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Rachat d'Instagram par Facebook : le triomphe de l'image...
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EDITORIAL

Facebook vient d’annoncer le rachat du réseau social spécialisé dans le partage de photos pour la somme rondelette d’un milliard de dollars. Coup de génie ou coup de folie ?

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Instagram, vous n’en n’avez peut-être (probablement) jamais entendu parler, c’est un réseau social spécialisé sur le partage de photos, « une façon amusante et décalée de partager sa vie en photos » comme l’annonce l’application dans son mot d’accueil. Une application qui revendique paraît-il 30 millions d’utilisateurs d’après les communiqués de presse qui circulent depuis lundi… et 15 millions, soit deux fois moins, d’après le petit descriptif que vous pourrez trouver comme moi en cherchant à la télécharger sur le fameux store de la pomme. Mais nous ne sommes là ni à quelques milliards ni à quelques millions près, et il y a fort à parier que depuis qu’un certain Zuckerberg en est devenu le premier fan propriétaire, il va être suivi de quelques autres.

Inutile de rappeler qu’Instagram n’existe que depuis 18 mois et ne gagne pas d’argent, Facebook estimait sans doute que les 2 milliards et demi de photos déposées chaque mois sur le réseau (Instagram c’est déjà une base d’un milliard de photos) méritaient d’être un petit peu encouragées, notamment via les réseaux mobiles (Instagram est uniquement sur le mobile)

Car l’enjeu est bien là : partage et mobilité. Aujourd’hui le partage passe par l’image, on veut tout pouvoir saisir, capturer, envoyer, et de partout, c’est-à-dire sans se connecter à Internet via un vulgaire ordinateur, même portable, ce qui a fait le succès de Twitter. Et comme les réseaux télécoms et les optiques des téléphones portables (puisqu’ils servent aussi à téléphoner) le permettent, plus rien ne s’oppose à faire de nous des « ATAWADERS » : Any Time, Any Where, Any Device. La mobilité, car tout se passe désormais dans la poche, la moitié des utilisateurs Facebook le sont désormais en mobilité. Nous avions déjà des avis sur tout, maintenant on veut aussi le faire savoir à tous.

J’ajouterais au partage et à la mobilité, l’instantanéité, l’immédiateté, certains diraient la superficialité, la chasse au scoop, au décalage, à la bonne photo comme on fait de bons mots. Nous devenons alors les paparazzis de nous-mêmes, de nos propres vies, que nous livrons à livres ouverts, plutôt à « books » ouverts, avec le sentiment d’être à la fois artistes et romanciers. Artistes car « le succès » d’Instagram vient du fait qu’il ne permet pas uniquement de prendre des photos, mais de les habiller, de les « styliser » (même si franchement, essayez-le, c’est assez pauvre). Puisque vos photos sont sans intérêt, la forme va tenter de travestir cette réalité ordinaire.

Mais, blague et cynisme à part, il est tout à fait juste que la tendance est de demander à voir, au sens propre comme au sens figuré. Nous ne voulons plus être dupes, nous voulons des preuves, des démonstrations, des faits, des actes, et nous vouloir « voir », de nos propres yeux. Nous demandons à voir, la démonstration et l’image, une forme de « T’as qu’à croire » comme le dit Bayrou, et de « T’as qu’à voir ».

L’image, la vôtre, celle de la marque, de son produit à travers son pack et ses pubs, l’entreprise à travers son site, ses dirigeants, son actualité, est omniprésente et cruciale aussi parce qu’il s’agit d’un produit de consommation rapide, immédiat, à la fois dans l’accroche et dans la compréhension supposée. Mais l’image n’est pas que photo, l’image, c’est aussi l’image de soi, l’image de marque, ce sont des champs de perceptions, de représentations, nous avons besoin de visualiser les choses. Dans un monde qui se consomme et se vit de plus en plus vite, conceptuel, parfois virtuel, et de plus en plus chiffré (des pourcentages d’intention de vote, des milliards d’investissements et de dettes publiques, des taux de croissance ou de récession, des nombres de fans, de tweets et de photos téléchargées), nous avons besoin de ré-incarner les choses, et surtout de nous re-connecter, et pas uniquement virtuellement.

Finalement cette tendance, cet appétit à voir, est vieille comme le monde. Quelques jours après Pâques, souvenons-nous que même Saint Thomas a demandé à voir pour croire, il aurait eu Instagram, c’était la photo du siècle, et même de l’humanité !

Mais rien ne se serait passé sans l’envie ensuite de témoigner, donc de partager. L’image et le partage, Facebook doit avoir raison !

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