Coup de génie
Indemnisation des victimes de la Dépakine : la sécurité sociale privatise les bénéfices et nationalise les pertes
Dans l’affaire de la Dépakine, la ministre de la Santé a annoncé que l’État se substituerait à Sanofi, dans un premier temps, pour l’indemnisation des victimes.
Éric Verhaeghe
Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.
L’affaire de la Dépakine est plus ou moins bien connue. Ce médicament à base de valporate, prescrit dans les cas d’épilepsie et de troubles de l’humeur, est commercialisé en France depuis 1967. On pensait jusqu’ici que seules 4.000 mères enceinte qui l’avaient utilisé avaient infligé, sans le savoir, des dommages irréversibles à leur foetus. Ce chiffre s’élèverait en réalité à environ 30.000 enfants victimes… Pire, il semblerait que Sanofi, qui commercialisait ce médicament, ait été informé de ses dangers pour les foetus… sans avoir réagi.
Une action de groupe contre la Dépakine
Une association s’est organisée, l’Apesac (association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anti-convulsivant) pour défendre les intérêts des parents victimes dans des actions de groupe. L’une d’entre elles, réunissant 14 mères, a récemment abouti à la condamnation, à Orléans, de Sanofi à 3 millions € de dommages et intérêts. Parallèlement, l’État a doté un fonds d’indemnisation de 77 millions €. On mesure, pour les parents, l’intérêt de saisir directement la justice contre Sanofi, plutôt que de saisir le fonds, dont les capacités financières sont limitées.
On mesure aussi pour Sanofi le danger que représente cette action de groupe qui passe par-dessus les épaules de l’État. La menace financière est colossale…
L’État veut protéger Sanofi et nationaliser les pertes
Assez logiquement, l’État souhaite préserver les intérêts de son géant pharmaceutique favori (déjà bénéficiaire du cadeau de la vaccination obligatoire élargie cette année) en bloquant les recours directs, et en privilégiant l’intermédiation du fonds publics. D’où la réponse sur France Inter d’Agnès Buzyn:
« Ce qui compte pour moi, et c’est l’urgence, c’est que ces familles d’abord connaissent le risque, et donc puissent se tourner vers l’Oniam [Office national d’indemnisation des accidents médicaux], et puissent être indemnisées. (…) L’urgence, c’est que Monsieur et que les autres familles dans le même cas soient indemnisés pour être aidés. Et Sanofi c’est le travail de l’Etat ».
Dans sa réponse, la ministre évite bien entendu de parler argent, et ne parle que rapidité de paiement. Or, les indemnisations promises par l’État sont inférieures à celles ordonnées par la justice.
La traditionnelle frilosité de l’État dans l’indemnisation
On rappellera que la justice est beaucoup plus généreuse dans la réparation des dommages que l’État ou le monde paritaire ne peuvent l’être. Le même phénomène se produit dans la réparation des accidents du travail, beaucoup moins favorables que la réparation des accidents de la vie.
Une fois de plus, la sécurité sociale se déploie au détriment de l’intérêt des assurés.
Cet article a été initialement publié sur le site Décider & Entreprendre
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !