants hurleront à la mort. Le prélèvement à la source aboutira pour les contribuables bénéficiant de réductions d’impôt à un alourdissement transitoire. Ils feront une avance de trésorerie à l’Etat. Ce sont plutôt les cadres supérieurs qui sont concernés.

Politiquement parlant, quelles pourraient être les conséquences de ce choix ?

Les tergiversations politiques de ces derniers jours ont écorné l’image d’infaillibilité du pouvoir. Certes, cette image était déjà un peu abimée par les affaires précédentes. Mais, les hésitations ont semblé prouver que le Gouvernement naviguait à vue pour éviter les récifs. Si début 2019, le prélèvement à la source s’applique sans trop de bavures, cette affaire sera vite oubliée. Dans le cas contraire, le pouvoir pourra se voir accusé d’avoir pris la mauvaise décision et d’avoir fait preuve d’excès de confiance ou de désinvolture. Les contribuables à l’impôt sur le revenu ont majoritairement des électeurs d’Emmanuel Macron. S’ils se détournaient du Président du fait d’une série d’erreurs fiscale et informatiques, ce dernier, après avoir perdu le soutien des retraités serait un peu nu pour affronter les prochaines échéances électorales.

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