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Mondial 2018 : calculer l’impact potentiel de la compétition sur la popularité d’Emmanuel Macron, c’est possible et voilà comment
©JACQUES DEMARTHON / AFP

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La tentation d’une exploitation politique du mondial de foot est inévitable tant l’évènement est l’occasion de fédérer les français qui seront tous derrière les Bleus, le Président de la République en tête. La question peut paraître cynique, mais on est en droit de se demander si, au-delà de l’amour du ballon rond, il n’y aurait pas aussi un intérêt plus politique, ou dit autrement, avec les Bleus en finale, quel gain de popularité pour le Président ? Selon le modèle élaboré par ElectionScope®, ce pourrait être de 10 à 13 points de popularité supplémentaire.

Bruno Jérôme

Bruno Jérôme

Bruno Jérôme est économiste, maître de conférences à Paris II Panthéon-Assas.

Il est le co-fondateur du site de prévisions et d'analyses politico-économiques Electionscope.

Son ouvrage, La victoire électorale ne se décrète pas!, est paru en janvier 2017 chez Economica. 

Bruno et Véronique Jérôme ont aussi publié Villes de gauche, ville de droite: trajectoires politiques des municipalités françaises 1983-2014,  Presses de Sciences-Po, 2018, en collaboration avec Richard Nadeau et Martial Foucault.

Voir la bio »
Véronique Jérôme

Véronique Jérôme

Véronique Jérôme est maître de conférences en sciences de gestion à l'Université de Paris-Sud Saclay, Docteur HDR en sciences économiques de l'Université Paris-I, lauréate de la Bourse Louis Forest de la chancellerie des Universités de Paris et chercheuse associée au Largepa de Paris II. 

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Bruno Jérôme est économiste, maître de conférences à Paris II Panthéon-Assas.

 

 

Bruno et Véronique Jérôme ont aussi publié Villes de gauche, ville de droite: trajectoires politiques des municipalités françaises 1983-2014,  Presses de Sciences-Po, 2018, en collaboration avec Richard Nadeau et Martial Foucault.

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La tentation d’une exploitation politique du mondial de foot est inévitable tant l’évènement est l’occasion de fédérer les français qui seront tous derrière les Bleus, le Président de la République en tête. La question peut paraître cynique, mais on est en droit de se demander si, au-delà de l’amour du ballon rond, il n’y aurait pas aussi un intérêt plus politique, ou dit autrement, avec les Bleus en finale, quel gain de popularité pour le Président ? Selon le modèle élaboré par ElectionScope®, ce pourrait être de 10 à 13 points de popularité supplémentaire. 

La coupe du monde de football 2018 débute et, immanquablement rejaillit le débat sur les tentatives d’une exploitation politique de cet évènement sportif majeur. Depuis la coupe du monde 1986 et l’épopée de la bande à Platini, l’exécutif est toujours prompt à accompagner, voire à récupérer, la ferveur populaire existant autour des bleus. 

Suivant la tradition initiée par Jacques Chirac en 1998, Emmanuel Macron accompagné cette fois de son épouse, s’est rendu à Clairefontaine et n’a pas hésité à enfiler quelques instants les habits du coach de l’équipe de France. Il a ainsi averti qu’il ne se déplacerait en Russie qu’à la condition expresse que les bleus franchissent les quarts de finale. Et d’ajouter qu’il espérait « qu’il serait » en finale. 

C’est peut-être un message subliminal mais il incite à se poser la question de savoir si le Président pourrait « politiquement » profiter d’une victoire des bleus au mondial 2018. Ou, à tout le moins, si une amélioration du moral des français (avec ses retombées économiques vertueuses) pourrait restaurer une popularité déficitaire et tendanciellement déclinante depuis le troisième trimestre 2017. Il existe certes quelque intuition à ce sujet, mais nous avons décidé d’aller plus loin en mesurant le lien existant entre popularité de l’exécutif et succès des bleus au mondial de football.

Panem et circenses

 L’interaction entre les jeux et la politique remonte au moins aux satires du poète Juvenal à qui l’on doit la formule panem et circenses (du pain et des jeux). L’objectif de l’Imperator romain était alors d’offrir au peuple « divertissements » et combats de gladiateurs pour afficher sa puissance, sa générosité et conforter ainsi sa popularité, tout en réduisant les tensions de toutes natures qui fragiliseraient son pouvoir (pratique dite de l’évergétisme).

Le rang des bleus au mondial fait-il remonter la popularité de l’exécutif ?

Pour revenir à notre époque, lorsque les Bleus ont gagné le Mondial en 1998, les 15 points de popularité récoltés par Jacques Chirac (7 points pour Lionel Jospin, Premier ministre en cohabitation, source Ifop) font toujours rêver. Déjà en 1986, à Guadalajara, le dernier tir au but de Luis Fernandez en propulsant les bleus en quarts de finale permettait aussi à François Mitterrand de gagner 7 points de popularité. Enfin, à l’occasion de la seconde place des bleus en 2006, Jacques Chirac bénéficiera à nouveau d’un regain de popularité de 9 points. En revanche, les piètres performances des bleus en 2002 et en 2010 ne rapporteront rien ou presque, à Jacques Chirac et à Nicolas Sarkozy. Reste un point aberrant en 2014, avec François Hollande qui pouvait attendre mieux de la sixième place des Bleus -stoppés par l’Allemagne en quarts de finale- qu’un simple maintien de sa popularité à 18% (de mai à août 2014). Mais c’est peut-être là qu’est l’exploit, car dès septembre il s’effondrera à 13% (source Ifop- un record sous la Vème République).

Ces quelques observations empiriques permettent d’expliquer en partie, pourquoi, lors de ces grands évènements footballistiques, un chef de l’Etat ne peut s’empêcher d’espérer restaurer son stock de crédibilité.

Dans les trois premiers au mondial… sinon rien !

Fin politique, Emmanuel Macron n’a pas décidé à la légère d’assister aux matchs des Bleus à partir des demi-finales, notre équation économétrique permet de confirmer son calcul coût-avantage.

En effet, un lien fonctionnel étroit apparaît entre la place obtenue au mondial par les bleus depuis 1986 et la variation de la popularité du Président avant et après l’évènement (voir graphique). Ceci conduit à la formule suivante :

Variation de la popularité = 12,70 - 3,48 x Ln (rang des bleus au mondial)  

Lorsqu’on simule le gain en popularité dont pourrait bénéficier le chef de l’Etat à l’issue du mondial, on montre qu’une 1ère place lui rapporterait 13 points. Ainsi de 41% en mai 2018 il passerait à 53% en juillet 2018. En revanche, une quatrième place ne lui rapporterait que 8 points de popularité. Alors que des quarts de finale sans qualification en demies lui donneraient à peine 5 à 7 points, ce qui serait mal payé pour un déplacement en Russie dans un contexte géopolitique difficile.

Et l’économie dans tout cela?

 On a souvent essayé de montrer le lien entre succès aux grands évènements sportifs et retombées économiques, mais les preuves empiriques restent fragiles. Ce lien passe d’ailleurs parfois par un regain du sentiment de bien-être et de confiance des ménages. Il est vrai que les grandes compétitions boostent souvent la consommation et parfois même l’emploi. Mais ces retombées de court terme sont parfois annihilées par la hausse de l’endettement et le dépassement des budgets initialement prévus comme en attestent les cas Sud-Africain et Brésilien.

Par ailleurs, depuis 40 ans les modèles politico-économiques de popularité ont montré que le lien entre popularité de l’exécutif et la situation économique à court terme était au moins de 60%. 

Il n’est dès lors pas étonnant d’établir au moins un lien indirect entre performance de l’équipe nationale et bonne santé de l’économie.

Mais quel est le poids réel du football dans tout cela ? Entre 1986 et 2006 la croissance était de 2,4% et elle atteignait 3,4% en 1998. En revanche lors des années mornes sur le plan sportif, la croissance était de 1,1% en 2002, 2% en 2010 et de 0,6% en 2014. Le rebond spectaculaire de la popularité de  Jacques Chirac (bien que cohabitant) est donc autant lié à la bonne santé de l’économie qu’au succès des bleus.

Les Bleus ne font pas toute la popularité …mais ils y contribuent

Au final, si les succès des bleus ne font pas la crédibilité du chef de l’Etat, ils offrent au moins une « prime » de popularité qui vient compléter le socle dû à la (bonne) santé de l’économie. 

Lors de la victoire des bleus en 1998, l’économie et le moral des français étaient déjà orientés à la hausse.

A l’orée du Mondial 2018, Emmanuel Macron jouit d’une croissance économique meilleure que celle dont ont bénéficié François Hollande ou Nicolas Sarkozy mais celle-ci est encore très loin de la situation de Jacques Chirac en 1998. Le taux de chômage est de son côté remonté à 9,2% de la population active en mars 2018 et des signes de ralentissement de la conjoncture mondiale se font jour. 

Cette situation contrastée explique en partie pourquoi la popularité agrégée (8 instituts) du Président est déficitaire depuis le troisième trimestre 2017. 

Pour doper la popularité, la coupe du monde c’est bien, mais ça ne saurait suffire

Une qualification des Bleus en finale permettrait très certainement à Emmanuel Macron de retrouver une crédibilité supérieure à 50%, mais sans amélioration tangible et ressenties (par les français) sur les fronts de la croissance et de l’emploi, rien ne garantit que l’effet soit durable.

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