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Vers une périlleuse bataille entre Trump et la Fed ?
©SAUL LOEB / AFP

Finances

Trump contre Powell ? Du jamais vu, qui choquerait profondément les marchés, au risque de faire baisser le dollar et monter les taux longs ! Mais ce qui se passe aux États-Unis, depuis quelques mois, est déjà du jamais vu, dira-ton. Oui, mais cette fois c’est le dollar qui est en jeu.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Tout se prépare en effet pour que la Fed (la banque centrale américaine) monte ses taux le 2 mai, puis deux autres fois cette année, face à la force de la reprise américaine et à l’accélération en cours de l’inflation. Trois mesures de l’inflation confirment en effet la nouvelle. L’inflation sous-jacente, hors nourriture et énergie, monte de 2,9% sur les trois derniers mois (annualisés) et de 2,1% sur un an. Les prix à la production montent de 3% sur un an et de 3,5% sur les trois derniers mois (annualisés). Les prix à la consommation augmentent de 2,4% sur un an (même si mars enregistre une baisse de 0,1%, pour des raisons liées alors au prix de l’énergie).

Au total, les taux courts américains, actuellement à 1,5-1,75% passeraient ainsi à 2,5% en fin d’année. Les marchés financiers commencent à se tendre, mais ils n’ont pas tout intégré, puisque les taux à deux ans sont encore à 2,4% et ceux à dix ans à 2,9%. « Normalement », ils devront monter, ce qui pèsera sur la bourse. Et s’ils ne montent pas, alors la courbe des taux se renversera, les taux longs étant plus bas que les taux courts, ce qui voudra dire que les investisseurs sont inquiets et voient une récession ! Ce qui pèsera encore plus sur la bourse.

Ajoutons que, pendant ce temps, les taux courts japonais resteraient à -0,1% et ceux de la zone euro à 0%. Jamais l’écart de rémunération ne sera aussi élevé, ce qui renforcera le dollar.

Mais c’est l’inverse de ce que veut Donald Trump : une croissance au-delà de 3% avec un taux de chômage qui irait vers 3,5%, grâce à des taux bas qui soutiendront la croissance et la bourse, et un dollar faible qui aidera les exportations et freinera les importations !

Trump contre Fed ? C’est inévitable, non seulement parce que Donald Trump n’aime pas qu’on lui résiste, pire qu’on soit indépendant de lui (ce qui est la nature du Poste de Président de la Fed, occupé actuellement par Jerome Powell), pire encore qu’on aille contre lui. Or c’est bien ce qui se passe entre la stratégie de soutien à la croissance qu’il mène et qui conduit à la surchauffe, et la politique de lutte contre l’inflation que mène la Fed. Son double mandat est impératif : le plus d’emploi possible compatible avec la stabilité des prix (autour de 2%). Le plus d’emploi, on y est ; la stabilité des prix, on s’en éloigne.

Donald Trump a commencé les hostilités par un tweet le 16 avril : « La Russie et la Chine jouent au jeu de la dévaluation alors que les États-Unis continuent à monter leurs taux d’intérêt ? Pas acceptable ! »  Qu’est-ce donc qui n’est « pas acceptable » : la dévaluation du Rouble ou du Yuan, la montée des taux US, les deux ?

Déjà, Peter Navarro, le Conseiller commerce du Président Trump avait indiqué sur CNBC qu’il était « un peu troublé quand la Fed annonçait trois hausses de taux avant la fin de l’année ». En mars, Steven Mnuchin Secrétaire au Trésor avait précisé qu’il respectait l’indépendance de la Fed et « pensait » qu’elle était soucieuse de croissance… « donc » qu’elle ne la réduirait pas (en montant trop les taux) ! Avant sa prise de poste comme Economiste du Président, Larry Kudlow indiquait sur Fox News que, selon lui, plus de croissance ne causerait pas d’inflation, la courbe de Phillips, liant chômage à inflation n’existant pas, toujours selon lui.

Or, dans une récente conférence, le 6 avril à Chicago, Jerome Powell a repris cette courbe de Phillips, qui est en fait la base de la politique monétaire de la Fed ! Et Robert Kaplan, Président de la Fed de Dallas, a précisé lundi 16 avril qu’il ignorerait d’éventuelles pressions.

De fait, la Fed est habituée aux critiques des politiques et du Congrès. Le Président l’influence en nommant ses responsables, qui doivent être approuvés par le Sénat. Actuellement, sur sept postes du Board, un seul vient de l’ancienne administration et est clairement démocrate (Mme Lael Brainard). Jerome Powell préside, républicain modéré. Son vice-président chargé de la supervision financière est aussi un républicain modéré. Richard Clarida, économiste prévu au poste de vice-président, est aussi un républicain modéré, tout comme Michelle Bowman (régulatrice qui vient de la Fed du Kansas). Sur sept postes prévus au Board des Gouverneurs, cinq sont républicains, une démocrate et deux sont à pourvoir. Ce devrait suffire pour accompagner au mieux la politique de Donald Trump !

Sauf si Donald Trump en rajoute : nouvelles baisses d’impôts et dépenses publiques, autrement dit s’il cherche la bagarre. Il a, déjà, envoyé ses messagers et ses tweets : les risques de collision sont donc considérables, bien plus financiers que politiques.


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