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Pourquoi le prélèvement à la source a du plomb dans l’aile
©JOEL SAGET / AFP

Edito

Le monde de la fiscalité peut ressembler à l’univers de Kafka.

Michel Garibal

Michel Garibal

Michel Garibal , journaliste, a fait une grande partie de sa carrière à la radio, sur France Inter, et dans la presse écrite, aux Échos et au Figaro Magazine.

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Le dossier du prélèvement à la source et en train d’en fournir une illustration qui pourrait devenir tragique dans la mesure où la complexité d’une réforme mal conçue vient de conduire le gouvernement à ouvrir une brèche dans le dispositif qui met en péril l’ensemble du projet. Pour l’instant, seuls les personnels employés à domicile sont concernés, car on a pris conscience que leurs employeurs seraient devenus des auxiliaires pour la collecte de l’impôt à laquelle ils ne sont pas préparés et pour laquelle ils ne disposent ni des DRH, ni des fiscalistes , ni des services juridiques , qui sont l’apanage des grands groupes ou des sociétés d’une certaine taille. Le ministre des comptes publics a donc décidé la mort dans l’âme de retarder d’un an le prélèvement à la source pour un million de contribuables payés pour des activités à domicile, dont un quart seulement sont assujettis à l’impôt, ce qui ne faisait que compliquer l’application du nouveau système envisagé. Face à l’incapacité de se transformer en collecteur d’impôts, on risquait de se trouver devant une absence généralisée de déclarations avec un recours au marché noir , alors que l ’on enregistre déjà des difficultés dans le fonctionnement du système. Mais en repoussant d’un an l’application de la réforme, le gouvernement trouve encore le moyen d’aggraver la complexité. Car les assujettis vont échapper non seulement au prélèvement qui devrait s’appliquer à tous, mais aussi à l’impôt sur le revenu qui serait lui aussi reporté d’un an, avec une double peine puisqu’il faudrait en 2020 payer deux fois l’impôt. 

Autant d’obstacles qui ne pourront qu’augmenter l’hostilité au projet. Déjà plusieurs fédérations professionnelles regroupant les artisans, les commerçants et les petits patrons avaient témoigné leur hostilité, en menaçant même de refuser d’entrer dans un processus qui se traduirait aussi par des charges supplémentaires. Le patronat dans son ensemble dénonce depuis des mois le manque total de clairvoyance des pouvoirs publics, en soulignant que le prélèvement à la source, qui est généralisé dans de nombreux pays ne pouvait être transplanté en France dans l’état actuel de la fiscalité. Il existe trop de régimes différents chez nous, notamment avec la politique familiale, alors que plus de la moitié de nos compatriotes ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Tout changement de fond  supposerait d’abord une simplification du système avec une généralisation de l ‘impôt sur le revenu qui fait défaut. Ce qui pourrait justifier une arrière-pensée prêtée au gouvernement : celle de fusionner à terme la contribution sociale généralisée, dont le champ d’application est plus large, avec l’impôt sur le revenu. Une idée qui fait frémir le monde patronal qui y voit le risque d’une augmentation sensible de la taxation des classes moyennes dans ce cas. 
Il reste que le pouvoir est bien embarrassé, alors qu’il reste seulement quelques mois avant l’entée en vigueur de la réforme. Car les pressions pour retarder l’échéance vont se multiplier. Les services de Bercy, qui ne manquent pas d’imagination, vont chercher à proposer quelques aménagements, qui ne feront que compliquer les choses avec le souci de donner des satisfactions à tout le monde. Il est probable qu’il faudra reculer le départ de la réforme, au risque de la compromettre définitivement. Et ceci alors que le gouvernement commence à payer le prix d’une boulimie de réformes trop vite engagées sans concertations suffisantes qui vient de le condamner à retarder la présentation de ses plans en matière de réforme de l’Etat, de l’hopital ou de la lutte contre la pauvreté, au moment où ses rapports avec les collectivités locales se tendent, car celles-ci redoutent  d’être les futures cibles des choix budgétaires qu’il n’est plus à même d’assumer lui-même.

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