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Insécurité : brutal retour aux affres des ères Mitterrand-Hollande
©NICOLAS TUCAT / AFP

Eté sanglant

Depuis juillet, le gouvernement Philippe, à qui tout réussissait en matière de sécurité pour l'instant, a multiplié les bourdes et les revers. Et autour du gouvernement règne aujourd'hui un climat qui rappelle les années 80.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Côté terrorisme, le quinquennat-Macron avait plutôt bien commencé. Un président saisissant vite et bien les enjeux, un appareil resserré, plus réactif et proactif. D'où, plus de détection-arrestation de terroristes avant l'acte. Rassurés, nos grands partenaires en sécurité voyaient la France sortie de l'impuissance-errance des années Hollande-Taubira-Cazeneuve. Restait la sécurité intérieure, ni M. Collomb ni Mme Belloubet n'étant exactement de ces cruciaux généraux de terrain qui - tels Lannes et sa géniale progression en échelle à Austerlitz - optimisent le plan du chef lors de la bataille.  

Mais bon, avis général favorable. Avis décisif, insistons, car à l'ère des chocs stratégiques soudains, le champ terreur-crime-fraudes-trafics est affaire d'échanges rapides et pertinents, entre gens de confiance et qui s'apprécient. Or début juillet, une rafale de loupés judiciaires et policiers remet tout en cause et ramène la France aux affres sécuritaires de l'ère Mitterrand-Hollande.

L'évasion de Redoine Faïd. Toute la France savait que Faïd s'évaderait. Du neuf-trois au plateau de Creil, tous les caïds attendaient qu'il "s'arrache". Les avocats - défense, partie civile - vivaient dans cette hantise. Les gardiens de prison bombardaient leurs supérieurs de fébriles alertes... l'évasion de Faïd approche ! Or comme à la parade - "trop facilement" disent des experts - Faïd s'évade. Nouvelle si dingue que, quand un gardien prévient - sur son portable à lui - le commissariat du coin, le policier de garde croit à une blague !

De la Biélorussie au Honduras, tout ministre ou haut fonctionnaire coupable du désastre aurait été viré illico. Car le ministre et ses directeurs auraient dû savoir - mais ignoraient - qu'un "gros" braqueur n'est pas un truand anodin, mais marche à 100% à l'adrénaline. Braquage, évasion : l'acte violent est pour lui plus enivrant que la meilleure cocaïne. Pour Faïd & co., une sensation si forte qu'ils la recherchent toujours, à n'importe quel prix. Ainsi, renvoyer aux calendes son transfert de prison est une incroyable ânerie, à sanctionner brutalement ; car, symptôme d'un désordre grave de l'Etat, une évasion majeure vaut toujours un discrédit durable au pays en cause. Là, Mme Belloubet, hagarde Georgina Dufoix, nous rejoue 27 ans après "responsable mais pas coupable".

Ajoutons-y une police épuisée et dépressive, des policiers lynchés partout en France, devant l'école de leurs enfants, chez eux ou au supermarché, par des voyous ivres d'impunité, assurés que les "keufs" ne sont que des "bouffons".  Pire, Nantes embrasé suite à la mort - non d'un gamin innocent mais d'un truand recherché pour "vol en bande organisée" - la justice et le sommet de l'Etat (le Premier ministre) donnant le pénible sentiment qu'ils s'excusent d'exister et sacrifient un flic de base.

Réaction des pros de la sécurité, de Moscou, Washington et Pékin, via Londres et Bruxelles : Macron frime à l'étranger - mais chez lui, il n'y arrive pas. De fait, dans la France de l'été 2018, police et justice sont à la dérive :

Police : un ministère de l'Intérieur rigide, incapable de vraies réformes face aux défis nouveaux - exemple, concevoir une doctrine et une pratique pour les hybrides terreur-crime, problème majeur aujourd'hui et demain. Et un ministre absent, soulignant à chaque drame les succès de sa police du quotidien. 

Justice : nul parquet spécifique pour traiter ensemble - désormais, le réel est là - terrorisme et crime organisé ; nulle coordination nationale des JIRS (juridictions interrrégionales spécialisées) cruciales structures pour le crime organisé, laissées chacune dans son coin, celle de Marseille coupée de celle de Lille, etc.

Ainsi émerge l'avenir du quinquennat Macron : la première marche, SNCF-CGT quasi-franchie ; la seconde, celle des dispositifs sociaux (le "pognon de dingue") plus ardue. Et la troisième, à présent inaccessible : la sécurité intérieure. Là, le président a fait ce qu'il voulait faire : coordination serrée du renseignement et de la lutte antiterroriste, à sa main, à l'Elysée. Mais bien sûr (Redouane Lakdim, Khamzat Azimov) ça ne suffit pas. 

Car la France a un seul problème criminel - énorme : ces quartiers hors contrôle qui s'embrasent quand on touche à un voyou, demain à un hybride-terroriste ; des quartiers ou déferle la cocaïne qui à présent inonde la France ; des quartiers d'où sont issus Redouane Faïd et Redouane Lakdim - l'évadé du Réau et l'assassin du col. Beltrame. Des quartiers où, depuis un-demi siècle, une "politique de la ville" titubant de Bisounours à corruption, enracine le crime, la terreur et les trafics. Des quartiers mi-Piste Ho-Chi-Minh, mi-Cour des miracles où la République a disparu - et ne semble pas prête de revenir - puisqu'au lieu du mirifique Plan Borloo, rien de sérieux n'est énoncé.

Telle est la troisième marche du président Macron - une reconquête, plutôt. Tâche exténuante dont M. Collomb et Mme Belloubet sont incapables. Mais qui d'autre ? Car, n'oublions pas, M. macron est de loin le président le plus isolé et solitaire de la Ve République. Et vouloir tirer un Davout, un Soult ou un Ney de la pitoyable République En Marche est une blague - pour le coup, une vraie.

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