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Florence Portelli : "Chez LR, le poids des ténors est assez faible : les militants se sentent très libres mais très déboussolés"
©LOIC VENANCE / AFP

Entretien politique

Candidate à la présidence des Républicains face à Laurent Wauquiez et Maël de Calan, la maire de Taverny explique à Atlantico que le parti a besoin d'être restructuré et démocratisé, et que ses militants et élus locaux doivent être mieux entendus.

Florence Portelli

Florence Portelli

Membre du parti Les Républicains, elle est maire de Taverny depuis 2014, conseillère régionale d'Île-de-France depuis 2015, vice-présidente de la communauté d'agglomération Val Parisis et présidente de l'orchestre national d'Île-de-France depuis 20162.
 
Porte-parole de François Fillon pendant la campagne électorale en vue de l'élection présidentielle de 2017, elle est candidate à la présidence du parti Les Républicains3 fin 2017
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Atlantico : Après une semaine de vrai-faux suspense, le remaniement gouvernemental intervenu suite à l'élection de Christophe Castaner a été annoncé vendredi soir. Que vous inspire-t-il ?

Florence Portelli : C'est un remaniement technique qui ne va rien changer à la vie de nos compatriotes. Ce que j'observe, c'est que tout ce ramdam a été fait parce qu'à l'origine, Christophe Castaner a pris la tête de la République en Marche, et qu'il y a été nommé par Emmanuel Macron lui-même. C'est un parti qui se prétend moderne mais qui finalement a les mêmes mauvaises méthodes que certains vieux partis.

L'une des raisons avancées par Christophe Castaner pour rester au gouvernement était notamment le fait que la fonction de délégué général de La République en marche était bénévole. Vous avez axé une bonne partie de votre campagne sur la lutte contre le copinage et sur la promotion de la méritocratie au sein des Républicains, considérez-vous qu'il est illégitime qu'un président de parti soit rémunéré pour cette fonction ?

Ce qui me gêne n'est même pas tellement qu'il reste au gouvernement, mais plutôt l'explication qu'il en donne : sans aucune gêne, on nous explique qu'il s'agit de questions lucratives. Pour un parti qui nous a donné des tas de leçons de morale pendant la présidentielle, qui prétendait proposer une nouvelle façon de faire de la politique, qui fustigeait les mélanges des genres, qui s'en prenait régulièrement aux élus locaux en parlant de moralisation de la vie politique ou de nombres de mandats, je vous avoue que je trouve ça franchement scandaleux.

L'actualité de la semaine a été marquée par le retrait le week-end dernier de François Fillon de la vie politique et par la sortie du livre de Patrick Stefanini - son ancien directeur de campagne- sur les dessous de sa défaite à la présidentielle. Vous avez déjà expliqué que vous ne trouviez pas très correct de se livrer à ce genre de confidences mais avez-vous eu l'occasion d'en parler avec François Fillon lui-même, comment vit-il ce double épisode ?

Je n'en ai pas parlé avec François Fillon lui-même, je pense qu'il est tellement blindé après ce qui lui est arrivé lors de la présidentielle que tout ça lui passe largement au-dessus. Mais attention, quand j'ai dit que je n'aimais pas trop le fait de livrer un homme aux médias, je ne parlais pas de Patrick Stefanini. La démarche qui est la sienne, je n'ai pas à la commenter. Dans mon cas, je ne souhaite pas revenir et commenter a posteriori une campagne qui fut douloureuse. J'ai été porte-parole, j'assume jusqu'au bout. Je n'ai ni envie de rentrer dans les commentaires, ni dans les règlements de compte ou autres velléités d'explication ou de compréhension de ce qu'il s'est passé.

Patrick Stefanini considère que les erreurs du candidat et sa personnalité expliquent largement sa défaite. Pensez-vous pour votre part que François Fillon aurait pu gagner s'il avait été plus soutenu par la droite pendant la présidentielle et par ailleurs qu'il aurait été plus soutenu par la droite s'il avait gagné la primaire sur une ligne différente ? Dit autrement les chapeaux à plume de la droite ont-ils profité des affaires pour régler son compte à une ligne politique que finalement ils ne partageaient pas ?

Je pense que la défaite est liée à énormément de facteurs. Il y a notamment le feuilletonnage des affaires en pleine campagne. Il y a le fait que ces affaires soient apparues sur le devant de la scène au début du mois de janvier. Mais il est vrai que j'ai pu observer dès la victoire de la primaire que des écuries de droite ne soutenaient pas réellement le candidat à la présidentielle, et c'est quelque chose qui a pesé. Il y a aussi des thématiques qui ont été utilisée contre le candidat Fillon par des membres de son propre camp et cela ne lui a pas fait du bien.

Si François Fillon dont vous avez été la fidèle porte-parole jusqu'à la fin de la campagne vous avait fait un coup comme celui qu'Alain Juppé fait en quelque sorte à Maël de Calan en lui glissant des peaux de banane sous les pieds en évoquant à la fois ses envies d'un grand mouvement central et ses affinités avec En Marche, qu'auriez-vous fait ?

Je ne sais pas, parce que justement, François Fillon n'est pas Alain Juppé. Moi je ne demande rien à personne, ce qui me permet de rien devoir. Les règlements de compte entre Maël de Calan et Alain Juppé les regardent. J'ai une relation pour ma part qui reste affectueuse, fidèle et amicale avec François Fillon. Je ne cherche pas à l'instrumentaliser pour ma campagne, je suis libre. Et je ne suis pas dans ce type de rapports, et tant mieux.

Il se dit beaucoup que Nicolas Sarkozy tente en coulisses d'influencer la campagne au sein des Républicains et qu'il chercherait à éviter que Laurent Wauquiez soit trop puissant : avez-vous rencontré l'ancien président de la République ?

Oui, je l'ai rencontré à la fin du mois d'août, mais ce n'est pas l'impression qu'il m'a donnée. Il a eu un propos général sur Les Républicains, mais n'a pas spécifiquement parlé de Laurent Wauquiez ou de qui que ce soit. Nous avons un peu parlé de ce qui s'était passé lors de la campagne présidentielle, mais surtout de l'avenir des Républicains de manière durable. Il y a des gens qui aiment bien commenter les bruits de couloir et d'autres qui aiment bien faire croire qu'ils ont l'oreille d'un prince en donnant des informations qui ne sont pas toujours vraies. Je ne sais donc pas si c'est vrai, mais ce que je sais c'est qu'il est très difficile d'influencer les militants des Républicains aujourd'hui. Le poids des ténors est finalement aujourd'hui assez faible : les militants se sentent très libres, mais aussi très déboussolés. Beaucoup ont un sentiment d'abandon assez fort. Quand on fait le tour des fédérations, on entend beaucoup de personnes dire qu'ils se sentent laissés pour compte. Et s'il y a eu des petits arrangements entre amis, cela n'ira bien sûr pas jusqu'à influencer les votes des militants, je ne le crois pas.

Vous martelez pendant les meetings que vous souhaitez que les Républicains se choisissent une ligne et pas un candidat à la présidentielle et la ligne que vous portez est inspirée du fillonisme, du séguinisme et du gaullisme social. Projetée sur des enjeux concrets comme l'Europe, la réforme de la zone euro, la politique de la BCE, la renégociation ou non de certains traités de libre-échange par exemple, ça donne quoi ?

Il y a plusieurs choses dans votre question. Tout d'abord il y a le choix de ne pas être candidate à la présidentielle. Nous avons un parti qui a besoin d'être restructuré, qui a besoin d'être démocratisé – ce qui n'est clairement pas le cas aujourd'hui. Les militants ont besoin d'être entendus, tout comme les élus locaux. Et les parlementaires ont besoin de savoir quelle ligne nous comptons tenir pour pouvoir faire leur job. Effectivement, ces trois exigences-là ne sont pas réunies. Pour qu'on prenne du temps pour cela, il ne faut pas un candidat à la présidentielle sinon le parti servira encore de marchepied au candidat qui a une ambition personnelle, au détriment des militants, élus locaux et parlementaires.

Après le programme de François Fillon, le gaullisme social et le séguinisme, cela consisterait au niveau européen à défendre un euro-réalisme. On ne peut revenir à ce qui était avant Maastricht, c'est une réalité, mais en même temps je souhaiterai que la politique soit aux manettes de l'Europe et que la France ait son poste de commandement. Pour qu'elle puisse le faire, il faut qu'elle réaffirme un leadership. Et pour affirmer un leadership, il faut que la France soit exemplaire et audible. C'était justement le propos de François Fillon : quand on continue de donner dans l'irresponsabilité fiscale, quand on est le mauvais élève de l'Europe parce qu'on ne fait pas les réformes nécessaires, on n'est pas audible. Le programme de François Fillon est pertinent pour nous permettre de porter la voix de la France au niveau européen.

Et pour tous les projets dont vous m'avez parlé, j'aimerais que les politiques soient désormais en première ligne, notamment quand il s'agit de négocier des traités commerciaux. Il y a peu de temps nous avons négocié des accords extrêmement importants, et quand les Américains et les Canadiens nous envoyaient leurs politiques, nous envoyions aux négociations des personnes des Commissions. Il faut aussi qu'ils s'intéressent plus aux jurisprudences. Une grande partie du droit communautaire et européen est fait dans des tribunaux – pour le droit européen à la Cour européenne des droits de l'homme et pour le droit communautaire au sein de la Cour de Justice de l'Union européenne. Il faut que les politiques viennent à Bruxelles pour faire du droit, et pas du lobbying dans les Commissions.

Et il faut donner plus de place à nos parlementaires au sein du Parlement européen. Alors nous avons des parlementaires admirables, qui font un travail formidable, mais on en a d'autres qui sont certainement admirables pour d'autres raisons mais qui ne sont pas là parce qu'ils ont vocation à défendre les intérêts de la France au sein de l'Europe. On les a juste casés là, pour X raisons. Il faut donc aussi être beaucoup plus sévère sur les investitures au Parlement européen, pour qu'ils puissent porter la voix de la France à Bruxelles.

Vous faites en outre des questions de fractures sociales et territoriales l'un de vos principaux axes de campagne. Êtes-vous en phase avec les revendications affichées par François Baroin cette semaine lors de l'assemblée générale des maires de France ? Et quelles sont les mesures prioritaires qui devraient être prises selon vous ?

Je suis très en phase avec François Baroin, puisque j'ai été élu au bureau de l'AMF à ses côtés. Je le suis dans sa défense des élus locaux. Je suis moi-même élue locale : je suis maire et conseillère au Conseil régional d'Ile-de-France auprès de Valérie Pécresse. Je suis très inquiète parce qu'annonce le gouvernement. Quand on explique par exemple sur les questions de taxes d'habitation que le gouvernement va se substituer au contribuable pour financer les collectivités territoriales, c'est juste une vaste blague. Je ne sais même pas comment l'État va répondre aux nouvelles exigences de la commission en termes de réduction du déficit. On n'a pas d'argent, on ne sait pas où le trouver, et en plus on parle de supprimer la taxe d'habitation. C'est complètement irréaliste. Et cela risque de se faire au détriment des collectivités locales.

Deuxième chose qui nous inquiète : on assiste à une main mise de l'État au détriment du principe d'autonomie des collectivités territoriales. Si je suis présidente des Républicains, je continuerai le combat que je mène au sein de l'AMF au sein des Républicains pour défendre les élus locaux, je serai en première ligne contre Emmanuel Macron et une politique qui est finalement la politique de Bercy contre les territoires et qui est très inquiétante parce qu'elle risque justement de renforcer les fractures territoriales.

Sur le terrain, comment les militants LR que vous croisez vous parlent-ils d'Emmanuel Macron ? Les sondages montrent que le président de la République séduit de plus en plus au sein de l'électorat de droite mais qu'est ce qui - dans ce que vous entendez - continue à les séparer de lui ?

Quand je fais ma campagne, je rencontre des militants adhérents qui sont surtout préoccupés par l'avenir de la droite. Ils ont un désir de droite, de présence de notre mouvement politique et c'est avant tout cela qui les anime. Pour le moment, Emmanuel Macron suscite beaucoup de questions.  Il a eu évidemment des positions courageuses : on ne va pas lui enlever le fait qu'il a réformé le code du travail, ce que la droite n'a pas été capable de faire pendant des décennies, ou la loi anti-terroriste qui à mon avis pour nous gens de droite va dans le bon sens, objectivement.

Après il reste les questions du régime des indépendants, de la hausse de la CSG, du rapport aux collectivités, de sa vision des territoires, de l'Europe parce qu'il souhaite plus d'élargissement, de la laïcité ou du droit des femmes qui pour moi est un sujet très important parce qu'il existe des territoires de la République où une femme n'a même plus le droit de se promener en jupe… Bref il y a énormément de sujets sur lesquels la droite a un discours à porter, et où Emmanuel Macron n'a rien à dire.

Une élection n'est jamais gagnée ni perdue d'avance mais un score à l'élection qui ferait une vraie différence pour le parti même sans gagner, ce serait combien ?

Je n'envisage pas de perdre, donc votre question ne se pose même pas.

En cas de défaite et dans la mesure où Laurent Wauquiez n'est pas réputé pour sa grande aménité à l'égard de ses ennemis, resterez-vous chez Les Républicains ?

Mon appartenance au parti Les Républicains ne dépend pas de Laurent Wauquiez ! Je suis aux Républicains depuis sa création, j'ai croisé Laurent Wauquiez au bureau politique et cela n'a en rien changé mon appartenance au parti. Ce n'est pas la présence de Laurent Wauquiez, qui était numéro 2 du parti jusque là qui m'a empêché de mener ma vie en tant que porte-parole de François Fillon ou en tant que porte-parole aux législatives aux côtés de François Baroin. Mes positions, mon appartenance à la droite sociale et séguiniste ne dépendent ni de Laurent Wauquiez ni de qui que ce soit. Je n'ai pas besoin de lui pour être dans le parti et travailler avec les militants.

Mais encore une fois, je vous rappelle que j'ai des chances de gagner. 6000 parrainages en quelques semaines, ma campagne se passe très bien, et je vous rappellerais aussi qu'on annonçait à François Fillon qu'Alain Juppé allait gagner la primaire…

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