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Exit Rex (Tillerson), hello Mike (Pompeo) : Donald Trump s’octroie les moyens de gouverner autrement que par tweet
©SAUL LOEB / AFP

Un fidèle à la barre

Le président américain a nommé Mike Pompeo à la place de Rex Tillerson au poste de sécrétaire d'Etat.

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa

Jean-Eric Branaa est spécialiste des Etats-Unis et maître de conférences à l’université Assas-Paris II. Il est chercheur au centre Thucydide. Son dernier livre s'intitule Géopolitique des Etats-Unis (Puf, 2022).

Il est également l'auteur de Hillary, une présidente des Etats-Unis (Eyrolles, 2015), Qui veut la peau du Parti républicain ? L’incroyable Donald Trump (Passy, 2016), Trumpland, portrait d'une Amérique divisée (Privat, 2017),  1968: Quand l'Amérique gronde (Privat, 2018), Et s’il gagnait encore ? (VA éditions, 2018), Joe Biden : le 3e mandat de Barack Obama (VA éditions, 2019) et la biographie de Joe Biden (Nouveau Monde, 2020). 

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En quoi l'éviction de Rex Tillerson de son poste de sécrétaire d'Etat et son remplacement par l'ancien dirigeant de la CIA, Mike Pompeo, peut laisser à penser que la politique voulue par Donald Trump aura désormais une application réelle ? Quelles sont les "qualités" de Mike Pompeo qui seront utiles à Donald Trump dans la poursuite de la politique qu'il souhaite imprimer au pays ? 

Mike Pompeo a un profil très différent de Rex Tillerson. D’abord parce qu’il a été élu et qu’il connaît bien les rouages du Congrès.  Il était en effet un des représentants du Kansas à la Chambre avant que le président Donald Trump ne le nomme à la tête de la CIA. Il a gagné son élection sur une base dure, inspirée des idées du Tea Party et avec le soutien des frères Koch, ces richissimes donateurs du parti républicain qui « fabriquent » de bons conservateurs à coup de millions. Et Mike Pompeo a été un très bon élève.  Le directeur de la CIA est très vite devenu un très proche de Donald Trump, dont il a épousé toutes les vues, sur tous les sujets. Aujourd’hui, il est bien difficile de glisser ne serait-ce qu’un papier de cigarette entre les deux points de vues de ces deux hommes, tellement ils sont proches. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas : pendant la campagne, Mike Pompeo a même été très critique envers l’actuel président ; mais c’était lorsqu’il soutenait Marco Rubio. Et c’est bien un vestige du passé qui semble totalement enterré.

Quelques heures avant l’annonce d’une rencontre entre le président des Etats-Unis et Kim Jong Un, Mike Pompeo a été aperçu dans le bureau ovale avec Donald Trump, lorsque celui-ci recevait la une délégation sud-coréenne qui lui a transmis cette invitation. Mike Pompeo a donc figuré au nombre des très rares personnes qui ont été immédiatement informées de cette décision. Et cela n’est pas surprenant car il est considéré comme un loyaliste de Trump : il a prouvé ses compétences au sein de la CIA où il lui avait été demandé de ramener le calme et de mettre en place un équilibre qui est toujours très délicat à obtenir entre l'agence d'espionnage et ce commandant en chef qui a comparé les services de renseignement américains aux nazis.

Cette nomination peut ainsi laisser entendre que Rex Tillerson n'agissait pas selon les termes définis par le Président. Si la nomination de Mike Pompeo peut dès lors apparaître comme une forme de prise de pouvoir sur le "deep state" qu'il dénonce, celle-ci ne peut-elle pas être la source d'une levée de boucliers, aussi bien de la part du parti que de l'administration ? La nomination de Mike Pompeo peut-elle apparaître comme le début des véritables problèmes pour Donald Trump ? 

Le parcours de Pompeo n’a rien pour déplaire tant à l’administration qu’au parti républicain. Mis à part qu’il a été lui-même élu, ce qui ne peut que plaire à ses anciens collègues du Congrès, il est diplômé de West Point et a servi comme officier en Europe, avant de compléter sa formation par des études de droits à la prestigieuse université d’Harvard. Il n’a certes jamais été diplomate et s’est toujours montré très dur sur les questions de sécurité nationale. Mais, là encore, cela ne posera pas de problème avec quiconque dans sa fonction. Bien au contraire, cela pourra rassurer alors qu’il y a une négociation très complexe à mener avec la Corée du Nord. La position de Pompeo est bien plus dure que celle du locataire de la Maison-Blanche, à tel point qu’il est favorable à titre personnel à un changement de régime. Il n’y a donc pas de problème particulier à redouter pour le président des Etats-Unis et il semble difficile de concevoir qu’il y ait une levée de bouclier à un moment où Donald Trump renforce sa main mise sur son administration et se comporte « en patron ».

On peut en juger par le limogeage sans délai de Steve Goldstein, un collaborateur direct de Rex Tillerson, qui a révélé à la presse que le ministre sur le départ à appris son renvoi par un tweet. Donald Trump est vraiment à l’aise avec un homme comme Pompeo, comme c’est toujours le cas avec les militaires avec qui il travaille. Ce nouveau partenariat devrait donc bien fonctionner, d’autant qu’il est renforcé par Gina Haspel qui prend la tête de la CIA, après en avoir été le sous-directrice, du temps de Pompeo. Il y aura donc une grande cohérence d’action entre l’exécutif, les affaires étrangères et les services de renseignements, ce qui n’était pas forcément le cas jusqu’à présent.

Selon certaines informations, le dossier iranien aurait été la cause du divorce entre Donald Trump et Rex Tillerson. Quels sont les dossiers sur lesquels un changement de "ton" pourrait avoir lieu dès la prise de fonction de Mike Pompeo? 

Le désaccord ont été parfois très grands entre Donald Trump et Rex Tillerson ; c’est donc sur ces dossiers qui ont posés des problèmes que les changements les plus flagrants sont à attendre. Le plus évident est le dossier de la Russie. Rex Tillerson a souvent exprimé des points de vues divergents par rapports à ceux du président des Etats-Unis. La méfiance s’est installée assez vite entre les deux hommes, comme l’a montré le rejet par Donald Trump d’Elliott Abrams, que le ministre des affaires étrangères avait proposé pour être son ministre-adjoint. Le nouveau président lui a alors préféré John J. Sullivan, qu’il a imposé dans ce ministère. Le second grand désaccord politique a porté sur le réchauffement climatique et s’est donc cristallisé sur l’accord e Paris, que Rex Tillerson conseillait de ne pas quitter. 

Dans les relations avec les pays étrangers, on a bien vite vu des lignes qui ne se rencontraient plus lorsque Donald Trump a soutenu l’Arabie Saoudite dans son différend avec le Qatar, alors accusé de soutenir le terrorisme. Mais c’est sur la question du nucléaire iranien que les choses ont été le plus mal, les positions étant diamétralement opposées entre les deux.

Le changement de ton apparaitra aussi dans les déclarations des uns et des autres à l’avenir. Avec Rex Tillerson, on a compris que la mésentente avec le président était grande lorsqu’il l’a traité de « débile » ou qu’il a laconiquement fait remarquer que « chacun parle pour son propre compte », lorsque le président a dérapé après les événements de Charlottesville. Il ne devrait plus y avoir ce type de propos et on peut s’attendre à plus de solidarité de la part de Mike Pompeo. Il s’est distingué depuis un an pour sa loyauté, une qualité que Trump apprécie, et demande à ses collaborateurs les plus proches.

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