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Changer le monde : mais pourquoi les Raquel Garrido, Thomas Thevenoud et autres Cahuzac sont-ils incapables de tirer les conclusions politiques des difficultés qu’ils rencontrent à titre personnel ?
©Reuters

Cotisations non payées

On constate, par une révélation du Canard Enchaîné, que Raquel Garrido n'aurait pas payé ses cotisations retraite depuis six ans. Une fraude qui nous rappelle bien sur d'autres épisodes, l'affaire Cahuzac évidemment ou encore Thomas Thévenoud et sa "phobie administrative".

Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Atlantico : Pourquoi ces politiques, qui ont les clés entre leurs mains et qui constatent eux même la lourdeur administrative française, ne tentent pas de changer les choses ?

Aurélien Véron : Paradoxalement, un grand nombre d’élus sont des technocrates négligents. Ils aiment la complexité car ils en vivent. Mais ils sont bien incapables de se l’appliquer à eux-mêmes. Ils votenttrès régulièrementdes mécanismes complexes et des taxes nouvelles dont ils s’affranchissent avec tout autant de facilité. Ils renforcent la répression routière mais demandent à leurs chauffeurs de rouler à tombeau ouvert lors de leurs déplacements. Peut-être trouvent-ils un plaisir narcissiqueà inventer des mécanismes délirants, àcontrôlerles vies de leurs concitoyens et dans l’abus de leur petit pouvoir sur la société.

Certes, ilsne sont pas entièrement responsables de leur obsession bureaucratique. La plupart ne connaissent que l’univers de la fonction publique et du pouvoir. Les notions de performance, de benchmark et de concurrence son absentes de leur logiciel intellectuel. Le recours aux experts de Bercy est une tentation permanente et une source inépuisable de mécanismes fiscaux infernaux. Mais tout ceci resterait modeste sans l’inventivité de l’ENA, inégalée au niveau mondial dans la conception d’usines à gaz fiscaleset règlementaires. Un énarque peut vous livre un texte tellement sophistiqué qu’aucune administration – pourtant technocratique par leur nature même - ne saura comprendre et mettre en œuvre naturellement.

Le rêve d’une simplification administrative a brièvement surgi sous François Hollande sous l’impulsion de Thierry Mandon guidé par Guillaume Poitrinal, issu du secteur privé concurrentiel. Ce dernier s’est vite lassé en découvrantles blocages inhérents au mondepolitique, le second a été rapidement enterré au secrétariat d’Etat à la Réforme de l’Etat – on ne rit pas – et à la Simplification. Fin de l’histoire.

Aussi virulents soient-ils à imposer leur joug aux Français, ces technocrates n’en restent pas moins négligents quand il s’agit de s’appliquer à eux-mêmes les principes qu’ils imposent avec toute la force de leur apparente conviction.Combien licencient leurs assistants sans respecter le droit du travail - dont ils ne savent rien ou si peu -, appellent l’ambassade du Qatar pour se faire offrir des vacances, s’octroient à eux et à leurs proches de beaux logements de fonction ou le gratin des HLM, oublient de régler leurs factures, leurs cotisations retraites, leurs impôts parfois. Et parfois laissent leurs enfants se comporter impunément en sauvages.

Les premiers à exiger une transparence totale – bancaire, patrimoine, messagerie, portables -de la part des citoyens sont aussi ceux qui refusent de fournir le moindre justificatif de leurs revenus, de leur patrimoine et de leurs dépenses remboursées par l’Etat. Pour eux, l’argent public et les moyens de l’Etat sont un dû.

Le pire, c’est que ceux qui se comportent de la sorte n’estiment pas qu’il s’agisse là de corruption mais seulement d’un ensemble d’usages convenus. La culture du pouvoir reste celle des privilèges, de l’exonération du droit commun et même, parfois, du droit de cuissage. Comme si la nuit du 4 août n’avait jamais eu lieu.

Généralement, le concerné nie ou triche pour se disculper, même quant tout l'accable. Pourquoi aucun n'assume? Ne serait-ce pas plus efficace pour retourner l'opinion publique ?

Jusqu’à l’arrivée des réseaux sociaux, la plupart de ces histoiresrestaient enfouies. Les politiques s’y étaient habitués et persistaient à espérer que leurs dérapages passeraient inaperçus ou seraient rapidement oubliés. Rien ne sortait – ou si peu - de l’univers feutré du monde politique… et journalistique. Ces pratiques malsaines rythmaient la carrière de la plupart desgrands élus, de la distribution arbitraire d’argent non déclaré – les fameuses caisses noires - à celle du mobilier national et des œuvres d’art contemporain acquises par l’Etat. Avec la complicité silencieuse de grands commis de l’Etat et d’un certain journalisme de connivence.

Les affaires de mœurs outrop triviales étaient jugées relevant du domaine privé par une presse muette. Rappelez comment DSK est tombé : lorsqu’il s’est comporté comme il avait l’habitude de le faire, mais dans un pays moins laxiste que le nôtre avec les violences sexuelles. A l’époque, la presse française s’était d’abord émue de voir cette star de la politique exhibée dans sa tenue orange pour des affaires qu’ils estimaient privées. Elle n’avait manifesté aucune empathie pour la victime tant son sort était insignifiant à côté du futur chef d’Etat potentiel.

Les portables qui enregistrent tout et Internet ont fait voler cette omerta en éclats. Dorénavant, les images, les témoignages sont relayésinstantanément et indépendamment de certains blocages d’une presse politique trop proche de ses sujets. La diffusion virale de ces scandales touche une population de plus en plus vaste et engendre dorénavant des réactions de plus en plus violentes à l’égard de ceux qui sont pris la main dans le sac.

Les politiques découvrent un monde de bruit et de fureur avec la colère de citoyens de plus en plus remonté contre eux. Ils n’ont pas encore saisi l’ampleur de ce ras-le-bol et croient pouvoir s’en sortir avec la simple reconnaissance d’une phobie administrative, d’une négligence, d’un oubli. Mais ces excuses ne passent plus. La montée de la violence à leur égard, aussi injustifiable soit-elle, révèle la cassure consommée entre les Français et leurs grands élus.

Tous les grands élus ne sont pas aussi immoraux. Mais la fréquence élevée des révélations a fait perdre à notre démocratie représentative une part de sa crédibilité et, par là, de sa légitimité. Nous élisons des personnalités auxquelles nous ne faisons aucunement confiance. La montée des alternatives populistes a de quoi inquiéter. C’est pourquoi l’instauration d’un mécanisme de votation/référendums réguliers, par exemple en suivant le modèle suisse, atténuerait cette intolérance montante.En décidant directement de choix sans nous encombrer d’élus que nous n’estimons plus, nous diminuerions le risque de voir les prochains scrutins glisser encore davantage vers une voie extrémiste.

En attendant d’introduire de vraies mesures de démocratie semi-directe, les élus fautifs vont devoir trouver des excuses autrement plus sincères et justes. Et peut-être subir des sanctions suffisamment lourdes, exemplaires, pour ne pas laisser s’ancrer dans l’esprit des citoyens qu’ils échapperaient aussi à la Justice.

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