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Dans l'isoloir, quelle sera votre "électeur attitude" ?
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EDITORIAL

A quelques jours du 1er tour de la présidentielle, le bulletin de vote introduit dans l'urne sera capital mais notre état d'esprit en allant dans l'isoloir le sera tout autant. Votre vote sera-t-il utile, résigné, engagé voire amusé ?

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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À l'heure du scrutin qui approche, enfin, à l'issue d'une campagne qui finit par s’éterniser, le comportement de vote sera aussi important que le vote lui-même.

Quel sera notre état d'esprit sur le chemin des isoloirs ? Le droit de vote consiste à donner sa voix à un projet politique porté par un candidat. Pour qui, pour quoi, voterons-nous dimanche ? Il est frappant de constater à quel point l'électeur est appelé à voter "contre" plutôt que "pour", c'est même une motivation assumée. Lors d'une dernière enquête Opinionway, sur l'hypothèse second tour, la seule autorisée depuis des mois, la majorité des électeurs de François Hollande ne vote pas pour lui mais contre Nicolas Sarkozy, et l'inverse est également observé.

Ce scrutin présidentiel propose surtout de s'opposer, de faire barrage, aux personnes, aux idées des autres, aux autres aussi, et à un vaste ensemble d'ennemis plus ou moins fantasmagoriques responsables de nos malheurs quotidiens. Nous sommes appelés à être contre la finance mondiale, contre l'Europe, contre l'euro, contre les licenciements, contre les riches, contre les exilés fiscaux, contre le pouvoir et les partis en place, contre la mondialisation, contre les délocalisations, contre l'immigration, contre les frontières passoires, contre le nucléaire, contre le cumul des mandats, contre les syndicats, contre les patrons aussi, contre les élites bien pensantes et déconnectées, etc.

L'opinion publique se désintéresse semble-t-il de cette campagne, je n'en suis pas si sûr, je crois plutôt que c'est la campagne qui se désintéresse de l'opinion publique, par les combats d'ego, par la surenchère des petites phrases tout en s'en défendant, par les mesures conjoncturelles et opportunistes sans mise en perspective globale. Nous sommes en fait passionnés de politique en général, par le débat d'idées, par les enjeux économiques, sociaux, environnementaux, géopolitiques, de long terme et de court terme. Mais l'attente est bien davantage une attente de solutions et d'innovations, qu'une seule attente de diagnostic, d'énumération de boucs émissaires, et d'alternance vertueuse de son seul fait. Une attente pour davantage de comment que de pourquoi, de "pour" que de "contre", mais des "pour" réalistes et concrets, car être pour la justice, pour le travail, pour la croissance, pour l'école, pour l'écologie, pour la réduction de la dette, pour les services publics, pour l'équité, tout le monde est d'accord.

Cette attente de l'opinion, c'est à dire de nous tous, est énorme, et c'est pour cela qu'elle est soit lasse et désabusée soit rebelle et révoltée. C'est l'absence chronique de solutions, d'actions correctives et de projet de société qui développe les extrêmes et les revendications radicales.

On dit souvent qu'il existe un fort risque d'abstention, mais l'abstention n'est jamais vraiment audible, l'abstention est une grande muette, une expression silencieuse, donc de fait rarement entendue. Le risque est aussi celui d'un scrutin certes exprimé mais d'un scrutin résigné, fataliste, s'exprimant en faveur des "partis de gouvernement" comme on dit (merci pour les autres) mais avec pour principale motivation celle de faire barrage à l'autre, ou en faveur d'offres "alternatives" voire "exotiques", pour marquer le coup, instaurer un futur rapport de force, ou envoyer un message, autrement dit un bulletin dans une bouteille à la mer.

Alors, quel sera votre vote dimanche ? Non pas pour tel ou tel, mais quel en sera la tonalité, la motivation, l'état d'esprit ? Vote utile, vote résigné, vote engagé, votre raisonné "j'ai bien réfléchi", vote amusé "un chien dans un jeu de quilles", vote "faut bien", vote repoussoir "surtout pas", vote défouloir "on va leur montrer qui c'est Raoul", vote "leçon aux sondeurs", vote d'impulsion "je verrai bien dimanche". Si possible, évitez quand même le vote absent, le vote "à quoi bon".

Dans quel état d'esprit et comment irez-vous voter ? Enthousiaste, à reculons, si vous avez le temps, les manches relevées, militant, entre deux tweets, en famille, entre amis, affiché ... choisissez votre "électeur attitude", car la façon de faire les choses est aussi importante et révélatrice que la décision elle-même.

Comme l'a si bien illustré Claude Lelouch dans "Itinéraire d'un enfant gâté", il y a plusieurs façon de dire "Bonjour", et même certaines qui disent plutôt au revoir. Il y a plusieurs façons de voter, alors comment vous voterez dimanche est peut-être aussi important que pour qui, en souhaitant que ce soit le plus possible pour que contre. Et à l'heure où tant de peuples se battent et souffrent pour conquérir la banalité de nos sociétés démocratiques, choisissez dimanche votre itinéraire d'un électeur gâté sur les chemins de l'isoloir.

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