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Les déclarations “chocs” de Laurent Wauqiez seraient-elles perçues comme telles chez nos voisins européens ?
©GUILLAUME SOUVANT / AFP

Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà

La stratégie du leader des Républicains avec des déclarations polémiques va-t-elle porter ses fruits dans le cadre de la campagne pour les européennes ? N'entraîne-t-elle pas la droite dans le mur ?

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize

Arnaud Lachaize est universitaire, juriste et historien. 

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Atlantico : "Les Français refusent de devenir étrangers dans leur propre pays.". Ce genre de phrases semble être difficilement accepté en France et peut rapidement créer une polémique. Laurent Wauquiez en a eu la preuve plusieurs fois cette dernière année. Les déclarations du leader des Républicains seraient-elles perçues de la même manière chez nos voisins européens ? Quels sont les pays où ces propos serait plus communément admis ?

Arnaud Lachaize :Oui c'est vrai, il y a d'autres pays où cette phrase ne soulèverait pas de problème considérables. En Grande-Bretagne, ce type de déclaration est assez courant. Aux Pays-Bas, en Allemagne, en Espagne ou en Italie, des personnalités politiques ou intellectuelles pourraient la prononcer sans déclencher de psychodrame. Cela ne signifie pas que tout le monde serait d'accord avec cette phrase. Elle donnerait lieu à contestation bien sûr. Mais elle ne serait pas perçue comme monstrueuse ou scandaleuse. Elle ferait partie de l'ordre du débat politique et idéologique autorisé. Bien sûr, en dehors de l'Europe, ce genre de chose pourrait être assez banal, au Japon par exemple. En revanche, aux Etats-Unis ou au Canada, elle serait perçue comme incongrue, difficilement compréhensible dans des pays entièrement fondés sur des vague d'immigration.

Comment expliquez-vous cette différence de perception ? 

La France depuis la révolution, est un pays très idéologique. Elle est le pays du contrat social de Rousseau selon lequel, il faudra "forcer à être libre" ceux qui restent attachés aux valeurs et aux idées anciennes. Nous vivons en permanence dans l'affontement du bien et du mal. Aujourd'hui, l'ouverture et la suppression des frontières sont eu coeur de l'idéologie française. Prononcer des phrases qui vont à l'encontre de cette idéologie est considérée comme inadmissible. L'idéologie française a réinventé dans les années 1980 l'extrême droite, un épouvantail qui sert à diaboliser toute idée déviante. A travers l'antiracisme, devenu une sorte d'idéologie officielle se substituant au marxisme, elle a porté au pinacle le principe du bien venu de l'extérieur contre le mal intérieur, le salut par l'immigration contre la France maudite, ringarde, réactionnaire, la vieille France vouée à disparaître. Et nous vivons sur cette idéologie encore aujourd'hui. Même le pouvoir LREM en est fortement imbibé sans le laisser paraître. Alors une phrase de M. Wauquiez qui contrevient à cette idéologie provoque inévitablement un tollé.

Au regard des critiques qu'a pu adresser Jean Pierre Raffarin cet été à Laurent Wauquiez -évoquant une culture "du problème, du slogan" - et au vu du discours de rentrée de ce dernier, comment imaginer la suite des relations entre les deux mouvements ? 

C'est vrai, l'attitude de M. Wauquiez n'a rien d'innocent. Il sait la portée, dans la France actuelle, de ce genre de phrase. Lui même cherche le tollé et la polémique. Son but est de faire parler de lui en s'en prenant à l'idéologie dominante dans les média, la presse, les milieux intellectuels. Il joue la France profonde contre les élites. Il tente d'affaiblir la droite lepéniste en récupérant ses électeurs. Le risque de cette méthode est de choquer une partie de l'opposition très sensible sur ces questions et de l'opinion publique qui n'apprécie pas forcément ce genre de provocation. La provocation crée la division. Mais surtout, elle ne présage en aucune manière de l'efficacité de la politique future qu'il appliquera en matière d'immigration. Lancer des provocation n'a strictement aucun rapport avec la détermination et la qualité des mesures qui seraient prises en cas d'alternance. Au contraire, bien souvent le bruit des paroles est là pour cacher l'absence de volonté, d'imagination et de politique. La droite républicaine ferait mieux de revenir à  un discours républicain sur l'immigration: ouverture strictement limitée aux capacités d'accueil, fermeté résolue sur l'immigration illégale, aide au développement. C'est un discours dans lequel beaucoup de Français pourront se retrouver. Et l'essentiel est qu'il débouche sur une action concrète.

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