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Macron anti-social… mais sans opposition : et si la diversité ethnique et culturelle était venue à bout de l’égalitarisme à la française ?
©DOMINIQUE FAGET / AFP

Bouleversement

Les enquêtes d’opinion ne cessent de montrer que les Français trouvent la politique menée par le président injuste et pourtant, aucun opposant n’en bénéficie vraiment. La clé du mystère pourrait se trouver dans la thèse développée par des universitaires d’Harvard sur l’impact de l’immigration sur les modèles sociaux des pays développés.

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne

Eric Deschavanne est professeur de philosophie.

A 48 ans, il est actuellement membre du Conseil d’analyse de la société et chargé de cours à l’université Paris IV et a récemment publié Le deuxième
humanisme – Introduction à la pensée de Luc Ferry
(Germina, 2010). Il est également l’auteur, avec Pierre-Henri Tavoillot, de Philosophie des âges de la vie (Grasset, 2007).

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Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : Trois économistes, Philippe Aghion, Philippe Martin et Jean Pisani-Ferry ont rédigé une note critiquant l'absence de dimension sociale de la politique économique d'Emmanuel Macron, et ce, malgré leur soutien initial au candidat LaREM. Une situation qui vient encore conforter l'image d'un « président des riches » qui colle au résident de l'Elysée. Pourtant, malgré l'érosion de la popularité d'Emmanuel Macron dans les sondages, ce contexte ne semble pas profiter à l'opposition. Comment expliquer un tel paradoxe ? Faut-il voir ici la réalisation de ce qu'annonçaient deux économistes de Harvard, Alberto Alesina et Edward Glaeser, dans leur livre Combattre les inégalités et la pauvreté et qui expliquaient dans le courant des années 2000 que « la fragmentation raciale est le meilleur prédictif des dépenses sociales », en indiquant que la poussée de l'immigration en Europe pourrait produire une érosion du soutien aux politiques de redistribution largement perçue comme étant destinées à ces populations immigrées, ne bénéficiant pas d'un même niveau de solidarité que pour le reste de la population ?

Christophe Boutin : Un an après son élection, une partie de la gauche qui a soutenu Emmanuel Macron dans sa conquête du pouvoir est effectivement déçue. Après les critiques qui portaient sur la politique en matière d’immigration, venues notamment de Terra Nova, celles sur la politique environnementale, ou celles encore considérant que « Jupiter » en faisait quand même beaucoup dans la recherche de verticalité, sans compter les désarrois de militants laïques peu sensibles au discours des Bernardins comme à l’organisation d’un Islam de France, voici la critique de la politique sociale du gouvernement, portée par les trois économistes que vous citez, qui ont tous trois contribué à la préparation du programme économique du candidat Macron.

S’ils reconnaissent l’existence de mesures sociales (du dédoublement des classes de CP dans les quartiers défavorisés à la réforme de l’apprentissage), ils estiment aussi, par exemple, que la réforme de l’assurance-chômage est nettement en-dessous des ambitions affichées, et, c’est effectivement l’image du « Président des riches » qui se profile, d’un Président qui en tout cas, n’aurait pas su tenir le cap défini par le candidat : « la lutte contre les inégalités d’accès ».

Mais l’explication qu’ils donnent de cette erreur de cap est intéressante en ce qu’elle répond, partiellement au moins, au paradoxe que vous évoquez, le fait que l’affaiblissement d’Emmanuel Macron ne profite pas à la droite. Selon nos trois économistes en effet, « beaucoup des soutiens du candidat expriment la crainte d’un recentrage à droite motivé par la tentation d’occuper le terrain politique laissé en friche par un parti Les Républicains en crise ».

Cette tentation est normale : tactiquement, Emmanuel Macron entend faire l’alliance au centre la plus large possible, ne laissant sur ses marges que le RN et un LR diminué autant que possible, et FI à gauche, tablant sur l’incapacité du PS à renaitre de ses cendres. Pour cela, il lui faut maintenir cette politique qui débuta par le recrutement au gouvernement de personnalités LR et se continue avec le jeu subtil qui consiste à se servir des troubles sociaux pour faire trembler l’électorat de droite et se donner à bon compte une image d’autorité. À force d’entendre la gauche de la gauche hurler que Macron est de droite, quand ce n’est pas Jean-François Copé le susurrer avec gourmandise ur les plateaux de télévision, une partie de la droite finit par le croire.

 Le dernier sondage de l’observatoire politique Elabe - Les Echos-Radio Classique le montre clairement. 55% des Français ne font « plus confiance » à un Président, très en baisse auprès des anciens électeurs de Marine Le Pen (-9 points à 15%) ou de Jean-Luc Mélenchon (-5 points à 22%) et même de ses propres électeurs (-4 points, 83% de confiance encore quand même), mais il progresse chez les anciens électeurs de François Fillon (+4 points à 55% de confiance). Par ailleurs, autre point important, si Emmanuel Macron a plus que jamais la confiance des CSP+ (60%, +6 points), elle s’effondre dans les classes moyennes (35%, -14 points). Ainsi, si le Président perd des points, c’est auprès d’un électorat qui, quand il n’est pas de gauche, n’arrive pas à être fidélisé par la droite LR, divisé qu’elle est entre des tendances bien peu compatibles sur certains plans et notamment sur ses deux conceptions du libéralisme.

Si tant est que l’on puisse retenir sur ce point les analyses des deux économistes américains que vous citez, ce serait en imaginant un Macron machiavélien, supposant que, de toute manière, sa faiblesse en termes de politiques sociales dénoncée par les trois économistes français ne lui serait pas préjudiciable, car elle serait plus facilement acceptée dans une France ethniquement divisée. Mais la perte de confiance constatée autant à gauche qu’au RN ou auprès des classes moyennes, permet me semble-t-il de relativiser cet hypothèse. Certes, l’individu est effectivement, et les études sociologiques le démontrent, naturellement plus enclin à aider ceux qui lui sont « proches » ou « lui ressemblent », mais de multiples critères de proximité existent, géographiques, sociaux, entrecroisés ou se substituant les uns aux autres selon les cas, et rien n’indique de manière claire que le critère ethnique ait pesé.

Eric Deschavanne : Le paradoxe que vous évoquez est assez facile à expliquer. L’étiquette « président des riches » est populiste (au sens où le « populisme » désigne une critique sociale et politique qui oppose les élites et le peuple, les riches et les pauvres, ou encore les « gros » et les « petits », les « puissants et les misérables, etc.). Or les populistes, en France, sont divisés : entre le populisme de FI et celui du FN, il n’y a pas d’alliance politique possible. De même, sur le plan social, il existe une myriade de catégories sociales qui éprouvent un sentiment de vulnérabilité, de précarité, d’inquiétude ou de frustration, mais il n’y a pas d’horizon pour une « convergence des luttes ». Entre le cheminot cégétiste, le chômeur victime de la désindustrialisation, le paysan en faillite, l’intello urbain précaire, le rural qui subit la désertification des campagnes, le jeune de banlieue qui s’estime victime de relégation sociale et culturelle, il n’existe pas de terrain commun. Il n’y a pas de front social commun ni même d’idéologie critique commune.  La mise en cause de la mondialisation économique n’y suffit pas. Deux orientations critiques contradictoires sont possibles : l’orientation internationaliste, qui entend fédérer les courants anticapitalistes, minoritaires dans chaque pays, et l’orientation nationaliste, qui voit dans la dénonciation du libre-échange le moyen d’associer la critique du capitalisme et le rejet de l’immigration. L’accord ne peut se réaliser que négativement, sur l’opposition au réformisme libéral - toute tentative de réforme de l’Etat (perçu comme le dernier rempart contre les effets de la mondialisation libérale) étant unanimement dénoncée comme une régression sociale. 

On peut se demander pourquoi l’insatisfaction et l’indignation ne débouchent pas sur une revendication sociale et politique structurée et relativement unifiée, comme a pu l’être naguère la revendication socialiste, structurée autour de la question ouvrière.  Mai 68 fut le dernier grand mouvement social : il s’est constitué non seulement sur une unité de temps, mais aussi sur une unité de lieu (l’usine) et sur une unité d’action (la lutte des ouvriers contre les patrons), ainsi d’ailleurs que sur une unité idéologique (la lecture marxiste, ou à tout le moins « socialiste », quelle que soit la tendance) de la question sociale. Une telle structuration unifiée de la protestation sociale semble désormais hors de portée. Pourquoi ? Vous évoquez l’une des réponses possibles. Les vagues migratoires des dernières décennies ont joué leur rôle. Elles ont en premier lieu contribué à briser « l’unité populaire » : il y a désormais plusieurs « peuples », que l’on peut opposer les uns aux autres. La question identitaire s’est superposée, sinon substituée à la question sociale. A la périphérie des grandes villes, le communautarisme a remplacé le communisme. Deuxième point : La solidarité repose sur l’homogénéité culturelle, qui constitue la condition de la confiance envers le compatriote dont on ne peut se sentir proche par les liens familiaux, de voisinage, ou par le métier. Multiculturalisme et solidarité sociale, autrement dit, ne vont pas bien ensemble. 

Troisième point : Le consentement à l’immigration et au multiculturalisme requiert en outre, au plan idéologique, la crédibilité du libéralisme économique. L’idéologie social-démocrate, qui fut longtemps dominante en Europe, notamment en France, promet la redistribution des richesses et la création de nouveaux droits sociaux. Avec une immigration non maîtrisée et non choisie, qui se traduit par une importation de la misère, l’immigré en vient à être perçu davantage comme un ayant-droit supplémentaire que comme un contributeur, ce qui génère quasi-mécaniquement une réaction politique protectionniste. L’acceptation de l’immigration est nécessairement plus aisée dans une société où le destin social est exclusivement l’affaire de la responsabilité individuelle, à condition toutefois que la promesse libérale garantissant à chacun le pouvoir de s’insérer et de réussir par le travail soit à peu près tenue. 

Cela dit, l’immigration est loin d’être l’unique facteur qui interdit l’unification et la structuration de la protestation sociale. Celle-ci est principalement incarnée en France par les syndicats de fonctionnaires, voire par les étudiants, ce qui la décrédibilise quelque peu dans un contexte où le niveau de la dépense publique, très élevé, génère des tensions fiscales et où la gestion de l’Etat est mise en question. Par ailleurs, qu’on le déplore ou non, l’ouverture de l’économie a plombé la conception classique de la politique sociale associant redistribution de la richesse et relance keynésienne de l’économie par le développement de la demande. 

Selon un sondage publié par Elabe, Institut Montaigne, les Echos, 40% des Français jugent les dépenses sociales trop élevées lorsque celles ci sont prises dans leur globalité, mais sont considérées trop faibles prises individuellement, notamment pour la vieillesse, les retraites, la pauvreté, ou encore la santé. Ce résultat ne montre-t-il pas justement une forme de paradoxe entre ce qui perçu au niveau global et les aides prises une par une ? Que révèle ce paradoxe ?

Christophe Boutin : 40% des Français jugent en effet le niveau des dépenses sociales trop élevé, 32% pensant qu’il est « juste comme il faut » et 28% le trouvant « pas assez élevé ». On a donc 60% de nos concitoyens qui ne souhaitent pas diminuer ces dépenses de 5 points supérieures à la moyenne européenne, et si 50% estiment qu’elles pèsent trop sur la dette, et ne permettent pas d’investir, 49% pensent eux que cela permet de maintenir notre fameux modèle social français.

Quels sont les paramètres supplémentaires qui permettent d’affiner cela ? Ils tiennent sans surprise autour de trois critères qui sont l’appartenance politique, sociale et… géographique. Politique d’abord, les aides sociales sont jugées plus nécessaires à gauche qu’à droite : 19% des électeurs FI le estiment trop élevées contre 65% des LR. En fait, la majorité des électeurs de Mélenchon les estiment trop élevées, la majorité de ceux de Hamon et Macron « comme il faut » et la majorité de LR et du RN (mais avec une différence de 12 points entre les deux, le RN étant visiblement plus social) trop élevées.

Appartenance sociale ensuite, là encore sans grande surprise : les cadres trouvent qu’il y a trop d’aides (54%), comme les artisans (50%), toutes les autres CSP étant en dessous la moyenne, mais avec un point à retenir : la catégorie sociale qui trouve les aides trop faibles n’est pas celle des ouvriers ou des employés, mais celle des professions intermédiaires, les fameuses classes moyennes, qui n’y ont pas – ou plus – droit sans avoir de revenus suffisants pour compenser. Appartenance géographique enfin : à Paris et dans les grandes villes de province on trouve qu’il y a trop d’aides (43% dans les deux cas), mais 36% seulement dans les petites communes

Si les Français ne souhaitent donc pas majoritairement que les aides baisses, dans le détail, comme vous le releviez, ils les estiment trop faibles dans certains secteurs : retraite et vieillesse (81%), pauvreté (64%) et santé (63%). Et même dans les trois autres postes plus équilibrés, les Français ne sont que 22% à les trouver trop élevées dans le domaine du logement, 25% dans celui de la famille et 34% dans celui du chômage. Cette demande de renforcement différenciée des aides pourrait sembler confirmer les analyses des économistes américains, mais on manque de statistiques et de questions plus précises pour déterminer si c’est le cas. Elle traduit en tout cas surtout les inquiétudes d’une société vieillissante et individualiste, où l’angoisse est avant tout de mal vieillir ou d’être malade plus que de protéger les familles (soit directement soit au travers d’un logement qui devient un poste essentiel de dépenses), quand ces dernières sont indispensables.

Eric Deschavanne : On tend généralement à surestimer la cohérence du jugement politique et la claire conscience des intérêts qui le structurent -  lesquels intérêts sont en outre souvent eux-mêmes contradictoires. En admettant par exemple que le protectionnisme économique permette de sécuriser certains secteurs de l’industrie nationale, il aurait mécaniquement pour effet de produire une augmentation des prix et une perte de pouvoir d’achat pour le consommateur. On peut donc vouloir comme producteur ce qu’on redoute comme consommateur. Pas sûr que les conséquences soient nécessairement et consciemment assumées par tous les défenseurs du protectionnisme. Il en va de même pour la contradiction qui existe entre le contribuable et l’ayant-droit. On peut juger le niveau de dépense publique trop élevé et se plaindre néanmoins dès lors qu’une réforme conduit à remettre en cause une prestation dont on est le bénéficiaire. 

Il y a toutefois, derrière ces contradictions subjectives du citoyen, une contradiction objective plus profonde. La cause objective des inégalités et de l’insécurité économiques réside dans la mise en concurrence généralisée des individus et des Etats dans le contexte du capitalisme mondialisé. La révolte contre le système ne peut toutefois pas, dans un tel contexte, mettre en évidence la figure d’un « ennemi de classe » à combattre. Concrètement, la protestation sociale se traduit par une révolte contre l’Etat nounou dont chacun – en France plutôt davantage qu’ailleurs – est plus ou moins dépendant et auquel on demande un niveau de protection qu’il n’est plus toujours en mesure de fournir.

Quelles sont les leçons politiques à tirer de ces enseignements au regard des différents positionnements des grands partis français, de la FI au RN, en passant par LaREM et les LR ?

Christophe Boutin : La première question est bien évidemment de savoir si les reproches faits par une certaine gauche déçue à la politique d’Emmanuel Macron vont fragiliser LaREM et conduire à un changement de cap. Les choses seraient faciles : Emmanuel Macron a intelligemment placé aux postes clefs de cette politique (Chef du gouvernement ou finances)… des hommes « de droite », transfuges issus de LR. S’il sent vaciller son socle électoral, il peut donc les sacrifier pour faire le « tournant social » du quinquennat. Pour autant, il est permis de se demander si c’est nécessaire : la menace sur sa gauche reste en effet modérée au vu des échéances à venir, puisque ces déçus, généralement europhiles convaincus, ne vont pas se rallier à la bannière mélenchoniste, et qu’un retour du PS n’est pas prévisible à court terme.

La deuxième question est celle des classes moyennes et de la division en deux de la France, entre, d’un côté, Paris et les grandes métropoles et, de l’autre, cette fameuse « France périphérique » de la province et de la ruralité. Ce sont ces deux France qui souffrent le plus en termes d’aides sociales, et leur paupérisation au profit d’une France urbaine composé à la fois de « premiers de cordée » aux hauts revenus et de groupes sociaux vivant très largement des aides est un facteur de crise… en même temps peut-être une base électorale pour le parti qui saurait les unir.

Eric Deschavanne : L’offre social-libérale de Macron est idéologiquement cohérente. Sur le plan économique, il vise à adapter la fiscalité et le droit du travail afin de restaurer la compétitivité et l’attractivité du système productif français. Ce libéralisme économique (tempéré) s’accompagne du projet de refonder la politique sociale sur la base de l’idéal libéral de l’égalité des chances : il s’agit de favoriser à tous les niveaux de la société la mobilité, de lutter contre « les inégalités d’accès », afin que tous puissent participer à la compétition économique et sociale. Les deux objectifs sont liés et se conditionnent réciproquement. Dans ce cadre de pensée libéral que Macron ambitionne d’implanter en France, l’espérance de la réussite – la chance offerte de s’intégrer par le travail -  est censée compenser et légitimer socialement l’insécurité économique générée par la compétition, l’innovation et la concurrence. Tout cela est cohérent sur le plan théorique. Le problème – pratique – est celui de la réalisation de l’ambition réformatrice, avec le risque que les désagréments de la réforme l’emportent sur son efficacité et la visibilité des résultats. Les soutiens libéraux de Macron s’inquiètent donc logiquement du fait que les réformes ne vont pas assez loin ni assez vite, sur le plan économique (la diminution de la dépense publique) comme sur le plan social (c’est le sens des critiques et des propositions contenues dans la note des trois économistes que vous citez).

Face au social-libéralisme, Marine Le Pen incarne une opposition idéologiquement cohérente, celle d’un protectionnisme de l’Etat-nation, à la fois économique, social et culturel. L’euro constitue cependant son « caillou dans la chaussure ». Le populisme souffre en effet d’un handicap structurel dans les pays de la zone euro : le protectionnisme national exige la sortie de l’euro, ce dont les opinions publiques ne veulent pas. Cela dit, l’avenir de la zone euro demeurant incertain, il n’est pas impossible que cette option s’impose un jour en cas d’échec du social-libéralisme. 

La droite classique peut tenter de jouer sur ces deux tableaux mais il lui faudra bien, à l’approche des échéances majeures, choisir entre libéralisme et protectionnisme. Il est vraisemblable qu’elle attendra l’échec ou l’usure de Macron, en se différenciant à la marge ou par des rapprochements provocateurs, mais purement symboliques, avec la droite protectionniste et nationaliste. 

La gauche socialiste (social-démocrate puisqu’il n’y a plus de gauche anti-démocratique), aujourd’hui incarnée par FI, est aussi faible sociologiquement qu’elle est forte médiatiquement. Elle est vouée à jouer le rôle d’une opposition bruyante mais impuissante. Son cadre historique s’est effondré (l’usine, l’industrie, la classe ouvrière). L’idéologie anti-capitaliste demeure puissante, et permet de donner sens à la dénonciation des dérives du capitalisme financier, des inégalités économiques et des nuisances écologiques.  Le problème de cette gauche est celui de la crédibilité politique. Quel peut être l’instrument de lutte contre le capitalisme et l’économie libérale ? La perspective marxiste d’une appropriation collective des moyens de production a cessé d’être crédible. Celle, keynésienne, d’un Etat redistributeur de la richesse produite s’est également effondrée, en raison de la mise en concurrence des Etats, du niveau de la dépense publique, de la dette et de l’absence de marge de manœuvre budgétaire. L’internationalisme, qui est essentiel à l’identité de la gauche, achève de plomber sa crédibilité politique : l’option protectionniste n’est plus disponible, sauf à l’échelle européenne, ce qui renvoie la perspective d’une solution politique aux calendes grecques ; le consentement à l’immigration conduit l’opinion à interpréter toute promesse sociale comme un nouvel « appel d’air » susceptible d’attirer la misère du monde. Cette gauche classique, autrement dit, aussi influente soit-elle encore sur le plan médiatique, est idéologiquement dans l’impasse.

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