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« Embedded tourism » : une nuit dans un bidonville, ça vous tente ?
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Zone franche

Un bidonville Rom de Seine-Saint-Denis accueille désormais des vacanciers en service hôtelier. Du « tourisme embarqué en milieu précaire », explique-t-on.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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J’ai parfois tendance à me prendre pour un bobo de compétition, avec mes pénates rue Oberkampf, mes légumes bios made in AMAP ou le vélo qui me sert d’auto, mais je viens pourtant de prendre une sacrée leçon de vie : le bobo ultime, le dur, le tatoué, c’est désormais celui qui passe ses vacances dans un bidonville Rom du 9-3 et trouve ça tout simplement formidââble...

En apprenant, dans le Parisien d’hier, qu’il existait un truc pareil ― un hôtel en tôle ondulée dans un camp de fortune, sans eau courante (la toilette se fait avec deux bassines, l’une pour le haut du corps, l’autre pour le bas) mais à 40 euros la nuit ―, j’ai d’abord pensé à un canular du premier avril. C’est vrai ça, les journaux aiment bien sortir des énormités dans ce genre le jour de la saint Hugues et je les en remercie généralement mais là, c’était presque trop...

Renseignements pris, ce n’est pas un poisson du tout mais bien le moyen, pour un progressiste innovant, de démontrer son ouverture d’esprit et son goût pour les chemins de traverse en testant les conditions de vie de familles misérables à quelques kilomètres du centre de Paris pour mieux s’émouvoir de leur gentillesse et de leur simplicité.

Bon, ce n’est pas exactement présenté comme ça par les initiateurs du bidule, évidemment, mais le côté « à la recherche du bon sauvage rousseauiste » est tellement gênant qu’on ne sait pas s’il faut se marrer ou se mettre en colère. Peut-être les deux. Non, en fait, c’est présenté comme un « moyen de vaincre les préjugés » et l’équivalent des « journalistes embedded qui intègrent les troupes de combat ». Des hôtels comme ça, il en existe d’ailleurs déjà trois autres en Europe, dont deux en Allemagne et un au Kosovo dans un camp de réfugiés.

Si encore le préjugé à vaincre était que vivre dans un bidonville sans eau courante dans la banlieue de l’une des métropoles les plus riches au monde, c’est acceptable, on pourrait presque adhérer au concept. Mais pas du tout : ici, on parle presque d’un mode de vie plaisant, dans un camp propre et « sans ferraille ni détritus », où les arbres sont en fleurs et les oiseaux chantent. Bruno, le client « polytechnicien » rencontré par la journaliste du Parisien, a l’air « frais, reposé et émerveillé » :

« On est à Paris, là. Vous le croyez ? J’ai rarement eu un tel accueil » sourit ce passionné de voyages qui a découvert cette adresse pour le moins insolite par un article de presse. C’est tout ce que j’aime en termes d’authenticité et de rencontres improbables avec des gens qui ont le cœur sur la main. Dire qu’un peu plus, je passais ce temps précieux dans un hôtel aseptisé, comme il en existe des centaines, des lieux sans identité ».

Formidââble, on vous dit.

A Bruno, on a envie de signaler qu’il existe aussi d’excellentes prisons-hôtels de par le monde, où l’on ne peut malheureusement toucher du doigt la réalité de la condition carcérale puisque les prisonniers véritables ont été remplacés par des serveurs et des femmes de chambres. Il y a même des agences qui organisent des voyages touristiques dans des pays en guerre, où l’on peut voir de vrais morts ou de vrais blessés. Parfois, même des Roms, d’ailleurs.

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