Les joies très poétiques qu'on partage avec un amnésique qui découvre tout comme au premier jour<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Insolite
Les joies très poétiques qu'on partage avec un amnésique qui découvre tout comme au premier jour
©MIKE CLARKE / AFP

Bonnes feuilles

Lorsque Michel comprend que sa mère Geneviève, solide et truculente Gasconne, perd la tête, il décide de se faire le greffier de sa mémoire en fuite. Ce livre est la chronique pleine d'humour et d'émotion de l'année passée auprès d'elle à tenter de colmater les brèches. C'est l'histoire de "L’étrange et drolatique voyage de ma mère en amnésie" par Michel Mompontet, aux Editions Jean-Claude Lattès.

Tu passes d’un objet d’émerveillement à un autre aussi vite qu’un papillon change sa course. Au IVe siècle en Syrie, il exista une secte nommée les enthousiastes. Ses fiévreux adeptes croyaient que par la contemplation l’homme pouvait avoir accès à l’Esprit divin et échapper à l’Esprit mauvais qui régnait sur terre depuis la chute du paradis. Sûr que tu y aurais trouvé ta place, toi qui vis désormais constamment dans le neuf et la découverte.

 — Regarde ces fougères, comme elles sont surprenantes, comme elles se divisent de part et d’autre de la tige sans jamais être face à face. Je n’avais jamais remarqué… 

Ce sens du détail, cette puissance de l’observation dans le minuscule, la jouissance qu’offre la beauté surprenante de la nature et de ses improvisations hasardeuses, sont des attributs réservés aux artistes, maman. La maladie t’a-¬t elle rendue artiste ? Devrais-je prendre tes intuitions et remarques pour une œuvre personnelle et sensible, et pas seulement pour un dérèglement ?

 — Comme ces arbres sont tranquilles entre eux… me dis-tu alors que nous regagnons lentement ta voiture. J’espère qu’on ne les dérange pas. 

Alors que tu t’appuies sur le capot de l’auto pour reprendre tes forces, je découvre sans le chercher un bout d’horizon qui ne soit pas barré par les pins. C’est une perspective que je n’avais absolument pas remarquée lors de notre arrivée. 

Au bout des nuages, se dessine la ligne bleue et claire de la chaîne des Pyrénées. Je te prends alors doucement par les épaules et retourne ton corps vers le sud. Je veux offrir à notre balade une belle fin.

 — Regarde maman, la montagne, là-bas, au loin, comme elle est belle…

 Tu regardes la silhouette bleutée puisque je te le demande, puis tu me dis cette chose toute simple, si triste :

 — Oui, elle est sûrement très belle mais elle est maintenant beaucoup trop loin pour moi.

Extrait de "L’étrange et drolatique voyage de ma mère en amnésie" par Michel Mompontet, aux Editions Jean-Claude Lattès.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !