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En marge du sommet européen, Merkel oblige Macron à résoudre une équation à 3 inconnues
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

Les élections en Allemagne ont certes permis à Angela Merkel de resigner un bail de chancelière. Mais l’équation électorale est désormais bien compliquée à résoudre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Au sommet européen de Tallinn, Emmanuel Macron a tenté de rallier les européens à son projet de réforme pour une Europe plus forte et plus solidaire. Pas facile, parce que les élections en Allemagne ont peu changé la donne. Si Angela Merkel est toujours sur la même ligne que le président français pour relancer la construction européenne, tout le monde a compris qu’elle n’avait plus les coudées aussi franches.

Pour réussir son pari, Macron a besoin de la complicité d’Angela Merkel et du soutien de la puissance allemande.

L’équation qu‘il doit résoudre est une équation à trois inconnues. Ce sont les plus compliquées.

Une inconnue politique, quelle coalition en Allemagne ?

Une inconnue stratégique, pour quelle Europe ?

Une inconnue financière, comment partager les factures de cette nouvelle Europe ?

En arrivant au pouvoir, Emmanuel Macron a immédiatement et sans hésiter confirmé ses engagements européens. Cette stratégie n’était pas sans risque compte tenu de l’euroscepticisme qui avait envahi l’opinion publique française. Il n’y avait d’ailleurs pas beaucoup de candidats à enfourcher le cheval européen. Après l’élimination de François Fillon, il était seul contre tous. Contre la droite souverainiste à la limite anti-euro et contre la gauche critique envers l’excès de libéralisme dont elle accusait Bruxelles.

A peine installé à l’Elysée, Emmanuel Macron est parti à Berlin rendre visite à Angela Merkel et s’assurer qu’elle le suivrait bien dans son ambition de réforme de la gouvernance européenne. En réalité, tout le monde a compris que le président français venait lui apporter l’engagement de tendre vers plus d’orthodoxie dans la gestion des affaires domestiques françaises, mais attendait en retour un soutien afin d’étaler l’effort que cela impliquait.

En bref, la France pouvait ranger sa maison mais espérait bien que l’Allemagne nous aide à financer la toiture.

Ce deal oral devait sous-tendre les réformes institutionnelles que le couple franco-allemand allait initier et « vendre » aux partenaires qui le voudraient. Quant aux autres, ils pouvaient rester sur le quai et attendre ou pas le prochain train.

Cette perspective était politiquement très sérieuse. Elle pouvait séduire une partie des opinions publiques dans les pays de la zone euro.

Dans ce projet, tel qu’il a été détaillé par Emmanuel Macron la semaine dernière, il y avait beaucoup d’ambitions politiques, un peu d’utopie (mais elle était nécessaire), il y avait surtout beaucoup de pragmatisme dans la mesure où un nouveau fonctionnement de la zone euro, mieux coordonnée, plus solidaire et plus harmonisée, pouvait offrir une réponse cohérente et convaincante aux défis concurrentiels de la mondialisation.

Ne rêvons pas, un tel projet n’était pas acquis d’emblée. Les élections allemandes viennent de l’hypothéquer sérieusement et du même coup, viennent poser un problème sévère à la France de Macron.

Le projet Macron reposait sur la restauration de la compétitivité française, laquelle dépend aussi du retour à une gouvernance européenne plus responsable, c’est à dire tenant compte des exigences populaires.

Les élections allemandes ont sans doute remis en cause cette perspective de nouvelle gouvernance. Les élections allemandes nous ont fait le cadeau d’une équation à trois inconnues.

La première inconnue concerne la coalition que Mme Merkel va pouvoir constituer pour gouverner et cette coalition va forcément impacter la politique qu‘elle orchestrera. A priori, le SPD, allié traditionnel très pro-européen, va quitter le jeu. A priori, Angela Merkel va devoir gouverner avec les écologistes et le parti libéral. Or, ces deux alliés ne sont pas des européens dynamiques. Ils sont même très réservés concernant la réforme de l’Union européenne vers plus de solidarité et de mutualisation. En clair, pas question pour l’Allemagne de payer les factures de certains copropriétaires un peu dépensiers. Les chefs du parti libéral, par exemple, ont terriblement contribué à humilier les grecs dans les années 2012-2015.

Donc a priori, Madame Merkel va devoir faire quelques concessions. Sauf que cette hypothèse-là n‘est pas gravée dans la pierre du Bundestag. Angela Merkel a du métier, la négociation gouvernementale n’est pas terminée. Elle peut nous ménager quelques surprises, et notamment du côté du SPD. Pour Macron, c’est une inconnue grave.

La deuxième porte sur les vraies raisons de la montée de l’extrême droite en Allemagne. En France, beaucoup d’analystes nous ont expliqué que la montée du populisme et du souverainisme était particulièrement liée à la situation économique et la crise. Le Front national et l’extrême gauche ont fait leur meilleur score dans les régions gangrenées par le chômage de masse. Emmanuel Macron, comme beaucoup d’autres, a épousé cette thèse qui correspond à la réalité en France avec Marine le Pen, en Grande Bretagne avec le Brexit et aux Etats-Unis avec Donald Trump.

En Allemagne, il y a une déconnexion entre le chômage et l’extrémisme. L’extrême droite en Allemagne a fait ses meilleurs scores dans les régions les plus riches et les plus dynamiques. Alors, les analystes allemands avancent d’autres raisons : l’immigration réellement massive dans ces régions-là, la maladresse de Mme Merkel dans sa gestion des migrants musulmans l’année dernière... à moins que ça ne soit purement culturel et historique.

N’empêche qu’il existe là une grande inconnue et cette réalité affectera, quoi qu’on en dise, la politique de Merkel.

La troisième inconnue concerne la conjoncture économique mondiale. La performance allemande est imputable à sa compétitivité dans les pays émergents. L’essentiel de la richesse allemande est fabriquée en Allemagne, mais réalisée dans les pays émergents pour reprendre un concept marxiste. Que les pays émergents pour une raison ou pour une autre freinent leur développement et c’est l’Allemagne qui la première en sera touchée.

L’Europe et donc la France ont besoin de deux choses.

Un, d’une Allemagne performante et qui cartonne sur les marchés extérieurs.

Deux, qu’elle puisse partager une partie de ses excédents en relâchant un peu la pression intérieure. L’Europe a besoin que l’Allemagne investisse plus qu‘elle ne le fait sur son territoire et que les allemands consomment davantage.

Depuis les élections, ça n’est pas forcément dans l’air du temps, alors qu’avant, Mme Merkel avait donné des signes pour indiquer qu’elle avait compris.

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