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Italie, Russie, Moyen Orient, les risques politiques s’amoncellent et sont les seuls désormais à menacer les équilibres économiques
©Pixabay

Atlantico Business

Les marchés financiers ont commencé cette semaine à tirer le signal d’alarme et font le compte des risques politiques qui s’amoncellent et déstabilisent le système économique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Pour la majorité des économistes, la multiplication des risques politiques constitue désormais le facteur de risque le plus important pour l’équilibre du système économique mondial fondé sur l’économie de marché et la globalisation. C’était une des conclusions de la directrice générale du FMI, Christine Lagarde lors du forum économique de St Pétersbourg.

Du coup, les marchés ont quitté leur zone de confort et de stabilité pour entrer dans des climats plus incertains et surtout plus irréguliers.

Si on fait abstraction des phénomènes politiques, jamais l‘économie mondiale n’avait connu de facteurs aussi favorables à son développement.

La révolution digitale a apporté des gains de productivité considérables et une offre d’activités nouvelles apparemment sans limite. Cette activité nouvelle est évidemment porteuse de progrès dont - quoi qu’en disent certains - la majorité des peuples profite en termes de santé, d’espérance de vie, de confort de vie etc.

Par ailleurs, les réserves d’énergie sont à des prix abordables et elles sont redistribuées partout sur la planète.

Enfin, les freins au développement liés à l’épuisement des ressources naturelles ou à l'émission des gaz à effet de serre commencent à être pris en compte dans les mécanismes de production. Alors, certains diront que les mutations sont lentes, mais au regard de ce qui se passe dans le monde, la prise de conscience est réelle au niveau des individus, des consommateurs et des salariés des grandes entreprises.

On pourrait chercher les facteurs de détérioration au sein des systèmes de production, on les trouvera certes, mais la modernité nous a aussi apporté les moyens de les diagnostiquer et de les combattre.

Les seuls problèmes qui s’opposent au développement économique sont d’ordre politique. La politique porte les plus gros risques et sont en plus difficilement solubles. Et cela sur la planète toute entière.

L‘Italie est porteur du dernier risque en date sur la scène européenne. Quatre jours après sa nomination, Giuseppe Conte a annoncé hier soir renoncer à devenir Premier ministre. Du coup, l'Italie est entrée dans une crise politique et constitutionnelle extrêmement grave parce que systémique.

« Le gouvernement du changement », comme le voulaient les leaders du parti de la Ligue et du M5S, ne verra pas le jour, mais personne ne sait quelle peut être la solution. D’un côté, l‘Europe ne peut pas accepter qu’un gouvernement Italien soit anti système, anti euro. Pour une raison très simple : parce qu’une telle politique remettrait en cause la sécurité économique du pays, la sécurité de l’épargne des italiens et perturberait gravement les partenaires, compte tenu des interactions et des garanties qui ont été données. Donc, l’épargnant français ou allemand a son mot à dire.

La raison qui a fait plier Giuseppe Conte : la nomination très controversée de Paolo Savona, un eurosceptique engagé, professeur d’économie de 82 ans, favorable à la sortie de l’Italie de la monnaie unique.

Sergio Matarella, le président de la République italienne, a pratiquement contraint le Premier ministre, tout juste nommé, à démissionner.

« Les incertitudes sur notre maintien dans la zone euro ont inquiété́ les investisseurs italiens et étrangers, mettant en danger l’épargne des entreprises et des familles » se justifiait-il dimanche soir. En cause, les sorties de capitaux déjà massives observées la semaine dernière.

Pour l’instant, l’Italie évite donc l’exécution du contrat de gouvernement qui, outre les mesures drastiques sur l’immigration, comportait un volet économique ouvertement populiste : abaissement de l’âge de la retraite, revenu minimum à 780 euros et éloignement des contraintes de Maastricht.

Mais le provisoire ne peut pas durer. On cherche donc un Premier ministre capable de faire la synthèse. Le Palais Chigi a annoncé hier que l’homme en charge de ce gouvernement technique sera Carlo Cottarelli, un ancien du FMI et adepte de l’austérité budgétaire, en attendant de nouvelles élections, ou même une nouvelle constitution.

Le système des embargos avec menaces de pénalités financières graves perturbe désormais une grande partie du commerce international. Le système mis en place par les occidentaux sur la Russie pour s’opposer à l’annexion de l’Ukraine s’ajoute aujourd’hui au système mis en place par les américains sur l‘Iran.

Sur la Russie, il s’est beaucoup assoupli. Sur l’Iran, le système est une arme fatale sous contrôle américain. En bref, les embargos interdisent aux entreprises toute transaction, tout investissement ou toute opération avec les pays ciblés par l’embargo. Plus grave, les américains ont élargi la menace de pénalité à toute les entreprises qui feraient des transactions en dollars. En clair, l’entreprise française qui travaillerait avec l‘Iran ou avec la Russie avec l’accord de la France, mais qui travaillerait en dollars, ce qui se fait la plupart du temps, serait passible de sanctions.

Ces sanctions vont de la pénalité financière au retrait pur et simple de l’autorisation d’opérer sur le marché américain.

Ce système est redoutable parce qu‘il accroit la réglementation administrative, il faut multiplier les demande d’autorisation en permanence. Il est redoutable parce qu‘il contraint les entreprises à l’asphyxie lente mais certaine.

Les tergiversations diplomatiques autour de la Corée du nord interfèrent évidemment sur l’état du commerce international au départ ou à l’arrivée en Asie. La Chine, n’étant pas complètement indifférente à ce qui se passe en Corée, a son mot à dire et ça ne simplifie pas le jeu international.

La Chine, avec ses excédents financiers considérables, sa capacité à utiliser la monnaie pour moduler ses courant d’affaires et ses besoins de débouchés en Occident, fait que sa politique économique est très politique. La Chine se protège, elle protège ses besoins et ses populations. Ses décisions relèvent plus d’une stratégie de conquête politique que d’une stratégie de développement économique.

Ces risques politiques sont très difficiles à gérer et à éliminer. Trois raisons.

Un. Ils interfèrent mécaniquement sur les flux d’investissement, les mouvements de capitaux. Et réalité, les risques politiques font fuir les capitaux et les process de créations de richesse. C’est ce qui se passe en Italie depuis deux semaines. C’est ce qui s’était passé en Grèce, en Espagne et au Portugal. C’est ce qui s’était passé en France en 1958 avant l’arrivée du Général de Gaulle.

Deux. Le risque politique engendre un appauvrissement économique. Puisque le système libéral de création de richesse a besoin de stabilité politique. Comme il fait fuir les riches, ce sont les classes moyennes pauvres qui en paient la facture.

Ce qui est inquiétant, c’est que le risque politique gonfle avec les mécontentements économiques, le chômage, le pouvoir d’achat. Mais comme le risque politique détériore l’équilibre économique, il aggrave le mécontentement et donne raison à ceux qui conduisent ce risque.

Trois. Le risque politique est systémique. Les économies sont tellement interconnectées que tout bug dans un système provoque un bug dans le système voisin. Les pays européens ne peuvent pas évoluer les uns sans les autres. Ils sont intimement liés, même si la qualité de la liaison n’est pas parfaite et mériterait d’être améliorée, les peuples qui réclament plus d’indépendance politique ne se représentent pas à quel point ils ont besoin des autres. Sauf à revendiquer un modèle économique totalement diffèrent. Sauf à revendiquer un modèle antisystème libéral qui en plus ne serait donc pas fondé sur la croissance et le progrès économique et social.

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