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Un budget 2018 inégalitaire, oui. Mais quel résultat pour la croissance du pays ?
©REUTERS/Eduardo Munoz

In fine

Le rapport de l'OFCE sur le budget 2018 de la France souligne ses effets inégalitaires. Une méthode pratiquée depuis 40 ans, et qui n'a pas pour l'instant fait ses preuves...

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Selon le Policy Brief réalisé par l'OFCE et publié ce 15 janvier, le budget 2018 se caractériserait par un "faible ajustement structurel" mais par des effets inégalitaires en termes de redistribution. D'un point de vue économique, ce choix fait par le gouvernement est il rationnel ? Un budget à tendance "inégalitaire" peut-il générer plus de croissance et ainsi produire des effets plus "égalitaires" de long terme ? 

Alexandre Delaigue : Il y a plusieurs manières de trouver une logique à ce budget. Premièrement on peut noter qu'il n'est pas très surprenant : la logique annoncée dans la campagne électorale est suivie. Ensuite si l'on veut y trouver une logique économique elle se résume à un mot : l'investissement. Réduire la fiscalité du capital financier, pérenniser la baisse du coût du travail pour renforcer les fonds propres des entreprises, baisser l'impôt sur les sociétés, des économies budgétaires concentrées sur le fonctionnement de l'Etat avec des annonces d'investissements publics, tout cela va dans le même sens : augmenter l'investissement privé et public. On est dans la bonne vieille logique du "théorème de Schmidt" qui sert de base de raisonnement à l'élite politico-administrative depuis 40 ans : les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après demain. Dans un contexte ou la priorité n'est plus l'austérité, où l'on est sorti de la crise financière, un contexte économique plutôt bon, on revient aux vieilles recettes.

A partir du moment où l'on a fait ce choix d'un soutien à l'investissement, automatiquement cela bénéficie aux détenteur de capital, donc aux plus aisés. C'est une conséquence inévitable. Maintenant, on ne peut pas dire que cela ait si bien fonctionné que cela depuis 40 ans qu'on le pratique. En tout cas la logique est celle-là et en théorie elle peut générer plus de croissance. Mais pas tant que cela. L'effet de l'investissement sur la croissance à long terme, pour une économie comme la France, est pratiquement imperceptible par rapport à l'effet immédiat d'une demande globale plus forte. Mais la BCE fait déjà tout ce qu'elle peut et le président a fait le choix de donner des gages à l'Europe pour obtenir des réformes de celle-ci, ce qui condamne des politiques de relance plus franches, comme celles que l'on observe au Portugal par exemple.

A l'inverse, un budget jugé inégalitaire comme celui-ci peut-il avoir un effet négatif sur la croissance ? Le différentiel de consommation selon les différents déciles de revenus peut-il produire de tels effets sur les chiffres globaux de l'économie française ? 

Pour l'OFCE, les effets des mesures de soutien à l'investissement et les ponctions diverses sur les ménages vont en gros se compenser. Je ne vais pas leur donner tort, ils sont tout à fait compétents pour faire ce genre de calcul. Il faut voir aussi que le contexte général est plutôt favorable donc le trou d'air du premier semestre, quand les hausses de fiscalité vont se faire sentir, a des chances de ne pas être trop fort. Sur le plus long terme néanmoins on peut s'interroger, en particulier si la politique fiscale continue de bénéficier aux plus riches. De fortes inégalités contribuent à la stagnation, à la baisse des taux d'intérêt (donc rendent difficile la tâche de la banque centrale pour relancer l'économie en cas de problème). On n'en est pas encore là, mais il est légitime de s'interroger sur la direction prise. Le gouvernement français semble totalement manquer d'imagination et rester complètement bloqué sur des vieilles recettes dont le succès au cours des dernières décennies est limité. Ce manque d'imagination est assez déprimant; d'un autre côté, les alternatives ne sont pas très encourageantes. Le programme de F. Fillon nous aurait valu une purge budgétaire particulièrement sévère par exemple. 

Quelles auraient pu être les mesures les plus efficaces permettant de concilier croissance et égalité ? 

Si on pouvait le faire ce serait une bonne chose mais ce n'est pas facile à concilier... Nous avons la chance d'avoir un système en France plutôt égalitaire, qui fait que la croissance bénéficie à tous, contrairement à de nombreux pays dans lesquels la croissance bénéficie à un petit nombre. Dès lors la question principale est de concilier la préservation dans les grandes lignes du système social français tout en restant dans le wagon de la croissance mondiale. ce n'est pas très enthousiasmant, mais c'est peut être ce que l'on peut faire de mieux.

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