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Ce que les chiffres 2017 de l’immigration disent bien mieux sur la situation française que le discours d’Emmanuel Macron à Calais
©Michel Spingler / POOL / AFP

Au-delà des mots

Un an et demi après le démantèlement de la "jungle", le chef de l'Etat s’est rendu à Calais, ville symbole de la crise migratoire. Mais bien au-delà des discours politiques, les chiffres publiés sur les visas de séjour et de sortie sont particulièrement parlants.

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch

Jean-Paul Gourévitch est écrivain, essayiste et universitaire français. Il a enseigné l'image politique à l'Université de Paris XII, a contribué à l'élaboration de l'histoire de la littérature de la jeunesse et de ses illustrateurs par ses ouvrages et ses expositions, et a publié plusieurs ouvrages consacrés à l'Afrique et aux aspects sociaux et économiques de l'immigration en France. Il a notamment publié La France en Afrique 1520-2020 (L'Harmattan), La tentation Zemmour et le Grand Remplacement (Ovadia 2021), Le coût annuel de l'immigration (Contribuables Associés 2022).

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Atlantico : Selon les chiffres publiés par la Direction générale des étrangers ce 16 janvier, 27 373 départs du territoire en 2016 ont eu lieu, soit une hausse de 10.8% par rapport à 2016, une progression qui caractérise également les arrivées sur le territoire (262 000, + 13.7% de nouveaux titres de séjours). Au regard des détails des chiffres, quels sont les enseignements à tirer de cette publication? Quel bilan dresser de l'évolution des flux et de l'ajustement à ces flux de la politique migratoire du pays ?

Jean-Paul Gourévitch : D’abord, il faut souligner que le gouvernement tient ses engagements en termes de publication puisqu’il avait annoncé que ses chiffres seraient publiés le mardi 16 janvier et qu’ils le sont ! Cela veut dire « je fais ce que je dis et je dis ce que je fais ».

Si on regarde maintenant les chiffres de visas de séjour (d’entrées légales, puisque évidemment les entrées illégales ne sont pas comprises dans les chiffres publiés) tout le monde a fait les mêmes constatations, en l’occurrence que l’augmentation est régulière depuis 4 ans et est surtout marquée par l’augmentation des visas de séjours humanitaires ce qui est assez logique puisque nous avons eu beaucoup plus de demandes d’asile et que le pourcentage de demande d’asile accepté est plus haut qu’autrefois. Il faut aussi noter la tendance qu’on a à agglomérer sous le nom de visas de séjour pour motifs économiques des choses qui sont assez différentes. On a l’air de vouloir dire qu’il s’agit des cartes compétence et talent, ce qui n’est pas tout à fait exact. Dans la migration ethnique, il y a la migration de main d’œuvre, c’est-à-dire de personnes qui viennent chercher du travail, il y a la migration entrepreneuriale, c’est-à-dire la migration des gens qui viennent délocaliser leur entreprise en France. Il y a la migration de compétence et talent qui existe, et aussi la migration starisée, pour des vedettes qui exportent leur succès. On ne peut pas faire amalgame complet en ce qui concerne le visa économique d’entrée.

En ce qui concerne les visas de sortie, je remarque plusieurs choses. Tout d’abord il ne faut pas se voiler la face. Parmi les 27357 personnes qui sont sorties, il y a bien sûr les renvois forcés, mais surtout et essentiellement ce qu’on appelait autrefois les « sorties humanitaires », c’est-à-dire les renvois de Roumains ou de Bulgare dans leurs pays, et les « Dublinés», ceux qui ont fait une demande de visa dans un pays d’Europe puis sont venus en France. Effectivement. Le gouvernement déploie beaucoup d’efforts pour les renvoyer dans leur pays de référence. C’est un coût important. On peut considérer que si on renvoyait tous les Dublinés un mois après leur arrivée en France, on ferait une économie de près de 241 millions d’euros. Bien sûr on sait que cela n’est pas possible, mais le gouvernement fait de gros efforts.

Si maintenant on compare le nombre de gens déboutés du droit d’asile et le nombre de personnes expulsées, on se rend compte que près de 90% des personnes déboutées du droit d’asile n’ont pas été expulsées sont restés en France. Et pour ceux qui sont repartis soit ont été expulsés soit sont repartis dans ce qu’on appelle les renvois aidés, c’est-à-dire avec un pécule qui va leur permettre de vivre mieux chez eux, mais pas de créer des entreprises dans leur pays puisqu’il n’y a pas de suite.

On observe un rattrapage effectué sur les arrivées, d’autant plus quand on sait qu’une grande partie des déboutés du droit d’asile continuent de rester en France, situation à laquelle le gouvernement n’a toujours pas trouvé de solution.

Il est également possible d'observer une augmentation du nombre de "Dublinés" et des expulsions intra-européennes. S'agit-il de la preuve d'une meilleure maîtrise de l'espace européen par la France ?

Le pourcentage de Dublinés renvoyés est extrêmement faible par rapport au pourcentage de Dublinés qui devraient être renvoyés, parce que pour cela il faut que le pays de référence accepte de recevoir ses Dublinés. Et cela, ce n’est pas toujours le cas. Et il faut aussi que les migrants en question acceptent de repartir, ne se rebellent pas. C’est certainement mieux qu’auparavant, mais on est très loin d’arriver à un étiage satisfaisant le règlement de Dublin 3 et de procédures de transferts qui devraient être quasiment automatiques.

La politique de Gérard Collomb est qualifiée d'"offensive" par Le Monde, du fait de l'augmentation des refus d'entrée sur le territoire ainsi que celle des aides à la réinstallation. Dans quelle mesure cette analyse est-elle, ou non, justifiée ?

Le Monde fait partie des journaux de la gauche morale qui sans adopter totalement le point de vie immigrationiste considèrent que les impératifs moraux sont plus importants que les impératifs économiques. Et on donc tendance à considérer que les efforts faits pour réguler les flux migratoires vont contre une politique des Droits de l’Homme, de respect des libertés etc.

Je ne dirai pas à propos de la politique de M. Collomb qu’elle est offensive mais plutôt défensive. C’est-à-dire que Gérard Collomb tente de se prémunir contre un double danger. Tout d’abord effectivement des vagues migratoires extrêmement importantes mais aussi ne souhaite pas que l’opinion publique, qui est dans sa majorité défavorable à l’arrivée de nouveaux migrants se braque contre lui. Je verrais donc beaucoup plus cela comme une position de défense que d’attaque.

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