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Agressions de policiers et violences du quotidien : la France s’enfonce alors que New York a vu sa criminalité chuter au niveau des années 50
©Thomas SAMSON / AFP

Et la trêve des confiseurs ?

Deux policiers ont été violemment agressés le soir du nouvel an à Champigny-sur-Marne. Un lynchage très médiatisé qui a fait réagir Emmanuel Macron.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Dans la nuit de la Saint-Sylvestre, l'agression de deux policiers à Champigny-sur-Marne, filmée et relayée sur les réseaux sociaux a fait réagir jusqu'au sommet de l'Etat, Emmanuel Macron déclarant "les coupables du lynchage lâche et criminel de policiers faisant leur devoir une nuit de 31 décembre seront retrouvés et punis". Au-delà du cas d'espèce qui reflète que 5 767 policiers ont été blessés « en mission » en 2016,  selon l’Observatoire national de la délinquance, quel bilan dresser, dans la France de 2018, de l'insécurité et des violences du quotidien ? 

Autant on voit une bonne orientation en matière de terrorisme, autant, sous M. Macron, la criminalité du quotidien n'est pas mieux comprise, ni traitée, que sous M. Hollande - du moins pour l'instant. Pour les derniers lynchages de policiers, on est un peu ébahi par la récente éruption de médias qui considèrent d'usage ces crimes comme de méprisables "faits divers". Tardif réalisme ? Cynique remplissage un jour d'actualité creuse ? Notons seulement que ces violence visant les forces de l'ordre sont fréquentes en France, sans que d'usage, ces mêmes médias s'émeuvent beaucoup. 
Rien que ces dernières semaines : Pau "Un véhicule fonce sur la police après un cambriolage raté" ; Essonne "Un policier et sa femme roués de coups devant leurs enfants" ; Chelles "des cambrioleurs blessent des policiers et leur crachent dessus" ; Toulouse "des policiers pris pour cible le soir d'Halloween" ; Seine et Marne "des cambrioleurs foncent sur les policiers avec leurs voiture", ainsi de suite. 
Observons encore que les agressions de pompiers en intervention ont augmenté de 17,6% en 2016 et que celles des inspecteurs du permis de conduire ont carrément triplé la même année. Tels sont les effets d'un durable laxisme Taubira-Hollande : laissez agir les voyous ? Ils se déchaînent, c'est aussi simple que ça.
Or durant les années Taubira (déjà sous Mme Dati) fut fait le contraire de ce qui, partout au monde où la criminalité à diminué (les Etats de droit, bien sûr), se pratiquait : sanctionner fermement les délinquants juvéniles les plus avancés dans la voie du crime (ceux que la criminologie contemporaine nomme "prédateurs violents"), cette première sanction les effrayant d'aller vers les infractions les plus graves et de devenir, comme on le disait au XIX siècle, des "criminels d'habitude". Dès Mme Dati et plus encore sous Mme Taubira, ce fut tout l'inverse : sous une peine de deux ans ferme, au nom d'une "culture de l'excuse" chouchoutant de "malheureuses victimes de l'exclusion et du racisme", rares étaient ceux faisant un seul jour de prison effective - à la grande joie des malfaiteurs. D'où sous les années Hollande, l'augmentation ou le maintien à haut niveau, des crimes d'usage pratiqués par les "prédateurs violents" : braquages bas-de-gamme, vols avec violence, cambriolages à l'arrache, 

New York est parvenue à endiguer le fléau de l'insécurité qui sévissait notamment au cours des années 90 (2245 homicides contre 286 en 2017) alors que les chiffres de Chicago sont fortement repartis à la hausse au cours de ces dernières années. Quelles sont les leçons à tirer de ces exemples étrangers ? 

Le triomphe new yorkais du réalisme criminologique est tel qu'aujourd'hui, le nombre des homicides dans cette ville (286 en 2017) est de 13% ce ce qu'il fut à son apogée de 1992. En 25 ans, 88% d'homicides en moins. Le réalisme new yorkais repose sur un simple théorème, foudroyant d'efficacité : les criminels ne s'arrêtent que quand on les arrête. "Arrêter" a bien sûr un sens préventif et répressif, il y a le contexte social et local - mais au fond tout tient à ce fondamental : la paix civique s'obtient en empêchant les criminels d'agir, par tous moyens légaux.

Chicago, c'est autre chose. La ville subit de plein fouet les effets d'un politiquement correct néo-puritain. On y refuse de voir que le problème n'est pas le racisme (qui bien sûr existe dans le pays) mais une guerre des gangs qui extermine les jeunes Noirs de la région. A Chicago, 30% de la population est noire et 80% des assassinés par armes à feu, aussi. Sur 10 de ces victimes noires, plus de 9 sont des adolescents ou jeunes hommes, tués lors d'affrontements criminels.

Or face à ces guerres féroces, le traitement social, les mesures bienséantes (nommer un Noir chef de la police urbaine, etc.) sont des cataplasmes sur des jambes de bois. Il faut d'abord casser les gangs, les contraindre au cesser-le-feu. Après quoi, tout ce qu'on veut, le social, la bienséance. Mais avant tout, terrasser les gangs qui, au 20 décembre 2017, ont provoqué l'essentiel des 662 morts et 3 492 blessés par arme à feu. Mais comment y arriver quand le sheriff du comté de Cook, qui englobe l'essentiel de Chicago (5,2 millions d'habitants) n'a que 450 hommes dans les rues ?

La population le comprend d'autant moins que d'usage, les médias ne réagissent qu'aux (rares) cas où un Noir est tué par un policier (2% environ de tous les homicides). D'évidence c'est condamnable - mais comment traiter un cas social en s'obnubilant sur 2% de son tout ? Idem en France, les médias "d'information" pavolviens ne s'éveillent que si la victime est Noire et le policier, Blanc. A Chicago, c'en est au point où un ancien chef de police a été à New York supplier l'ONU d'intervenir dans ce "génocide des Noirs à Chicago", tant, sur place, le problème semble intraitable.

Au vu de la situation existante en France aujourd'hui, quel bilan comparatif est-il possible de dresser et quelles sont les actions susceptibles d'être mises en oeuvre permettant de faire baisser significativement les chiffres de l'insécurité en France ? 

Il faut une prise de conscience. Le problème de la sécurité est politique par excellence - il suscita même jadis la création de la forme politique Etat-nation. Or aujourd'hui, tous les partis politiques français - tous - négligent la sécurité au quotidien, l'oublient, en font une quantité négligeable. Je reviendrai là dessus bientôt, en détails. Régler ce problème - c'est à dire, ramener la criminalité en France au niveau moyen du reste de l'Union européenne, alors qu'elle est pire (braquages et cambriolages notamment) - s'obtiendra en considérant comme seul et même problème le cas des quartiers hors contrôle (ceux où se font lyncher les policiers) et la manifeste impuissance d'une justice encore aujourd'hui inerte, sans moyens ni idées.
Précisons : tous les lynchages de policiers, ou les attentats les visant, se produisent sur les territoires de la "politique de la ville" dont tous les gouvernements successifs de la Ve République, celui-de M. macron y compris, refusent obstinément de considérer sérieusement la dimension criminelle - et parfois terroriste. Cet aveuglement condamne les habitants de ces quartiers, du moins ceux qui ne peuvent en fuir, à rester soumis aux caïds qui les dominent, les obligent à planquer leur drogue et les "punissent" si besoin en incendiant leur voiture. Souvenons-nous aussi d'Amedy Coulibaly, terroriste de l'Hyper-Casher, issu de cette même "Grande Borne" où en 2016, des voyous tentèrent de brûler vif deux policiers. Quant à la justice d'aujourd'hui, elle rabiote déjà sur les prisons à construire et le recrutement de magistrats. Pas la meilleure façon d'impressionner les criminels

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