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Le déficit du commerce extérieur français ou le prix à payer pour un demi siècle de lâcheté et d’erreur
©Reuters

Atlantico Business

Le président de la République revient à peine de Chine, avec une méga-commande d’Airbus, que les chiffres du commerce extérieur pour l’année 2017 marquent une nouvelle aggravation, encore.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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On savait que le commerce extérieur n’était pas brillantissime mais à ce point-là, non ! Ce déficit de 65 milliards d’euros est annoncé alors que le président rentre à peine de Chine avec des valises de contrats - une nouvelle commande de 184 Airbus, un chantier gigantesque pour Areva. Ces bulletins de victoire ne changeront rien. Sur le front du commerce extérieur, la France s’est installée en bon dernier de la classe des pays occidentaux.

On n’arrête pas de dire que tout va bien, et pourtant, le déficit du commerce extérieur français va encore se creuser de 14 milliards par rapport à 2016.

Si le déficit extérieur français est abyssal, c’est d’abord à cause de la France qui refuse de regarder en face les vraies causes de son mal.

C’est une catastrophe pour l’avenir de notre pays et son indépendance. C’est une honte pour les dirigeants successifs qui ont refusé de regarder les vraies causes, parce qu’on est bien là devant  le mal français, la source de toutes nos lâchetés et de toutes nos difficultés

On peut toujours se satisfaire du retour de la croissance, d’un soutien à la consommation et d’une reprise de l’investissement. N’empêche qu’on est de plus en plus dépendant de l’étranger.

Nous consommons plus que ce que nous produisons. Donc nous achetons à l‘étranger beaucoup plus que ce que nous vendons. Nos importations dépassent de plus de 60 milliards d’euros par an nos exportations, c’est à dire ce que nous vendons. Le déficit avec la Chine compte déjà 30 milliards à lui seul.

Qu’on le veuille ou non, cet écart, il faut le payer. Alors on emprunte, on fait appel à des actionnaires étrangers, on hypothèque nos châteaux, nos vignobles, nos entreprises et notre avenir et on ne dit pas que tout cela est nocif à terme. Surtout pas.   

On peut toujours expliquer que si on retire de la statistique les achats de pétrole, le déficit serait beaucoup plus raisonnable. Peut être, sauf qu’on a besoin de pétrole et qu'on n’a pas de quoi le payer. On peut aussi nous raconter que la France vend des services, des Airbus, des centrales nucléaires, des hôtels, du tourisme... Sans doute mais on n‘en vend pas suffisamment.

Il faut arrêter de fermer les yeux. La France consomme et ne produit pas ce qui pourrait intéresser les clients éventuels.

Plus grave, plus on va améliorer la croissance, la consommation, l’activité, l’emploi et l’investissement, plus on va creuser notre commerce extérieur. C’est le serpent qui se mord la queue !

Sans ouvrir un séminaire d’économie internationale, les deux raisons de la dégradation de notre commerce extérieur depuis 20 ans sont évidentes et simples.

La première raison : notre compétitivité n’est pas au niveau de la concurrence internationale. Le manque de compétitivité coût d’abord. Nos produits étaient trop chers, nous sommes donc allés les faire fabriquer à l’extérieur du territoire, dans la première phase de la mondialisation. C’est ainsi que l’industrie textile et une grande partie de l’industrie mécanique ont été déménagées au Maghreb puis en Turquie, en Chine ou même au Bangladesh. Cette compétitivité coût n’est plus le problème central. Les baisses de charges, le CICE ont réduit une partie du gap.

En revanche, nous avons un problème de compétitivité hors coût. L’offre de produits et de service est faible. La qualité que nous produisons n’est pas suffisante. Peu d’innovation, peu d’originalité. Dans tous les domaines sauf peut-être dans les grands équipements collectifs où nous restons leaders - travaux publics, nucléaire, constructions, aéronautique avec Airbus ou même constructions navales. Ou celui du luxe où, en gros, quelques entreprises comme LVMH, Kering (Groupe Pinault) Hermès ont fait de la France un leader mondial avec un flux d’exportations récurrent et considérable. Mais ça n‘est pas suffisant pour équilibrer une balance commerciale. Dans tous les autres secteurs, nous restons, sauf exceptions, très à la traine, incapables de générer les devises qui seraient nécessaires à financer nos importations.

La deuxième raison, c’est que notre écosystème a été totalement piégé par la certitude arrogante que la logique de la demande pouvait être l’alpha et l’oméga de toute la politique économique de la France, cette fameuse logique keynésienne. Pendant presque un demi siècle, depuis les premiers chocs pétroliers des années 1970, la classe politique, les syndicats et la majorité des économistes nous ont expliqué que le problème français était un problème de demande.

Bref, il fallait soutenir la demande intérieure dans la plus pure tradition keynésienne, parce qu’en soutenant la demande par le crédit ou le pouvoir d’achat, on pensait soutenir la production.

On a effectivement soutenu la production mais plutôt celle de Shanghai, qui revient en France sous forme de produits importés. On a stimulé les importations comme jamais. La grande distribution, qui a parfaitement compris cette logique, a ouvert des hypermarchés en grand nombre pour écouler ces produits importés. Bravo.

Le comble de cette erreur ayant été atteint dans les deux premières années du quinquennat de François Hollande où la logique de la demande a été érigée en doctrine officielle, adoubée par des économistes égarés dans les restes d’un keynésianisme archaïque .

Quel gâchis. Il a fallu frôler la catastrophe financière, le dépôt de bilan pour cause de déficit budgétaire et d’endettement, pour mettre à l’écart les frondeurs, appeler Manuel Valls, accoucher du CICE et reconnaître que ce pays avait un problème d’offre.

Le plus cocasse dans ce débat est que lors de la dernière présidentielle, bien peu de candidats osaient défendre une logique d’offre, et proposaient les moyens d’assumer la concurrence internationale. Emmanuel Macron, François Fillon et Manuel Valls... Pas étonnant qu’aujourd’hui, beaucoup de ceux qui croyaient dans les réformes proposées par François Fillon, et ceux qui, au parti socialiste, prônaient une ouverture vers la modernité, se retrouvent aujourd’hui ni à gauche, ni à droite, mais dans le mouvement En Marche du président de la République.

Le déficit commercial marque un demi siècle d’erreur et de lâcheté. 

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