Et la mairie de Mantes-la-Jolie inventa le permis de… louer un logement<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Et la mairie de Mantes-la-Jolie inventa le permis de… louer un logement
©Reuters

Sorti du chapeau

Le permis de louer va organiser une vacance massive, la chute des investissements (achat, travaux) et donc la destruction de l’offre locative.

Thomas Carbonnier

Thomas Carbonnier

Maître Thomas Carbonnier est Avocat et coordinateur pédagogique du DU Créer et Développer son activité ou sa start-up en santé au sein de l’Université Paris Cité (issue de la fusion Paris 5 et Paris 7). Il est titulaire du Master 2 droit fiscal, du Master 2 droit financier et du D.E.S. immobilier d’entreprise de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.

Voir la bio »

Après des villes comme Gennevilliers (92) ou encore Montauban (82), c’est au tour de Mantes-la-Jolie (78) de mettre en place un « permis de louer » sur le fondement de l’article 24 de la loi ALUR

A partir du 1er juillet 2018, les propriétaires de logements dans Mantes-la-Jolie devront, à leur tour, obtenir une autorisation de la Ville pour vouloir mettre en location un logement. Ceci résulte d’une délibération municipale prise le soir même de l’élection du nouveau maire ! 

L’Union Nationale des Propriétaires Immobiliers, seule association représentative des propriétaires immobiliers, a mis en place une pétition pour inciter les élus à revenir sur leur décision. En effet, selon l’article 24 de la loi ALUR, le permis de louer ne doit concerner que  des secteurs géographiques voire des catégories de logements ou ensembles immobiliers et non l’ensemble du secteur géographique de la Ville !

Au-delà de l’aspect manifestement illégal de la délibération, si l’objectif affiché est parfaitement louable, à savoir lutter contre l’habitat indigne, encore faut-il que la mesure ait un intérêt réel. L’habitat ancien en France serait-il dans sa quasi-totalité indigne, dégradé ou bien encore insalubre ? 

La réponse est bien entendu négative puisque le ministère du Logement avait comptabilisé 210 000 logements indignes sur l’ensemble du territoire. Le ministère de la cohésion des territoires annonce désormais 500 000 logements. En une année, le chiffre aurait doublé ! Ce chiffre est à rapprocher des 25 000 000 de logements. Autrement exprimé, l’habitat indigne représenterait, selon les pouvoirs publics, seulement 0,84% à 1,68% du parc locatif ! Pour lutter contre un chiffre dérisoire de logements incompatibles avec la dignité humaine, les élus mettent en place une véritable usine à gaz qui va tuer le marché…

Cette nouvelle obligation imposée aux bailleurs doit permettre de faciliter le contrôle de l'état des logements : avertis des mises en location, les services d’hygiène peuvent effectuer des vérifications sur place et autoriser la location seulement si le propriétaire réalise les travaux nécessaires pour rendre le logement salubre et sécurisé. La mesure doit permettre également d'identifier les marchands de sommeil.

La volonté de vouloir lutter contre les marchands de sommeil est louable mais elle ne doit pas entraîner pour l’ensemble des propriétaires bailleurs de telles contraintes et pertes de temps.  Ce permis de louer n’est pas une arme contre les marchands de  sommeil qui en feront fi, tant ils sont déjà en dehors des règles. Bien au contraire, il va tuer l’offre locative dans certains quartiers difficiles où il faut pourtant loger les familles, faute d’obtenir le permis de louer rapidement. Cette disposition n’aura par conséquent aucun effet sur les marchands de sommeil. 

La mairie a-t-elle conscience qu’elle va imposer aux propriétaires bailleurs une démarche supplémentaire ? A l’heure où les tensions sur le marché locatif sont nombreuses, une telle mesure va-t-elle apporter une quelconque réponse ? 

La seule promesse de la mairie est de délivrer les permis sous 8 jours. Cette promesse ressemble fortement à une promesse de politicien : elle n’engage que ceux qui y croient ! Soit les services municipaux n’inspecteront aucun logement soit le délai ne pourra pas être respecté…

En tout état de cause, le propriétaire devra constituer un dossier après avoir choisi le futur locataire. Si la mairie considère que des travaux sont à réaliser par le propriétaire, le locataire sera alors  contraint de rechercher un autre toit.

En cas d’insalubrité constatée et d’absence de permis de louer, les propriétaires pourront écoper d’une amende. Même sanction en cas de location d’un logement dont la demande de permis de louer aura été rejetée. L’amende infligée pourra atteindre 15 000 € ! 

Il est urgent d’aider à préserver les petits propriétaires qui louent plutôt que de les sanctionner ! A Lyon, Michel Le Faou, adjoint PS du maire et vice-président de la métropole avait reconnu dans une interview au journal Les Echos le 29/12/16 : « Je ne vois pas l'intérêt d'un permis de louer, qui va rajouter une couche au millefeuille de l'administration du logement ». 

Il existe effectivement d'autres dispositifs qui permettent d’atteindre un tel objectif. Le premier dispositif est la déclaration d'utilité publique qui permet la préemption de biens insalubres. Le second, très fréquent, est l’inspection du logement par le service d’hygiène de la municipalité qui permet de forcer le propriétaire à effectuer des travaux pour rendre le logement décent.

Ce permis de louer organise une vacance massive, la chute des investissements (achat, travaux) et donc la destruction de l’offre locative. Il faudrait au contraire privilégier les aides incitant les propriétaires à améliorer leurs logements à louer pour lutter efficacement contre l’habitat indigne et résoudre les tensions sur le marché du logement.

Les pouvoirs publics ne cessent de prendre des mesures pour décourager l’investissement dans l’immobilier. 

Quel support d’investissement restera-t-il après avoir supprimé l’immobilier ? La bourse ? Les diamants et autres pierres précieuses où les arnaques fleurissent et ruinent l’économie de notre pays… ? 

N’oublions pas que l’investissement locatif ne profite pas à l’économie réelle… L’immobilier est bien entendu la poule aux œufs d’or qui rapporte sans risque et sans effort, surtout pour ceux qui n’y ont jamais investit le moindre centime. Il n’y a jamais de fuite d’eau nécessitant l’intervention d’un plombier, d’un architecte et d’un entrepreneur pour effectuer des travaux de réparation. Il n’y a jamais de mise aux normes de l’installation électrique. La peinture des murs et plafonds ne s’écaille jamais… ! Les façades se ravalent automatiquement sans intervention de l’homme. Les toitures ne s’usent jamais non plus. Quant au monde de la copropriété, tout est rose : les copropriétés s’administrent toutes seules sans le moindre heurt !

Le Président de la République a donc parfaitement : mettez votre argent en bourse. La spéculation boursière profite bien plus à l’économie que le logement qui permet à des familles de vivre sous un toit !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !