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G7 et guerre commerciale : quelle botte magique les Européens pourraient-ils trouver pour faire face à la puissance de feu américaine ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

Europe vs USA

Alors que le G7 commence demain au Canada, la tension semble monter entre les Etats-Unis et les autres participants, qui n'acceptent pas la guerre commerciale lancée par Donald Trump et affirment faire valoir leurs droits.

Philippe Fabry

Philippe Fabry

Philippe Fabry a obtenu son doctorat en droit de l’Université Toulouse I Capitole et est historien du droit, des institutions et des idées politiques. Il a publié chez Jean-Cyrille Godefroy Rome, du libéralisme au socialisme (2014, lauréat du prix Turgot du jeune talent en 2015, environ 2500 exemplaires vendus), Histoire du siècle à venir (2015), Atlas des guerres à venir (2017) et La Structure de l’Histoire (2018). En 2021, il publie Islamogauchisme, populisme et nouveau clivage gauche-droite  avec Léo Portal chez VA Editions. Il a contribué plusieurs fois à la revue Histoire & Civilisations, et la revue américaine The Postil Magazine, occasionnellement à Politique Internationale, et collabore régulièrement avec Atlantico, Causeur, Contrepoints et L’Opinion. Il tient depuis 2014 un blog intitulé Historionomie, dont la version actuelle est disponible à l’adresse internet historionomie.net, dans lequel il publie régulièrement des analyses géopolitiques basées sur ou dans la continuité de ses travaux, et fait la promotion de ses livres.

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Atlantico : Alors que le G7 commence demain au Canada, la tension semble monter entre les Etats-Unis et les autres participants, qui n'acceptent pas la guerre commerciale lancée par Donald Trump et affirment faire valoir leurs droits. Mais que vaut cette mobilisation face à un président américain qui a le double avantage de faire fi des règles et d'être toujours imprévisible ? L'Union européenne ne propose-t-elle pas un mode de négociation trop conventionnel et "sage" face à Donald Trump ?

Philippe Fabry : On pourrait le croire, car l’on a d’abord surtout vu des réactions d’indignation,  assez typiques de l’attitude européenne depuis quelques années. La même chose que lorsque Merkel dit que les USA abandonnent l’Europe parce que Trump demande à l’Allemagne de payer sa part - même pas un effort extraordinaire, juste payer sa part - alors que dans le même temps les Américains renvoient des chars en Pologne.

En réalité, je pense que l’on commence à comprendre comment fonctionne Trump et que la réaction de l’Union joue le même jeu.

Il faut revenir un peu sur lui et ses méthodes. Ainsi, on dit effectivement qu’il est « imprévisible ». C’est faux : les ressorts profonds de son action sont bien connus, ce sont ceux qu’il a martelé durant toute sa campagne. Ce qui semble imprévisible, c’est son attitude, son passage de la caresse au coup de gueule et inversement. Mais que cela soit imprévisible est le signe de l’impréparation de ses interlocuteurs, car qui connaît un peu le personnage et ses théories sur « l’art du deal », ses manoeuvres de déstabilisation sont éminemment prévisibles. Ce n’est pas compliqué : il a déjà fait exactement la même chose plusieurs fois depuis qu’il est à la Maison-Blanche : avec Kim Jong-Un, aujourd’hui avec l’Iran, avec la Chine, et enfin avec l’Europe. C’est toujours pareil : il tape un grand coup sur la table, effraie tout le monde, et crée ainsi un rapport de forces psychologique qui lui permet de négocier à son avantage.

L’Union européenne a décidé d’imposer elle-même des sanctions, comme l’y autorisent les règles de l’OMC. Il est signifié à Trump que l’on ne se laissera pas intimider, et c’est la bonne réaction. Les lamentations sur le droit international ne suffisent pas.

Emmanuel Macron a rendu visite à son homologue canadien Justin Trudeau afin de défendre une vision multilatérale contre Donald Trump. Mais si dans les apparences l'union semble être de mise, l'Union européenne n'arrive-t-elle pas affaiblie par certaines lignes de fracture très visibles, à commencer par celle qu'ont révélé le succès des populistes en Italie ? 

Sans doute, oui. D’ailleurs, Trump et son administration jouent sur ces divisions : l’ambassadeur américain en Allemagne a déclaré récemment à Breitbart qu’il voulait soutenir les partis de droite et d’extrême-droite contre Merkel, ce qui a naturellement déclenché un tollé outre-Rhin. Il faut dire que c’est un prêté pour un rendu, après les réactions tièdes à indignées qui ont accompagné, en Europe, l’élection de Trump.

En réalité, l’Europe est en train d’évoluer politiquement dans le même sens que l’Amérique qui a élu Trump : désormais, sur le Vieux continent, tous les six mois un pays bascule dans le camp de ce qu’on peut appeler la droite populiste, et cela va continuer : un récent sondage Yougov montre que dans la plupart des pays européens, les populations considèrent que le premier problème est l’immigration, et le second le terrorisme. La France et l’Allemagne ont pour le moment évité ce basculement, mais il n’est pas dit que ce sera encore le cas à la prochaine échéance : Angela Merkel est politiquement finie, et en définitive même l’arrivée d’Emmanuel Macron est la résultante du dégagisme qui s’est emparé des peuples européens, avec l’écrasement des partis traditionnels.

Par ailleurs, la défense du multilatéralisme ne paraît pas une défense très efficace contre Trump, dans la mesure où, il faut s’en souvenir et l’admettre, le multilatéralisme ne s’est développée à l’échelle mondiale, au XXe siècle, que parce que la puissance américaine était là pour l’imposer. Penser pouvoir imposer le multilatéralisme contre les Etats-Unis est une chimère.

Que peut dès lors faire l'Union européenne pour défendre ses intérêts ? Jouer sur des alliances avec le Japon ou la Chine ? 

Il ne faut pas non plus trop dramatiser : la relation entre les Etats-Unis et l’Union européenne reste la plus forte qui existe entre deux partenaires de cette taille à l’échelle mondiale. Par ailleurs, le basculement politique progressif de l’Europe est de nature à combler le vide idéologique que l’arrivée au pouvoir de Trump a fait apparaître entre les deux rives de l’Atlantique Nord.

L’Europe peut défendre ses intérêts en utilisant les outils qu’elle utilise déjà : créer le rapport de force pour négocier avec Trump, en menaçant de contre-sanctions s’il sanctionne. Sachant que, ne l’oublions pas, pour l’instant il continue d’exempter l’Europe des taxes sur l’acier et l’aluminium : la porte est vraiment ouverte à la négociation, de la même façon que du côté de l’Union européenne, d’ailleurs. Rien ne dit qu’un accord ne sera pas effectivement trouvé une fois que Trump estimera avoir bien mesuré la détermination et la capacité européenne dans la négociation, et peut-être plus vite qu’on ne le pense.

Donc, se tourner vers la Chine n’est pas le bon calcul : elle est d’ores et déjà prédatrice et pille intellectuellement les pays occidentaux. Les Européens ne sont pas plus dupes de cela que les Américains : lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en février dernier, Sigmar Gabriel, le ministre des affaires étrangères allemand, a mis en garde à propos du projet des nouvelles Routes de la soie contre « une tentative d’établir un système global pour apposer la marque chinoise sur le monde ».  

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