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Israël, Etat-nation des juifs : une polémique pour rien
©JIM HOLLANDER / POOL / AFP

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Le Parlement israélien a adopté une loi controversée qualifiant le pays d'État principalement juif. Au-delà de l'aspect symbolique, quelle peut-être la portée de cette loi ?

Shmuel Trigano

Shmuel Trigano

Shmuel Trigano est sociologue, philosophe et professeur des universités français.

 

Spécialiste de la tradition hébraïque et du judaïsme contemporain, il est président de l'Observatoire du monde juif et directeur du Collège des études juives de l’Alliance israélite universelle.

Il dirige également les revues Pardès et Controverses.

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Atlantico.fr : Le Parlement israélien a adopté une loi controversée qualifiant le pays d'État principalement juif. Au-delà de l'aspect symbolique, quelle peut-être la portée de cette loi ?

Shmuel Trigano : Controversée pour qui? "Juif" serait-il un gros mot? C'est comme si vous trouviez qu'il y aurait un scandale dans les termes officiels de "République française", "République fédérale allemande"... Ce sont les post-marxistes que sont aujourd'hui les post-modernistes qui promeuvent en Europe de telles aberrations, qui n'aident pas à l'intégration de populations qui viennent toutes de pays dont l'islam est la religion officielle. "Juif" désigne un peuple, comme vous l'aurez constaté en contemplant le 20 eme siècle: la quasi totalité des Juifs d'Europe ont été sortis de leurs nationalités individuelles pour être détruits en masse comme un seul peuple. Quant aux Juifs du monde arabe, ils ont été expulsés et spoliés comme un seul homme de onze pays arabes, entre 1940 et 1970; C'est ce peuple qui s'est constitué comme Etat en Israël et que l'on accuse de "racisme".  Il y a quelque chose de "comique". J'aimerais bien que le scandale se fasse entendre du côté de "l'Etat de Palestine" que la France a applaudi à l'assemblée et dont la constitution, écrite avec de l'argent allemand (la Fondation Konrad Adenauer), décrète qu'il sera l'Etat du "peuple arabe palestinien" (art 2), que celui ci "est une partie des nations arabes et islamiques"(art 10), que la souveraineté y appartient au peuple arabe palestinien (art 13), que "le caractère légal du peuple arabe palestinien sera incarné par l'Etat" (art 6) et l'Islam sera "la religion officielle de l'Etat" (art 6) mais que "les religions monothéïstes seront respectées". Selon quelle loi? Déjà leurs ressortissants sont sortis de la normalité de la citoyenneté, mais si l'islam est la religion officielle celà veut dire pour les non musulmans le retour à la case départ de  la condition odieuse de "dhimmis".

Benjamin Netanyahu étant au cœur d'une polémique (accusations corruption etc), cette loi résulte-t-elle d'une volonté d'obtenir un regain de popularité auprès de la population ? En d'autres termes, cette loi n'arrive-t-elle pas à point nommé ?

Je ne le crois pas du tout. Il est au sommet de sa popularité, vérifiée par les sondages, et c'est un des très grands présidents israéliens dont la réussite diplomatique, économique, et politique est exceptionnelle dans une région en guerre et un climat international hostile à Israël. On est en Israël dans une situation qui rappelle ce qui s'est passé en France avec le syndrome mediatico-judiciaire gauchiste qui s'en est pris à Sarkozy, puis à Fillon aux dernières élections. Cela ne reflète pas la réalité, sauf que ce que celà révèle de la réalité est inquiétant sur l'existence d'un "Deep State" en régime démocratique. En Israël, la rupture entre les élites et la majorité du corps électoral a une histoire: elle est la conséquence de la perte du pouvoir par un parti travailliste qui avait fait corps avec l'Etat depuis sa création. Perte du pouvoir politique mais les élites qui faisaient corps avec l'appareil d'Etat sont restées, elles, au pouvoir dans les domaines de l'opinion, de la culture et du prestige.

Controversée, la loi distingue l'hébreu comme la «langue de l'État», la priorisant en priorité sur l'arabe, reconnu depuis des décennies comme une langue officielle aux côtés de l'hébreu. Quels sont les risques pris par cette loi ? Le pays ne risque-t-il pas de s'aliéner davantage la grande minorité arabe d'Israël, qui s'est longtemps sentie discriminée ?

Voudriez-vous que la langue de la France soit l'arabe? Que certains de ses citoyens rejettent légitimement la Marseillaise et le drapeau? C'est le principe de l'Etat-nation qui est à l'œuvre. Les minorités s'adaptent à la langue commune et majoritaire. L'exemple juif en Diaspora est probant. Pourquoi ce qui est possible aux Juifs ne le serait pas aux Arabes? En vertu de quel privilège? Mais le problème est ailleurs. Depuis qu'ils ont formé une liste ethnico-religieuse (allant des communistes aux islamistes), la Liste Unifiée, les députés arabes mènent un activisme irrédentiste radical. Hanan Zoabi, députée à la Knesset, a même reconnu aux Etats Unis qu'elle utilise la démocratie israélienne pour promouvoir les droits nationaux des Palestiniens d'Israël. Les islamistes israéliens, du fait de la liberté dont ils jouissent, sont, par ailleurs, les principaux fauteurs de trouble sur le Mont du Temple, utilisé par les nationalistes palestino-israéliens comme un levier pour servir leurs fins politiques qui visent au démantèlement de l'Etat d'Israël et à sa mise au ban sur le plan international. De quoi parle-t-on? 

À quelle réaction doit-on s'attendre de la part de la Palestine ? Le président palestinien Mahmoud Abbas a quant à lui déclaré qu'il ne reconnaîtra jamais Israël comme un Etat juif…

Quelle importance celà a-t-il? Nul n'a besoin qu'il reconnaisse un Etat juif. L'essentiel est que les Israéliens se le reconnaissent. Sur le plan stratégique régional, la cause de la Palestine est reléguée aux marges. Il n'y a que l'U.E. pour la promouvoir avec hargne contre Israël, une cible facile et sans danger, qui lui permet de croire qu'elle s'attirera ainsi la sympathie des Arabes (au Moyen Orient comme en Europe). Il faut savoir d'où vient Mahmoud Abbas qui soutînt sa thèse révisionniste à Moscou. Ion Mihai Pacepa, ancien chef de la Securitate roumaine, écrit dans "The Kremlin Legacy": «Un jour de 1964, nous avons été convoqués à une réunion conjointe du KGB et de la Securitate, à Moscou ... il s’agissait de redéfinir la lutte contre Israël, considéré comme un allié de l’Occident dans le cadre de la guerre que nous menions contre lui ». Pour séduire "les idiots utiles" d'Occident, il fut décidé de créer l'OLP qui militerait pour la "libération nationale" du nouveau peuple, le  peuple palestinien ». Pacepa  explique comment Yaser Arafat fut fabriqué : barbu à la Che Guevara. « Il fallait séduire nos militants et nos relais en Europe ».
Ne pas reconnaître un Etat "juif" s'inscrit, par ailleurs, dans toute une stratégie: le jour où la "Palestine" serait reconnue, cet Etat demanderait le droit au "retour" des "réfugiés" dans l'Etat d'Israël, c'est à dire son engloutissement démographique et "démmocratique", puis les Arabes israéliens demanderont à l'ONU de les "protéger" contre l'Etat dont ils sont les citoyens à égalité avec tous les autres citoyens. Enfin, troisième étape: les Palestiniens majoritaires de Jordanie demanderont leur rattachment à la "Grande Palestine" enfin réunifiée. Ce programme est formulé ouvertement par les politiciens palestiniens. L'Europe ne veut pas l'entendre. Elle voudrait entraîner Israël dans le suicide. Mais attention, moral, distingué!

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