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Réunion des radicaux et menaces de rupture de l’UDI avec LR : mais que peut espérer le Centre à l’heure de Macron ?
©ALAIN JOCARD / AFP

Rabattage des cartes

L'UDI n'aura "plus d'alliance avec Les Républicains en tant que parti" dans le cas d'une élection de Laurent Wauquiez à la tête des LR, a déclaré Jean-Christophe Lagarde au Parisien. De quoi marquer un rapprochement avec LREM ?

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : A l'occasion d'une interview donnée au Parisien, Jean Christophe Lagarde a déclaré : "Il n'y aura plus d'alliance avec Les Républicains en tant que parti" dans le cas d'une élection de Laurent Wauquiez à la tête des LR. Un tel choix est-il réellement cohérent avec la structure de l'électorat de l'UDI ? Ne peut-on pas considérer que les électeurs de L'UDI, autrefois allié à Nicolas Sarkozy, pourrait être plus proche des LR que Jean Christophe Lagarde ne semble le considérer ?

Jérôme Fourquet :Effectivement, l'UDI est la réincarnation du centre droit et le lointain descendant de l'UDF qui, dans un jeu bipolaire tel que nous le connaissions par le passé a toujours fait alliance in fine avec la droite. Et donc, même si cet électorat de centre droit avait sur un certain nombre de sujets sociétaux ou sur la question de la construction européenne souvent des divergences d'approche par rapport à l'électorat de droite classique, cet électorat et ces élus finissaient toujours par faire alliance avec la droite y compris quand celle-ci avait opté pour un positionnement assez musclé ou assez droitier comme ce fut le cas par exemple en 2012 avec la campagne de Nicolas Sarkozy ou plus récemment en 2017 parce que sauf erreur, une bonne partie des UDI, de manière plus ou moins enthousiaste ont quand même fini par soutenir François Fillon. Historiquement, nous étions donc dans ce schéma-là, et là, ce que l'on entend, c'est que Laurent Wauquiez aurait un positionnement qui serait trop droitier, trop identitaire, notamment sur la question européenne et donc, c'est ce qui justifierait la rupture de l'alliance historique. Mais cette rupture que Jean Christophe Lagarde menace de prononcer s'explique aussi et d'abord, de notre point de vue, par la recomposition profonde du paysage politique à laquelle nous assistons depuis la présidentielle et l'émergence d'un vaste bloc central rangé derrière Emmanuel Macron.

En repoussant une telle alliance, Jean Christophe Lagarde se rapproche de LREM. Cependant, le parti d'Emmanuel Macron a-t-il réellement besoin de l'UDI alors qu'il peut déjà compter sur le Modem de François Bayrou, ou faut-il y voir une véritable poursuite de la recomposition politique en France ?

La déclaration de Jean Christophe Lagarde est bien évidemment liée à ce qui est en train de se produire chez LR, il faut donc attendre les résultats de ce dimanche soir, mais probablement que l'hypothèse d'une victoire de Laurent Wauquiez sera confirmée, mais il faut aussi l'analyser dans le cadre plus général de la recomposition globale du paysage politique français et de l'émergence de ce vaste bloc central avec un centre de gravité de la majorité présidentielle qui aujourd'hui penche quand même assez nettement du côté du centre droit. Se pose alors, pour Jean Christophe Lagarde la question stratégique du renversement d'alliance mais également celle du positionnement de l'UDI. A savoir, est ce que l'UDI doit rester autonome ou est ce qu'il s'agrège à autre chose, c'est toute la question qui leur est posée. Edouard Philippe, lors du Congrès de LREM, avait indiqué que la recomposition n'était pas terminée et il avait utilisé l'image d'une poutre de charpentier qu'il continuait de travailler. Je pense que cette métaphore était tout à fait justifiée et les propos de Jean Christophe Lagarde s'inscrivent pleinement dans ce schéma. Il y a une double menace ; l'éclatement de cet attelage qu'est l'UDI avec une composante qui s'appelle les radicaux valoisiens qui ont annoncé historiquement leur rabibochage et leurs retrouvailles avec leurs cousins éloignés des radicaux de gauche. Et là, c'est la "magie" macronienne qui a opéré puisque ces deux branches du plus ancien parti de France s'étaient scindées au début des années 70 sur l'autel de la bipolarisation, sont revenues ensemble et donc, du coup, cette composante qui appartenait à l'UDI se pose quand même la question du périmètre de l'UDI. Il y a ici cette menace de scission ou d'éclatement de la famille centriste. Et à côté de cette menace d'éclatement il y a aussi une menace de concurrence sur l'espace qui était attribué jusqu'à présent à l'UDI. Ce couloir lui est disputé aujourd'hui à la fois par Emmanuel Macron lui-même, qui mène une politique qu'un certain nombre de français considèrent être de centre droit, et ce, sans être un Président socialiste, mais cet espace est également disputé à l'UDI par d'autres acteurs qui sont les constructifs et ceux qu'on appelle maintenant les membres d'AGIR. Et éventuellement, à terme, peut être des personnalités assez pro-européennes comme Alain Juppé qui viennent des Républicains et qui pourraient, dans l'optique des européennes comme il en a fait la déclaration récemment ; être amenés à faire un bout de chemin ou à sceller une alliance avec Emmanuel Macron. Et dans ce cadre-là, si les anciens gaullistes passaient un accord avec Emmanuel Macron, l'UDI serait alors complètement prise en étau entre ces deux forces là. Le risque est donc éclatement ou confusion totale d'un espace qui serait complètement phagocyté par la recomposition en cours.

Dans ce cadre-là, l'élection de Laurent Wauquiez peut être une occasion à saisir pour l'UDI pour faire un pas supplémentaire vers un accord ou une alliance avec LREM.

Est-ce que LREM peut y avoir intérêt ? Pas forcément par un accord partisan en bonne et due forme parce que cela ressemblerait furieusement à l'ancienne politique mais je pense qu'ils vont travailler la bonne configuration qui permettrait à une partie de l'UDI d'entrer dans la galaxie macronienne. L'objectif d'Emmanuel Macron est, on le voit par exemple avec la décision d'en revenir à la circonscription unique pour les élections européennes, de passer à l'étape supplémentaire dans la recomposition politique, après avoir fracassé le PS et la droite, il faut aller plus loin et agréger tous les électrons libres qui se sont détachés des vieilles formations politiques et les rattacher autour du vaste bloc central qu'est le bloc présidentiel et qui va se dépeindre comme étant le bloc des réformistes et des européens. Dans ce schéma-là, on voit bien que l'UDI pourrait avoir vocation par exemple à se rallier et à faire liste commune avec LREM. L'objectif ultime, de mon point de vue, d'Emmanuel Macron, est de prendre acte de la persistance de forces protestataires sur sa gauche et sa droite qui pèsent à peu près chacune 20% des voix pour le Front national et la France insoumise, et d'être la force centrale entre ceux extrêmes avec un poids de 25 à 30% et davantage si possible autour duquel tous les autres partis seraient obligés de se positionner. Et donc de montrer qu'entre ce vaste bloc central réformiste, moderniste et pro-européen et les extrêmes, il n'y a rien. Dans ce cadre-là, on a besoin de toutes les bonnes volontés et notamment de celle de l'UDI même s'ils ne pèsent pas très lourd, tout cela fait partie de ce grand schéma. Quelque part, Emmanuel Macron applique la recette qui avait été théorisée par Alain Juppé qui, au moment de la campagne des primaires, avait dit que s'ils étaient d'accord avec certaines idées des réformistes de gauche, il fallait bien un jour se rassembler en "coupant les deux bouts de l'omelette". Nous sommes dans ce schéma là et l'UDI et les électeurs qui lui restent sont une des cibles qui sont convoitées par Emmanuel Macron qui agit par cercles concentriques pour élargir le pôle de sustentation de sa majorité.

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