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Procès de Georges Bensoussan : "Comment l'Etat qui combat militairement le terrorisme islamiste peut-il poursuivre en justice le combat contre le terrorisme idéologique ?"
©Capture d'écran

Bonnes feuilles

Le 25 janvier 2017 s’ouvrait devant la justice de la République le procès d’un historien pour « délit de provocation à la discrimination, la haine, la violence à l’égard d’un groupe de personnes à raison de l’appartenance à une religion déterminée ». Qu’avait-il dit pour mériter cela ? Il avait évoqué, dans le feu d’un débat radiophonique, l’antisémitisme violent et banalisé, qui peut conduire au meurtre, véhiculé très tôt dans des familles de culture arabo-musulmane. Pour avoir osé dire cette réalité que l’actualité reflète avec toujours plus de dureté, il fut traîné devant les juges, calomnié, injurié. Derrière l’épreuve personnelle vécue par un intellectuel, c’est en fait le procès du réel qui eut lieu. Extrait de "Autopsie d'un déni d'antisémitisme: Autour du procès fait à Georges Bensoussan" publié aux éditions L'Artilleur (1/2).

Jacques Tarnero

Jacques Tarnero

Jacques Tarnero, philosophe et essayiste, est un chercheur à la Cité des sciences et de l'industrie à Paris et documentariste français. Il s'est spécialisé dans l'étude du racisme, de l'antisémitisme et l'Islam.
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Comment l’Etat qui a été agressé par l’islamisme terroriste peut-il faire procès à un historien qui en dévoile les soubassements idéologiques ? Comment le même Etat qui combat militairement le terrorisme islamiste peut-il poursuivre en justice le combat contre le terrorisme idéologique ? Comment la justice française peut-elle poursuivre un chercheur qui révèle la profondeur des sources antijuives présentes dans la pensée commune arabo musulmane ? Comment ignorer que le terrorisme islamiste plonge ses racines dans ces stéréotypes ? Comment des associations antiracistes peuvent-elles être myopes au point de se porter parties civiles aux côtés d’une association qui détourne à son profit ce concept faux d’islamophobie ? Depuis quand le rejet d’une religion ou d’une idéologie relève-t-il d’une attitude raciste ? Comment peut-on être aveugle, au point de ne pas percevoir cette manipulation sémantique ? Quel est ce déni idéologique qui interdit de voir le réel ? Quel est ce contre-sens intellectuel qui s’est opéré le 25 janvier devant la 17e chambre correctionnelle du palais de justice de Paris ?

Inculper une métaphore ne disculpe pas du réel

La justice française ne badine pas avec les figures de style. Pour avoir paraphrasé une citation, pour avoir utilisé une métaphore, l’historien Georges Bensoussan comparaissait le 25 janvier devant la 17e chambre correctionnelle, pour « provocation à la haine raciale ». C’est à la suite du signalement fait auprès du Procureur de la République par le CCIF que celui-ci a décidé de poursuivre Bensoussan. Plusieurs autres associations antiracistes (LICRA, MRAP, LDH, SOS Racisme) se sont jointes au CCIF et se sont donc aussi portées partie civiles.

Cette audience de douze heures devant la 17e chambre correctionnelle est à marquer d’une pierre noire : la justice fit procès, au nom de l’antiracisme, à un historien ayant dénoncé par ses travaux, l’antisémitisme. On retiendra ce moment symbolique : ce Durban sur Seine, en tous points semblable à ce qui s’est déroulé l’été 2001, à Durban, en Afrique du Sud, lors d’une conférence de l’ONU, censée dénoncer le racisme et où des «mort aux Juifs» furent scandés au nom de l’antiracisme. Cette agonie de la lucidité, surtout drapée dans les vertueux habits de la justice et de la vérité, signifie une effroyable défaite intellectuelle, morale et politique. Les derniers mots de Georges Bensoussan, à la fin de l’audience, ont donné à ce moment toute l’intensité symbolique : «Ce soir, Madame la présidente, pour la première fois de ma vie j’ai eu la tentation de l’exil.» On ne saurait mieux dire l’accablement ressenti car il était déjà minuit passé dans ce siècle qui commence.

Du début de l’après-midi jusqu’à une heure du matin, ce fut un concentré des mauvaises passions de l’époque qui fut exposé, trituré, contesté, plaidé. «L’antisémitisme n’est pas une pensée, c’est une passion.», ces mots de Sartre conservaient toute leur pertinence au Palais de justice. De ces passions toujours vives, cette audience en fut le miroir, le révélateur. Toute l’œuvre de l’historien Georges Bensoussan a consisté à démasquer, à révéler, à mettre à jour, à raconter l’antisémitisme. Directeur éditorial de la revue d’histoire de la shoah, Bensoussan fouille depuis trente ans les labyrinthes multiples de cette passion. Mais ce que Bensoussan ne savait peut-être pas c’est qu’il existait en France, en 2017, des interdits de penser. On étudie l’antisémitisme nazi, on étudie celui du stalinisme, on étudie, prudemment, celui du communisme, mais, par contre, parler librement de l’antisémitisme issu du monde arabo-musulman reste un tabou majeur dans notre République des lettres. «Pas d’amalgame», «islamophobie», les injonctions ne manquent pas pour censurer tout regard critique, tout constat raisonné de ce qui ravage la culture commune d’une grande partie de la jeunesse «issue de la diversité» dans les «quartiers difficiles». Les euphémismes sont indispensables pour ne pas oser nommer ces territoires occupés dans la République, ceux qui ont été désertés par les familles juives pour mettre leurs enfants à l’abri des menaces et des insultes antisémites. Ces euphémismes sont la règle obligée du discours pour ne pas nommer les choses et il faudra attendre que Mohamed Merah tue des enfants juifs parce qu’ils sont Juifs pour qu’enfin on prenne la mesure de cet aboutissement. On a cru un temps au sursaut de l’immense manifestation du 11 janvier où tout le monde fut «Charlie», c’était sans compter avec la Nuit Debout des cervelles éteintes.

Bensoussan était jugé pour avoir dit explicitement que la haine antijuive, en France, avait muté, qu’elle n’était plus le fait exclusif de l’extrême droite nazifiante et de ses épigones et qu’elle se manifestait aujourd’hui de manière particulièrement vivace dans les mentalités arabo-musulmanes. Pire, il aurait suggéré que cette haine antijuive était profondément inscrite dans la culture de ces populations. Pour certains, cet état de choses ne peut être vrai, cette parole ne doit pas être dite. Elle serait une affabulation, bien plutôt elle obéirait à une obsession idéologique de Bensoussan, celle d’un projet destructeur du récit enchanté du «vivre ensemble» judéo arabe ou judéo-musulman. C’est bien connu. Depuis Mohamed Merah, depuis le Bataclan et l’hyper casher, ce ‘vivre ensemble’ s’épanouit de jour en jour. C’est donc pour réinjecter l’espoir et la fraternité dans la République, que le MRAP, la LICRA, SOS Racisme, la LDH se sont associés au CCIF, pour poursuivre devant la 17e chambre correctionnelle, ce pourvoyeur de haine, ce raciste voilé, nommé Georges Bensoussan.

Extrait de "Autopsie d'un déni d'antisémitisme: Autour du procès fait à Georges Bensoussan" publié aux éditions L'Artilleur

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