Les mots et les maux
Ce que les mots de Jean-Luc Mélenchon disent d’inquiétant sur lui
Dans le contexte actuel de mobilisation des différents mouvements de gauche et d'extrême gauche, Jean-Luc Mélenchon reprend un discours plus radical pour s'affirmer comme le leader de la gauche unifiée. Une sémantique et une rhétorique autoritaires, héritées de sa filiation avec l'idéologie communiste orthodoxe.
Sylvain Boulouque
Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique).
Atlantico : Le discours de Jean-Luc Mélenchon a-t-il pris une teneur plus radicale ces derniers mois? Quelle est la sémantique est-ce qu'il utilise et que révèle–t-elle politiquement ?
Sylvain Boulouque :Son discours est toujours le même, en dehors des périodes électorales qui nécessitent d'être davantage rassembleur. Il conserve la même rhétorique léniniste héritée de son passé lambertiste. Le lexique utilisé est celui des communistes orthodoxes, avec qui il entretient une filiation idéologique et historique, paradoxale puisqu’il vient du courant rival le trotskisme. Le fondement de son discours est "Tout ce qui n'est pas avec nous est contre nous ». C’est sémantique identique va Lénine à Chavez, dont Mélenchon admire le combat.
Ce type d'arguments autoritaires est utilisé pour imposer sa vision politique et signifier que lui seul peut incarner la gauche unifiée. En effet dans l’imaginaire léniniste il ne peut y avoir qu’un seul parti qui dirige et qui ne souffre du pluralisme. Cette rhétorique typiquement léniniste frise parfois le déni de réalité, comme on l'a vu récemment lorsqu'il a qualifié les Blacks Blocs à des groupes d'extrême-droite, ses propos fait échos à Georges Marchais qui qualifiait Cohn Bendit d’anarchiste allemand.
Dans le contexte de radicalisation actuel, Jean-Luc Mélenchon cherche-t-il à reprendre l'espace politique gagné par les groupes d'extrême gauche ? Et plus largement à s'appuyer sur la contestation ambiante ?
Mélenchon n'est pas plus violent aujourd'hui, il l'a toujours été mais il a "lissé " son discours au moment de la présidentielle de 2017. Deux niveaux existent dans ses interventions. Depuis longtemps ses discours lorsqu’il est seul sont inspirés par son "panthéon" de grands tribuns : Jaurès, Mitterrand, Thorez et de Gaulle. En revanche, quand il est en position de combat et de bretteur, il cherche à s’imposer comme le seul dirigeant de la gauche, face à des mouvements plus radicaux que lui. Il lui faut s’imposer face à ses concurrents et face aux médias et dans ce cas, il reprend donc un champ lexical qui fait écho à celui de Georges Marchais dans sa haine des « gauchistes » et son mépris "des journalistes », on est souvent pas très loin du « Elkabbach taisez vous ! ». Comme le reste de la gauche n’est pas audible, pas ses jeux rhétoriques, il s’impose comme le seul opposant.
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