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2017, l’année politique du Guépard : tout a changé pour que rien ne change
©Elysee

2017, l’odyssée de la fin du monde d’avant

Atlantico a demandé à ses contributeurs leur vision de l’année où la France a vécu de nombreuses surprises et rebondissements et est entrée dans l’ère Macron. Pour Les Arvernes, 2017 n’a rien de la révolution. La France reste la France, avec ses forces, ses faiblesses, et son système politique aussi défaillant que celui des autres grands pays occidentaux.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Le puissant journal The Economist, modèle de mesure, d’impartialité et de compétence journalistique, en décernant à la France le titre de pays de l’année 2017, s’inscrit à rebours d’Edmond Burke et de sa critique radicale de la Révolution française. En effet, si l’on suit l’hebdomadaire britannique, pas de doute : 2017 est bien l’année d’une révolution copernicienne qui voit la France, pays irréformable, poussiéreux, arriéré, provincial, prendre, comme souvent dans son histoire, le monde à contrepied, dans un de ses élans subis de modernité, aussi inattendus et beaux que les trop rares gestes de french flair que recèle notre rugby national.

Disons-le tout net : si l’idée est plaisante, et même flatteuse, elle est si fausse qu’elle ferait presque sourire. Parce qu’elle doit être impartiale, la grande presse internationale anglo-saxonne, Pravda des financiers et de tous ceux pour lesquels l’argent et l’économie sont l’Alpha et l’Omega de nos existences, ne saurait être prise en flagrant délit de wishfull thinking. Et loin de nous l’idée selon laquelle une telle outrance témoignerait en réalité de la méthode Coué de la part d’une presse anglo saxonne qui, frustrée par l’élection de Donald Trump, furieuse du Brexit, lassée de la finalement peu brillante Angela Merkel, a, comme tous les enfants, besoin d’un héros pour ne pas se désoler de la médiocrité des choses.

La réalité, hélas, est autre. Car s’il l’on considère cette année 2017, l’on s’aperçoit qu’elle n’a rien d’une rupture dans la vie politique française. Au contraire, elle est l’aboutissement d’une évolution, qu’elle couronne plutôt qu’elle ne l’invalide. Qu’il soit permis de s’arrêter ici sur quelques-uns des traits de cette année politique.

Aboutissement, d’abord, de la perversion de la démocratie médiatisée. Les cris d’orfraie suscités par l’interview sirupeuse de Laurent Delahousse feraient presque sourire si notre pays n’avait, en la matière, une solide tradition de flagornerie à l’égard du Pouvoir. Le bon Monsieur Delahousse, à cet égard, n’est que l’ultime avatar d’une longue ligné de journalistes – politiques ou non – qui doivent leur carrière à leur capacité à flatter le pouvoir. Anne Sinclair, Christine Ockrent, Claire Chazal en sont les grandes prêtresses. A cet égard, l’Histoire retiendra la façon dont la presse bienpensante a, par flatterie, incompétence, et, osons-le dire, intérêt bien compris, fait le lit du macronisme. Bien sûr, de temps à autre, tel ou tel journaliste a commencé, à mot couvert, à s’inquiéter de la vacuité du personnage, pure produit marketing. Mais globalement, le train était lancé, et il est arrivé à bon port. Rien de nouveau dans tout cela.

Aboutissement, ensuite, ou plutôt continuation d’un système administrativo-politique, qui gouverne la France depuis trente-quarante ans. Halevy a bien montré combien depuis 1789, la haute administration, ce qui appelle la « constitution administrative de la France », compense l’instabilité constitutionnelle d’un pays qui change de régime politique tous les trente-quarante ans. Depuis 1981, gouvernements de gauche ou de droite confondus, une mini élite, constituée d’Inspecteurs des finances, de Conseillers d’Etats, d’Ingénieurs des Mines, autour desquels gravitent une poignée d’hommes politiques, journalistes, spin docteurs, (main)tient la France autour d’un centre situé à gauche. Les rodomontades d’un Nicolas Sarkozy, incapable de comprendre le fonctionnement profond de la France, n’y ont rien changé. Emmanuel Macron, qu’il a mis en selle avec la Commission Attali, que certains niais ont comparé à Napoléon – pas le Christ car Emmanuel Macron n’a besoin de personne pour s’y comparer – est l’exact contraire de l’homme nouveau que l’on nous a présenté. Il est la réincarnation de Jacques Attali, qui, avec Alain Minc, a tort sur à peu près tout depuis 40 ans, mais l’incontestable talent de faire son miel de tout, y compris de ses propres erreurs. Rien de nouveau dans tout cela.

Aboutissement, enfin, d’une décomposition du système politique français. Si la France a cru – enfin - trouver en 1958 les institutions qui lui conviennent, c’est évidemment le contraire qui est vrai. Taillée pour le Général de Gaulle, la V em République n’en finit pas de pourrir sur pied, depuis que ses successeurs essayent en vain de revêtir l’uniforme du général. 2017, à cet égard, est bien une étape de plus dans le pourrissement de notre système politique. Un système politique structuré autour de partis zombies qui ne ressortent de terre que le temps d’une élection présidentielle. Un système politique dont les chefs, depuis 40 ans, se signalent par leur médiocrité, et, trop souvent, par leur corruption intellectuelle, morale et même financière. Un système politique que les français rejettent à raison massivement, mais dont ils sentent qu’il est un mal nécessaire, et que le marché ne saurait le remplacer. Sur ce plan, une mention spéciale peut être décernée au chiraquisme. Du radical socialiste Jacques Chirac au désormais macronien Alain Juppé, l’évolution de la droite jusqu’au pourrissement est bien une histoire continuée de renoncement, médiocrité, absence de colonne vertébrale intellectuelle et morale depuis que la droite, en 1988, traumatisée par une élection imperdable (une autre !) a cessé d’être la droite. Rien de nouveau dans tout cela.

En définitive, 2017 n’a rien de la révolution qu’a cru discerner The Economist. La France reste la France, avec ses forces, ses faiblesses, et son système politique aussi défaillant que celui des autres grands pays occidentaux. Et The Economist, qui prétend à l’impartialité, reste éminemment partial. Ce n’est d’ailleurs par pour déplaire : notre monde a besoin pôles de stabilité et de conviction. The Economist, à cet égard, est bien l’une de ces « masses de granit » dont parlait Napoléon…

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