Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au delà
Les déclarations “chocs” de Laurent Wauqiez seraient-elles perçues comme telles chez nos voisins européens ?
La stratégie du leader des Républicains avec des déclarations polémiques va-t-elle porter ses fruits dans le cadre de la campagne pour les européennes ? N'entraîne-t-elle pas la droite dans le mur ?
Atlantico : "Les Français refusent de devenir étrangers dans leur propre pays.". Ce genre de phrases semble être difficilement accepté en France et peut rapidement créer une polémique. Laurent Wauquiez en a eu la preuve plusieurs fois cette dernière année. Les déclarations du leader des Républicains seraient-elles perçues de la même manière chez nos voisins européens ? Quels sont les pays où ces propos serait plus communément admis ?
Comment expliquez-vous cette différence de perception ?
La France depuis la révolution, est un pays très idéologique. Elle est le pays du contrat social de Rousseau selon lequel, il faudra "forcer à être libre" ceux qui restent attachés aux valeurs et aux idées anciennes. Nous vivons en permanence dans l'affontement du bien et du mal. Aujourd'hui, l'ouverture et la suppression des frontières sont eu coeur de l'idéologie française. Prononcer des phrases qui vont à l'encontre de cette idéologie est considérée comme inadmissible. L'idéologie française a réinventé dans les années 1980 l'extrême droite, un épouvantail qui sert à diaboliser toute idée déviante. A travers l'antiracisme, devenu une sorte d'idéologie officielle se substituant au marxisme, elle a porté au pinacle le principe du bien venu de l'extérieur contre le mal intérieur, le salut par l'immigration contre la France maudite, ringarde, réactionnaire, la vieille France vouée à disparaître. Et nous vivons sur cette idéologie encore aujourd'hui. Même le pouvoir LREM en est fortement imbibé sans le laisser paraître. Alors une phrase de M. Wauquiez qui contrevient à cette idéologie provoque inévitablement un tollé.
Au regard des critiques qu'a pu adresser Jean Pierre Raffarin cet été à Laurent Wauquiez -évoquant une culture "du problème, du slogan" - et au vu du discours de rentrée de ce dernier, comment imaginer la suite des relations entre les deux mouvements ?
C'est vrai, l'attitude de M. Wauquiez n'a rien d'innocent. Il sait la portée, dans la France actuelle, de ce genre de phrase. Lui même cherche le tollé et la polémique. Son but est de faire parler de lui en s'en prenant à l'idéologie dominante dans les média, la presse, les milieux intellectuels. Il joue la France profonde contre les élites. Il tente d'affaiblir la droite lepéniste en récupérant ses électeurs. Le risque de cette méthode est de choquer une partie de l'opposition très sensible sur ces questions et de l'opinion publique qui n'apprécie pas forcément ce genre de provocation. La provocation crée la division. Mais surtout, elle ne présage en aucune manière de l'efficacité de la politique future qu'il appliquera en matière d'immigration. Lancer des provocation n'a strictement aucun rapport avec la détermination et la qualité des mesures qui seraient prises en cas d'alternance. Au contraire, bien souvent le bruit des paroles est là pour cacher l'absence de volonté, d'imagination et de politique. La droite républicaine ferait mieux de revenir à un discours républicain sur l'immigration: ouverture strictement limitée aux capacités d'accueil, fermeté résolue sur l'immigration illégale, aide au développement. C'est un discours dans lequel beaucoup de Français pourront se retrouver. Et l'essentiel est qu'il débouche sur une action concrète.
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