"Contrairement aux Touaregs du Mali, le peuple touareg dans son ensemble ne veut pas d'Etat indépendant"<!-- --> | Atlantico.fr
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"Contrairement aux Touaregs 
du Mali, le peuple touareg 
dans son ensemble ne veut pas 
d'Etat indépendant"
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Coup d'Etat

Le groupe islamiste armé touareg Ansar Dine (Défenseur de l'Islam) a pris ce lundi le contrôle de la ville de Tombouctou, au Mali, et en a chassé d'autres rebelles touaregs, ceux du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA). Entre luttes d'influences et terrorisme, les rebelles touaregs placent leurs pions.

Rhissa Ag Boula

Rhissa Ag Boula

Rhissa Ag Boula est un homme politique touareg du NigerLeader historique de la rébellion de 1990-1995 il est retourné dans la clandestinité de 2007 à 2009, avec le MNJ (Mouvement des Nigériens pour la Justice).  Le 29 Mars 2010 il est arrêté à Niamey. Amnistié, il est élu en 2011 conseiller régional d’Agadez pour un mandat de 4 ans, et en septembre 2011 nommé conseiller du Président de la République, Mahamadou Issoufou.

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Atlantico : Au Mali, les "hommes bleus" se sont emparés du nord du pays et on provoqué indirectement un coup d'Etat. Par deux fois, vous avez pris les armes pour faire entendre la voix des Touaregs, pouvez-vous nous dire quelles sont les revendications des Touaregs ?

Rhissa ag Boula : Depuis les années 1990, les Touaregs veulent être pris en compte dans la conduite des affaires de l’Etat et dans le système économique. Depuis les années 1960 et les indépendances, ce peuple nomade a été en marge de toutes les décisions nationales des Etats concernés (Mali, Algérie, Niger, etc.). Les Touaregs veulent juste être pris en compte dans un pays sur tous les plans : culturel, économique et politique.

On se rend compte aujourd’hui qu’il y a un groupe de Touaregs au Mali qui rêve d’une indépendance. Ceci n’a pourtant jamais été un souhait de l’ensemble des Touaregs. Il ne faut pas que les Touaregs soient indépendantistes même si l’idée d’un pays Touareg a été caressée à l’époque coloniale. Au moment des indépendances, certains chefs Touaregs avaient aussi exigé –en vain– de ne pas être rattachés aux pays qui devenaient indépendants comme le Mali et le Niger. Mais cela s'était alors arrêté là.

Selon vous, la revendication d'un Etat touareg par vos frères maliens est une erreur ?

Il faut être réaliste. Aujourd’hui, par le fait colonial, les Touaregs se retrouvent sur cinq à six pays ! On ne peut pas regrouper tout cet ensemble en enlevant du territoire à tous ces Etats voisins. Le peuple Touareg est scindé depuis des décennies et les Touaregs de Libye ou du Mali n’ont plus du tout les mêmes préoccupations que les Touaregs d’Algérie ou du Niger. C’est pourquoi, en tant qu’intellectuels touaregs, nous disons qu’un Etat Touareg n’est pas viable.

Pourtant au Mali, c’est ce que le MNLA (Mouvement de libération national de l'Azawad) exige…

Oui, il veut un Etat touareg… Mais à côté, vous avez un autre groupe qui, lui, veut un califat islamique. Ces revendications ne sont celles que d’une petite partie des Touaregs seulement. Les Touaregs du Mali ne représentent même pas 20% d’entre nous !

Il se dit que les Touaregs du Mali – dont certains servaient en Libye – sont épaulés par Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique). Qu'en est-il vraiment ?

Je ne crois pas que le MNLA soit appuyé par AQMI mais par un groupe touareg qui se réclame du salafisme. AQMI, c’est Al Qaida. Certains Touaregs sont salafistes, comme les Frères musulmans en Egypte, par exemple. Mais ce ne sont pas des terroristes. Jusqu’à preuve du contraire.

Mais quand on est salafiste et armé, ne se rapproche-t-on pas de la définition d’un terroriste ?

Non pas forcément. Et de même, comme en Tunisie, les salafistes qui n’ont pas d’armes n’ont pas forcément abandonné leurs idéaux. Dans tous les cas, le terrorisme n’est pas du tout un positionnement défendable au sein de notre communauté. Ces salafistes sont un groupe marginal.

Les Touaregs maliens ont pris Tombouctou. Quel est leur objectif ?

Tombouctou fait partie des villes qu’ils revendiquent. Ils n’iront pas jusqu’à Bamako. Mais maintenant les vrais ennuis commencent : comment vont-ils faire un Etat ? Nous attendons de voir comment ils vont s’entendre car au sein même du MNLA, tous ne sont pas indépendantistes ni salafistes. Et le reste du peuple Touareg n’est pas d’accord avec eux ! Cette guérilla ne portera ses fruits qu’une fois que l’Etat malien sera sauvé et qu’il prendra en compte certaines revendications du MNLA. En échange, les Touaregs enterreront leurs armes.

Combien de personnes ce groupe représente-t-il ?

C’est dur à dire car c’est de la guérilla. Tout le monde participe, prend un fusil, va au combat et retourne à ses occupations. On compte environ un millier d’hommes.

Etes-vous favorable à une intervention internationale au Mali ?

Ce serait très dangereux. Si la CEDEAO (La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'ouest) ou la communauté internationale interviennent militairement, cela va internationaliser le conflit. Ce serait très dangereux et absolument illégitime car lorsque la douleur atteint un certain niveau, tous les Touaregs (et pas seulement au Mali) entreraient dans la danse. On doit éviter que le conflit s’étende dans notre région. On doit trouver une solution via la négociation et la réconciliation.

C’est justement la négociation qui vous a amené de la rébellion au gouvernement nigérien, dont vous conseillez aujourd’hui le président. Ce dernier vous demande-t-il conseil sur la rébellion malienne ?

Evidemment ! Nous sommes inquiets depuis l’intervention en Libye. Nous l’avons déjà exprimé. Nous sommes très inquiets car à présent la guerre se passe à côté. Nous avons 30 000 réfugiés maliens sur notre territoire.

 Propos recueillis par Antoine de Tournemire

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