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Alexia Daval, un féminicide ? La faute de Marlène Schiappa
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Ministre-juge

En déclarant que le meurtre d'Alexia Daval était un féminicide, la ministre Marlène Schiappa s'est fourvoyée : elle n'a pas respecté l'indépendance de la justice.

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Marlène Schiappa, secrétaire d'État à l'Égalité femmes-hommes a pu déclarer, au travers d'un tweet "« Alexia avait une personnalité écrasante » Pour tous ceux qui demandent un exemple de « victim-blaming » dans le récit, en voici." avant de qualifier les faits "d'assassinat". Peut-on considérer qu'il s'agit d'une intrusion dans la procédure actuelle ?

Philippe Bilger : Clairement. D'abord une ignorance totale sur le plan pénal puisque comme vous le dites très bien, il ne s'agit pas d'un assassinat. Pour l'instant, c'est un meurtre, ce qui est suffisant d'ailleurs pour un conjoint, avec cette circonstance aggravante, qui entraîne la réclusion à perpétuité, mais cela n'est pas un assassinat. D'autre part, je suis tout de même très étonné par le fait que tous les ministres, le Premier Ministre lui-même, le président de la République bien sûr, s'interdisent tout commentaire sur les affaires et que Marlène Schiappa considère avoir le droit d'en faire de manière totalement intempestive. Au point d'ailleurs que je suis choqué par le fait que ni le Premier Ministre, ni la Garde des Sceaux ne lui disent de se taire dans ce domaine qui n'est pas le sien. Je crois qu'elle considère sans doute que dans tous les domaines ou une femme est victime de quelque chose, et là évidemment il s'agit du pire des crimes, elle a vocation à parler. Elle veut apposer, sur des crimes singuliers et personnels en réalité qui résultent d'une crise terrifiante entre un homme et une femme - apparemment un homme qui n'avait jamais frappé auparavant sa femme- une sorte de grille de lecture sociologique qui rejoint un petit peu le point de vue de féministes que je dirais un petit peu obsessionnel. Non pas que je minimise la réalité de ces statistiques terrifiantes, je crois que 3 femmes par jour meurent en France sous les coups de leurs conjoints. Mais il ne faut pas apposer cette grille en permanence sur des crimes qui n'ont rien à voir avec cela. Ce n'est pas de la sociologie que l'on va juger, c'est un crime.

De telles déclarations pourraient elles avoir une influence sur les juges dans le climat actuel ?

Non pas du tout, ou alors contreproductive. Mais ce qui me scandalise, c'est que chacun se fait un devoir au gouvernement, et la Garde des Sceaux elle-même, de ne jamais parler d'une affaire en cours, et à plus forte raison, une affaire criminelle qui vient de trouver une première issue. Il est effarant de constater que Marlene Schiappa se permet tout et que personne ne lui interdise cette dérive. Cela me dépasse. Avec en plus une ignorance, comme vous l'avez très bien dit, sur la qualification des faits. Lorsqu'on ne connait rien, on se tait et on ne s'immisce pas dans le cours d'une procédure judiciaire. Sinon elle va avoir vocation à s'intéresser à tous les problèmes qui opposent les hommes et les femmes. Mais en tout cas, pour ce qui relève des problèmes judiciaires, elle doit se taire parce que d'une part elle est ignorante et d'autre part parce qu'elle viole des règles implicites que le gouvernement a respecté. Très familièrement parlant, j'espère qu'on lui dira à l'avenir de se taire dans ces domaines-là.

Vous ne croyez pas à un "rappel à l'ordre" de la part du gouvernement ou du président de la République ?

J'apprécie le Premier ministre qui n'est pas un autoritariste. Mais j'aurais aimé qu'à partir d'insanités proférées de cette manière, lui-même et encore plus le président de la République remettent Marlène Schiappa dans le droit fil ministériel, c’est-à-dire abstention et silence dans des domaines qui ne la regardent pas.

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