Débats passionnés
Etats généraux de la bioéthique : ces réflexions qui pourraient permettre de sortir des violents débats sur la PMA
Parmi les débats organisés dans le cadre des états généraux de la bioéthique, le sujet de la procréation médicalement assistée (PMA) suscite beaucoup de tensions.
Atlantico : Comment sortir de la polarisation excessive des débats autour de la PMA tels qu'ils apparaissent dans les "débats citoyens" organisés partout en France en ce moment ?
François Martin :Ces débats ne sont pas seulement polarisés, ce qui est le propre de tout débat, ils sont insolubles par nature car ils opposent, non des solutions différentes à un problème identifié et partagé entre les deux camps, mais deux conceptions du problème lui-même. Deux clivages essentiels se recoupent assez largement. Entre les conservateurs et les progressistes: les premiers se satisfont de l’existant, les seconds prétendent incarner l’histoire en marche. Mais il y a plus irréconciliable encore.
Le débat oppose au fond deux conceptions radicalement opposées. La première pense que l’action humaine, la loi, doit respecter certaines limites, qu’elles soient religieuses, morales ou philosophiques; disons la notion de droit naturel, entendu comme une norme universelle et intemporelle qui s’impose comme une évidence à toute loi humaine. De ce point de vue, la procréation ne peut résulter que de l’union d’un homme et d’une femme, éventuellement aidée par la médecine en cas d’infertilité pathologique.
La seconde conception n’admet aucune autre limite à l’action humaine que celle qui résulte de la volonté générale. Aucune loi naturelle ne doit s’imposer à la liberté humaine. Si deux femmes ou deux hommes veulent « procréer », il est naturel qu’ils puissent le faire.
Cette opposition irréconciliable s’est souvent traduite dans l’histoire politique occidentale récente par la victoire du camp progressiste et partisan de la liberté totale. Avec des dérives bien connues: pas de liberté pour les ennemis de la liberté, quitte à faire le bien du peuple malgré lui.
Car le camp qui estime incarner le progrès ne supporte guère la contradiction, et parfois, de bonne foi, ne la comprend même pas. Comment peut-on être contre le progrès, la liberté, l’égalité?
Bref, et pardon pour ce long développement: ces débats ne peuvent pas être sereins et constructifs, ils ne peuvent pas déboucher sur un accord.
Le précédent président de la République le savait bien, quand il a pris la responsabilité du projet de loi sur le mariage dit pour tous, dont on voit aujourd’hui la suite logique.
Le problème avec ce genre de dossier, qui touche au médical, au politique et à l'éthique en même temps n'est-il pas qu'il demande une compréhension de la complexité du phénomène. Ne devrait-on pas réserver ce débat à un comité d'éthique reflétant les diverses tendances plutôt que de laisser le débat à des groupes de pressions qui arrivent avec leur argumentaire tout prêt ?
François Martin : Le médical, du point de vue thérapeutique, n’est pas en débat. Si les mots ont un sens, aider un couple hétérosexuel à enfanter peut relever de la médecine; pour un couple homosexuel cela relève du droit.
Il s’agit en effet d’une question éthique et profondément politique. Il me semble qu’en démocratie elle relève du débat entre citoyens: le fait que ces débats ne puissent aboutir, comme nous venons de le voir, n’est pas une raison pour en condamner le principe. Même si vos confrères de France Info, qui ont manifestement choisi leur camp, font une retranscription des débats qui n’avantage pas une des parties.
La complexité d’un sujet n’est pas une raison pour en écarter les simples citoyens et réserver la parole à quelque comité dont l’impartialité sera toujours sujette à caution.
Il y a un lieu naturel pour ce débat: le Parlement. À condition que la discussion soit organisée de manière objective, impartiale et respectueuse. Ce qui n’a pas été le cas pour la loi Taubira.
Le problème du débat sur la PMA n'est-il pas de toute façon biaisé dans le sens où l'Etat tolère déjà d'une certaine façon la PMA quand elles est faite en dehors du territoire ?
François Martin : Oui, tolérer les pratiques actuelles en matière de PMA et de GPA revient à préparer une légalisation de fait, précédant la légalisation de droit, au nom du sens de l’histoire et d’une fausse conception de l’égalité.
Mais il est au moins un domaine où le progressisme forcené semble aujourd’hui en difficulté face au conservatisme. Ce domaine n’est pas le moindre puisqu’il s’agit de la protection de l’environnement et de la planète. On réalise que, peut-être, tout n’est pas permis, que l’homme doit se fixer des limites. Cette prise de conscience pourrait elle gagner le débat sur la procréation et la vie humaine?
Si les débats citoyens y contribuaient, ils ne seraient pas vains.
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