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 Les milieux mafieux marseillais restent diffus et en perpétuel changement
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Jeudi et mercredi deux meurtres violents ont été commis à Marseille. Les deux victimes faisaient partie de l'entourage de Saïd Tir ancien caïd marseillais assassiné en avril 2011. Ces meurtres indiquent-ils une mutation des rapports de force entre les mafias ?

Alain Tourre

Alain Tourre

Alain Tourre a passé plus de trente-huit années au service de la police nationale, dont la majeure partie en police judiciaire.

Au cours de ce parcours professionnel, il fut pendant deux ans le «patron» du SRPJ (Service régional de police judiciaire) de Marseille. Il a écrit L'Histoire de l'évêché (Jacob-Duvernet - 2011).

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Atlantico : En l'espace de 24 heures deux proches de l'ancien caïd de la drogue Saïd Tir ont été assassinés à Marseille. Ces faits peuvent-ils signifier un changement de rapport de force dans les mafias marseillaises ?

Michel Tourre : Il faut bien comprendre que le milieu tel qu’on le connaissait il y a de nombreuses années n’existe plus et on assiste peut-être à Marseille - mais aussi dans d’autres grandes villes telles que Grenoble, Lyon, voire même Paris - à une sorte de recomposition des caïds. Les équipes se constituent au gré des affaires, naviguent entre les différents trafics  et se recomposent vers d’autres objectifs. C'est un milieu en perpétuel mouvement. Mais, leur cible principale reste le trafic de stupéfiants.

Ce mouvement perpétuel dont vous parlez a-t-il toujours eu cours dans ce secteur ?

Oui, car ce changement est inhérent à l’Histoire de la mafia. Un loup en tue un autre pour le défaire de son trône de dominant. Aussi dans les années d’après Seconde Guerre Mondiale, le clan régnant était celui des Guérini supplanté par les Zampa puis Francis Le Belge et la séquence découle ainsi jusqu’à nos jours. Tous ceux que je vous cite étaient de vrais caïds à la tête de réseaux plus ou moins structurés. Actuellement, c’est l’inverse, les réseaux sont beaucoup moins structurés, plus diffus et c’est justement ce qui complique considérablement la tâche des services de police pour mettre en perspective les différents malfaiteurs.

Les hommes qui ont été tués font partie d'un réseau de trafic de stupéfiants, est-ce le seul secteur d'activité de la mafia marseillaise ?

La mafia et le trafic de stupéfiants font partie de l’Histoire même de Marseille. Dans les années 60, c’était le haut lieu de la fabrication d'héroïne. Aujourd’hui il n’y a plus de laboratoires, en revanche le trafic de cannabis est devenu le marché le plus vigoureux. Il arrive du Maroc et est acheminé jusqu’à la ville par un système de Go fast, ce moyen qui consiste à acheminer la drogue dans une voiture très puissante escortée par deux autres véhicules censés assurer sa sécurité qui traversent le territoire à des vitesses folles pour rejoindre les lieux de distribution.  Ensuite, Marseille est un port donc tourné vers l’extérieur et permet l’arrivée de drogue par bateau ou voilier.

La nouveauté de ce type d’affaire, c’est bien l’apparition d’armes de gros calibre et en particulier de Kalachnikov, arrivées des anciennes zones de guerre dans les Balkans. Dans une des deux affaires de ces derniers jours elles sont d'ailleurs impliquées. La saisi par la Police Judiciaire en 2011 d'une grande quantité d’armes avait permis de prendre l'ampleur de ce trafic. Après les armes et la drogue, on retrouve le domaine des jeux et en particulier des machines à sous qui est aussi une des activités traditionnelles du milieu.

Quels sont les moyens de la police marseillaise pour démanteler les réseaux mafieux ?

De grands progrès ont été fait la police. Quand moi-même j’ai occupé mes fonctions de policier, je ne disposais pas des moyens dont la police actuelle dispose. Le fichier des empreintes digitales s’est énormément développé depuis 1987, puis il y a eu la mise en place du fichier automatisé des empreintes génétiques en 1998 qui a été décisive. Tous ces éléments permettent aux enquêteurs de mieux travailler sur le terrain et repérer les malfaiteurs plus rapidement. D’autre part, l’instauration de groupes d’intervention régionaux qui sont des structures multidisciplinaires, réunissant policiers gendarmes et fonctionnaires des impôts a permis d'obtenir d’excellents résultats en matière de trafic de stupéfiants. Aujourd’hui on peut saisir les avoirs des trafiquants, immeubles, voitures et plus encore.

Les récents faits de milieu mettent en avant des personnages aux noms à connotation musulmane. Peut-on parler d'une arabisation de la mafia marseillaise ?

En règle générale, même si dans certaines affaires les noms sont à consonance musulmane, il ne faut pas oublier que ce sont des français. Point.

Propos recueillis par Priscilla Romain 

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