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Pourquoi le secours de l'État
est indispensable pour favoriser
la croissance
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Prospérité économique

Pour Jean-Marc Daniel, la crise actuelle est une fausse crise et la croissance ne dépend que d'une nouvelle régulation du système économique international. C'est aux politiques encore plus qu'aux économistes d'agir. Extraits de " Ricardo, reviens ! Ils sont restés keynésiens" (2/2).

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel

Jean-Marc Daniel est professeur à l'ESCP-Europe, et responsable de l’enseignement de l'économie aux élèves-ingénieurs du Corps des mines. Il est également directeur de la revue Sociétal, la revue de l’Institut de l’entreprise, et auteur de plusieurs ouvrages sur l'économie, en particulier américaine.

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Redéfinir le rôle des divers éléments de la politique économique, c’est d’abord, pensons-nous, revoir les moyens de favoriser la croissance. La politique keynésienne alchimiste n’a d’autre moyen pour soutenir la croissance que d’accroître le déficit budgétaire. Pour qu’une telle politique soit le plus indolore possible, elle s’accompagne d’une pression permanente sur la banque centrale en faveur de bas taux d’intérêt dans le but clair de limiter la charge d’intérêt dans le budget de l’État. Puisque, selon nous, il s’agit là d’un mésusage des instruments de la politique économique, il faut trouver une autre façon de dynamiser la croissance. [...]

Dans la logique cyclique, nous avons indiqué que ce qui, dans le comportement des entreprises, explique l’apparition d’un cycle est leur gestion de l’investissement. Si l’on revient plus précisément au texte du chapitre XXII de la Théorie générale de Keynes, qui est à nos yeux ce qui doit être sauvé de son œuvre abondante et souvent contradictoire, on doit affiner cette affirmation et retenir que le cycle est dû à un double comportement des entreprises : leur déstockage et la baisse de leurs investissements. Dans l’économie moderne, la réponse de l’État est la gestion en stabilisateur automatique d’abord et une éventuelle réponse aux caractéristiques modernes du déstockage.

Sur le stabilisateur automatique, nous avons déjà indiqué la marche à suivre ; les deux mesures immédiates à prendre en France, une fois le déficit structurel ramené à zéro, seraient de réduire l’impôt sur les sociétés à un taux uniforme de 15 % et de remplacer les impôts indirects par une taxe carbone significative. Sur le processus de déstockage, il faut intégrer dans la réaction possible de l’État le fait que les stocks changent de nature avec l’évolution de l’économie. Dans l’économie agricole, les stocks sont périssables et leur gestion joue essentiellement sur les prix. Dans l’économie industrielle, les stocks sont des biens durables et leur destin se fait à long terme, avec comme conséquence ultime pour une entreprise qui ne peut s’en débarrasser la disparition même. Dans les économies modernes de l’immatériel, les stocks relèvent de la gestion des performances créatrices des hommes. Autrefois, les stocks et les cycles enchaînaient et suscitaient des périodes d’inflation et de déflation ; puis, dans l’économie industrielle, ils ont créé des accumulations ou des pénuries d’objets. Maintenant, cette gestion des stocks se traduit par un transfert de la volatilité économique vers l’emploi des créatifs. Pour l’État, cela signifie que la réponse au cycle doit compléter les stabilisateurs automatiques par une politique de l’emploi axée sur deux thèmes : une grande flexibilité sur le marché du travail pour que la gestion des stocks, qui prend ici la forme d’une gestion des savoir-faire, soit la plus fluide possible ; une amélioration permanente de la qualité de la main-d’œuvre en menant une politique systématique de formation. Le dernier élément qui relève de l’État, et dont nous avons déjà parlé, est la pression positive qu’il peut et doit exercer sur les entreprises et qui passe par la concurrence.

Pour favoriser la croissance, qui doit être l’objectif de toute politique économique, il faut donc que l’État assume durablement une politique ayant quatre vecteurs : une gestion des finances publiques en stabilisateurs automatiques à partir d’une situation de déficit structurel nul ; une refonte du code du travail dans le sens d’une très grande flexibilité ; une politique de formation exigeante et généralisée sur la durée de vie de la population active ; une politique de concurrence systématique visant à briser les rentes et à favoriser l’investissement.

En ce qui concerne la banque centrale que la France partage avec d’autres pays, notamment l’Allemagne et l’Italie[1], il convient d’affirmer haut et fort que le rôle d’une banque centrale moderne est d’agir contre l’inflation et en faveur de la croissance comme prêteur en dernier ressort. Définir les missions de la banque centrale européenne suppose d’en faire le refinancer pleinement assumé de la croissance à long terme. C’est-à-dire que son rôle doit désormais être sans équivoque, à savoir que la BCE est là pour refinancer le système bancaire quand il crée une monnaie créatrice de richesse. Dans la crise actuelle des dettes publiques en Europe, il doit être clair pour tous que la BCE, à l’instar de la Bank of England, fera le nécessaire pour éviter le défaut d’un État. Mais, simultanément, il doit être admis par tous les États européens que leur politique budgétaire, quel que soit le nom que l’on donne aux règles retenues, doit répondre aux exigences du cycle que nous avons énoncées ci-dessus. Et il doit être admis également que l’activité bancaire est une activité commerciale qui en tant que telle doit conduire à la disparition par faillite des incapables.

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Extraits de Ricardo reviens ! Ils sont restés keynesiens, BOURIN EDITEUR (15 mars 2012)


[1] Ces trois pays représentent 66 % du PIB de la zone euro. La France et l’Allemagne en représentent 50 %.

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Extrait de Ricardo reviens ! ils sont restés keynesiensBOURIN EDITEUR (15 mars 2012)

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