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Culture : vive notre ministre de la censure !
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Je suis vraiment fier d'être un citoyen français. Beaucoup de pays ne peuvent pas se vanter d'avoir un ministre de la Censure comme le nôtre et je les plains.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Il faut tout de même avoir le courage de faire partir au pilon tous les exemplaires du Livre des commémorations nationales 2018 parce qu'il convenait de supprimer les pages 154, 155 et 156 consacrées à Charles Maurras - "figure emblématique et controversée" - et rédigées par un historien froid et objectif, Olivier Dard.

Je ne peux qu'admirer l'audace d'un tel ministre qui, après avoir pris acte sans réagir de la substance de ce livre et rédigé même un avant-propos enthousiaste sur l'intérêt de cette Histoire de France comportant une centaine de personnages avec leur chronologie -, n'a pas hésité à se rétracter. Parce que des associations de lutte contre le racisme et le délégué interministériel à la lutte contre le racisme le lui ont demandé et que leur appréciation si nuancée - "auteur antisémite d'extrême droite" - justifie évidemment qu'on leur fasse toute confiance sur les plans historique, philosophique et littéraire.

J'adore un ministre qui même avec retard sait trancher dans le vif et, loin d'être gênée par la complexité des pensées, des choix et des destinées, de leurs ombres et de leurs lumières, gère avec maestria l'ambiguïté d'une partie en abolissant la transparence du tout.

J'éprouve une vive estime pour un ministre capable de donner toute leur chance aux partisans friands d'interdiction et un tantinet simplistes au détriment de ceux qui avaient le tort de connaître Charles Maurras, sa trajectoire, ses oeuvres et son influence décisive à une certaine époque sur plusieurs grands esprits honorables, des politiques comme par exemple Charles de Gaulle ou de grands écrivains tel Marcel Proust.

Je ne peux me déprendre d'une sympathie sincère pour un ministre capable de se raviser et de contester, sous emprise, le choix opéré par le Haut comité pour les commémorations nationales qui, il est vrai, n'était présidé que par l'académicienne Danièle Sallenave entourée de quelques membres aussi peu représentatifs que Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory, Evelyne Lever, Gilles Cantagrel ou l'académicienne Catherine Bréchignac (Le Figaro).

Je rends hommage à un ministre qui, ancienne éditrice réputée et très appréciée dans les milieux de la gauche intellectuelle et politique, n'a pas répugné à se sous-estimer en feignant de confondre la commémoration avec la célébration dont la distinction était pourtant pour elle éclatante (Le Monde).

Je suis infiniment sensible à la volonté d'éradication d'un ministre qui va engager une tâche colossale en cherchant à supprimer de notre histoire ses pages sombres pour que le citoyen ne soit ébloui que par ses moments lumineux. Démarche d'autant plus intrépide que beaucoup de ses soutiens progressistes ne cessent de reprocher à l'Histoire officielle son occultation des séquences noires qui ont également fait et défait la France.

Je suis heureusement stupéfait par ce ministre qui, dans le gouvernement d'un Premier ministre passionné par la lecture, la littérature et l'ouverture d'esprit et sous l'égide d'un président de la République dont la culture est le fort, fait preuve d'une telle indépendance et autarcie qu'elle contredit l'un et l'autre étrangement silencieux pourtant.

Je mesure l'immense et louable indifférence qu'il convient d'avoir à l'égard de la vérité historique et intellectuelle pour supporter des absurdités telles que constituer Charles Maurras comme directement responsable de l'Holocauste.

J'ai conscience de la maîtrise absolue de soi et de sa mission qui habite ce ministre pour qu'avec le sourire du travail accompli elle n'ouvre pas des pistes, n'élargisse pas le champ de la curiosité et de la discussion, ne laisse pas les citoyens et la société se déterminer seuls face au livre non amputé mais ferme des issues, limite les perspectives, appose une bienséance confortable sur une Histoire critique et épargne au commun la charge de connaître au moins Charles Maurras pour le condamner.

Je suis enthousiaste face à un ministre tellement convaincant et impérieux qu'il ne suscite aucune opposition et qu'il peut se permettre sans trembler ce qui lui a été inspiré et dicté pour le plus grand bien de notre démocratie et relève d'une si bienveillance censure.

Je ne suis pas à court d'éloges pour ce ministre qu'on nous envie et qui ne nous fait pas regretter une seconde l'absence d'un ministre de la Culture qui risquerait de nous autoriser des débordements de liberté et de pluralisme.

Je suis vraiment fier d'être un citoyen français à qui on ne laisse pas penser, dire, écrire ou lire n'importe quoi !

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