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L’inquiétante obsession du « mâle blanc »
©ludovic MARIN / POOL / AFP

Le grand méchant mâle blanc

Lundi 4 juin, la Ministre de la Culture Françoise Nyssen a présenté les objectifs de sa réforme de l’audiovisuel public. Dans un discours expliquant que celui-ci devait s’engager pour mieux mettre en avant la « diversité », elle a apporté son soutien à la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, qui avait déploré le trop grand nombre d’hommes blancs de plus de 50 ans à la télévision. Cet épisode, qui fait écho aux récents propos d’Emmanuel Macron sur les « mâles blancs » illégitimes à élaborer des plans banlieues, met en lumière une mentalité effrayante.

Nicolas Moreau

Nicolas Moreau

Diplômé d'école de commerce, Nicolas Moreau a exercé en tant qu'auditeur pendant une décennie, auprès de nombreux acteurs publics, associatifs et privés.

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Du marketing, encore du marketing

Depuis le porte à porte des débuts d’En Marche, Emmanuel Macron nous a habitués à un marketing politique massif, ce qui fait dire à certains comme Michel Onfray qu’il nous a été vendu comme une marque de lessive.

Or il n’y a pas de marketing sans segmentation de la population et ciblage des segments par des messages précis. Cet usage de la notion de « mâle blanc » chez notre gouvernement est avant tout la marque de cette segmentation à outrance, où des messages ciblés et différents sont adressés aux hommes, aux femmes, aux blancs, aux noirs, aux ruraux, aux citadins, etc.

Sauf qu’une fois de plus il est nécessaire de rappeler à Emmanuel Macron qu’un pays, qui possède ses structures, son identité, et son histoire propres, ne peut pas être géré comme une entreprise ; et que le marketing, s’il est utile à gagner des élections, ne peut pas être la boussole de politiques publiques.

Des modèles outre-Atlantique

Les modèles d’Emmanuel Macron se nomment Barack Obama et Justin Trudeau, des présidents jeunes et charismatiques, usant et abusant de ficelles de communication si grossières qu’elles en deviennent écœurantes. Mais toutes écœurantes qu’elles soient elles permettent de gagner des élections. 

Sauf que le plan de notre président ne s’arrêtait pas à la victoire à la Présidentielle. Afin de conserver une côte de popularité raisonnable, et afin de diviser pour mieux régner, il gouverne par ces stratégies de segmentation de la population française. 

Celles-ci sont courantes dans des pays multiculturalistes comme les USA d’Obama ou le Canada de Trudeau, où la population est un agrégat de communautés plus ou moins fermées. Mais c’est faire une erreur grossière que de diriger la patrie des Droits de l’Homme de la sorte.

Un modèle précieux

La France l’annonce de manière très claire dès l’article 1 de sa constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. »

Indivisible. Sans distinction. Les mots sont pourtant clairs.

Longtemps la France a misé sur un modèle républicain particulier. Il s’agissait d’assimiler les populations immigrées, de toutes origines, et de toutes croyances grâce à la Laïcité, au sein d’une Nation indivisible dans laquelle tous les citoyens seraient libres et égaux en droits. C’est cela, l’esprit des Lumières que porte la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Françoise Nyssen fait un contresens grossier en invoquant les Lumières pour vanter l’inverse.

La France n’est pas un pays de communautés. Elle n’est pas un pays de concurrence raciale, générationnelle ou sexuelle. Elle n’est pas un pays qu’il convient de segmenter. Elle est un pays dans lequel la Nation ne tolérait jusqu’ici ni les subdivisions, ni les différences de traitement.

A l’heure où le communautarisme se développe, et où les tensions entre ces communautés naissantes s’exacerbent, le vieux modèle républicain de la France aurait pu offrir des opportunités formidables pour souder tous les individus au sein d’une même Nation. 

Un enterrement discret

Malheureusement, notre gouvernement enterre aujourd’hui ce modèle. La répétition par la Ministre de la Culture des termes du Président sur les mâles blancs lève le doute sur l’ancrage de cette vision communautariste dans l’esprit de nos dirigeants. Si la sortie de Macron sur les mâles blancs pouvait être vue comme une boutade ratée, ou un égarement passager, l’insistance de Nyssen sur ce concept porte la marque des idées bien ancrées.

Par cette obsession des « mâles blancs », le gouvernement consacre ainsi la France des communautés, la France des divisions, la France des tensions.

Les exigences de la politique moderne poussent nos dirigeants à miser gros sur le marketing, ce qui peut se comprendre. Mais cette segmentation doit rester strictement marketing, et ne jamais être transférée vers la sphère de la politique publique, car les divisions au sein d’une Nation posent les bases de situations désastreuses.

La plus effrayante des perspectives, toutefois, serait que cette obsession du « mâle blanc » ne soit pas qu’une stratégie consciente de marketing ou de gouvernement, et qu’elle puisse être profondément et inconsciemment intégrée par nos dirigeants. Elle serait alors le signe que notre gouvernement ne croit plus à ce qui faisait la France, et qu’il a définitivement tourné la page de notre modèle républicain de Nation indivisible. Celui-ci serait abandonné au profit d’un désastreux modèle communautariste, sans espoir de voir un jour nos élites faire machine arrière.

Perspective effrayante, car si nos dirigeants, garants de nos institutions, n’y croient plus eux-mêmes, qui serait assez puissant, convaincu et organisé pour défendre notre modèle historique ? Et qui pourrait lutter face à ce  « média public engagé » dont la mission, comme l’annonçait Françoise Nyssen, sera justement de porter ces idées mortifères ?

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