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Le "made in France", l‘arme fatale pour redresser notre commerce extérieur ne peut pas marcher. Voici pourquoi
©Reuters

Atlantico Business

Le "made in France" est une illusion que les hommes politiques utilisent par démagogie. La mondialisation a balayé cette vieille recette qui a aujourd’hui perdu son sens.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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De Laurent Wauquiez à Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen en passant par Benoit Hamon, Arnaud Montebourg et Florian Philippot, ils sont nombreux les responsables politiques à avoir brandi la nécessité du made in France pour redresser le gravissime déficit du commerce extérieur. Pourquoi aller acheter à l’extérieur ce que nous pourrions et devrions savoir fabriquer nous-mêmes, et créer ainsi de l’activité et de l’emploi ?

Le discours est connu, séduisant pour des populations fragiles et meurtries par les effets d’une mondialisation qui a éteint la lumière dans beaucoup d’usines et d’ateliers installés dans les provinces françaises.

Le discours est séduisant, sauf qu’il est trop facile pour correspondre à la réalité.

« Le made in France » n’a pas complètement disparu. Heureusement. Il continue d’exister et pourrait même se développer davantage dans des secteurs très particuliers : une partie de l’agro-alimentaire qui fonctionne avec des circuits courts, c’est à dire dans un rapport direct entre le consommateur et le producteur. Le made in France existe encore dans les produits artisanaux, dans le bâtiment, dans le tourisme (c’est une évidence) et dans une grande partie des produits de luxe ou des créations artistiques. Et il pourrait se développer encore beaucoup plus dans la Tech, on l’a vu à Las Vegas où la France envoie chaque année de plus en plus d’entreprises. Le made in France a alors un sens dans les secteurs à haute valeur ajoutée.

Bref, la mondialisation n’a pas tué l’ensemble de ce qui était fabriqué autrefois en France, mais pour l’essentiel de la consommation, le poids des importations est devenu exorbitant au point où nos exportations sont cruellement insuffisantes pour payer les factures extérieures.

Mais prétendre rapatrier une grande partie de ce qui est fabriqué à l’extérieur relève d’une douce illusion et cela pour au moins trois raisons qui seraient très difficiles à surmonter.

La première est une raison de coût : une grande partie de fabrications industrielles a été délocalisée dans des pays à faible coût de main d‘œuvre. C’est le cas de toute l’industrie textile et de confection. Mais pas seulement. Beaucoup de fabrications industrielles, dans la mécanique, la plasturgie, l‘électroménager ont été déménagées soit au Maghreb, en Turquie, en Inde ou en Chine. Tout simplement parce que la main d’œuvre y est moins chère et que la composante main d’œuvre est importante dans la valeur globale.

Les produits émergents ont profité de ce mouvement et ont commencé à sortir une partie de leur population de la misère.

La deuxième raison est une raison commerciale. Beaucoup d’industriels se sont aussi rapprochés de leurs marchés. Dans l’automobile, dans l’électroménager, on est allé chercher la croissance là ou elle était, c’est à dire sur les marchés émergents. Le groupe SEB est un leader mondial du petit électroménager de maison. Il vend partout, et doit adapter ses produits à chaque culture, à chaque marché. D’où la nécessité de rapprocher également la production quand l’appareil n’est destiné qu’à une seule région.

Dans beaucoup de secteurs, il est devenu plus intéressant de produire local. On le voit encore cette semaine avec le groupe Renault qui n’a jamais autant vendu de voitures qu’en 2016. Très bien, mais les ventes sont en partie tirées par la marque Lada en Russie, par l’Iran et d’autres émergents comme le Brésil, où l’entreprise possède des usines.

La troisième raison est sûrement la plus importante. Elle tient au fait que la majorité des produits et des services que nous consommons sur la planète est le résultat d’une chaine de valeur complètement fragmentée. En clair, ils intègrent des composants de toute origine. Une automobile de marque française montée dans une usine française intègre des composants qui viennent parfois d’Allemagne ou d’ailleurs et même des Etats-Unis. C’est vrai dans beaucoup d’autres productions, y compris dans le bâtiment, l’agro-alimentaire. C’est évidemment vrai dans le digital. Un smartphone de marque californienne est évidemment conçu et marketé en Californie, mais monté dans une usine chinoise avec des composants venant du monde entier dont la France. Au total, compte tenu des frais de recherche et d’innovation, plus de 60% de la valeur de l’appareil est néanmoins américaine.

Mais dans bien des cas, définir la véritable origine du produit est quasi impossible à découvrir. Elle est plus juridique que réelle. L’origine officielle du produit est souvent celle du propriétaire de l’entreprise.

C’est vrai pour la France, mais c’est tout aussi vrai pour tous les pays occidentaux développés dont les Etats Unis.

L’Amérique a perdu une partie de son industrie avec la mondialisation. Donald Trump promettait de rapatrier l‘appareil industriel mais ses promesses n’engageaient que ceux qui le croyaient. Comme souvent en politique. 

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