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Lutte contre la tuberculose : les enfants ne sont pas encore assez pris en charge
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Alerte à la bacille

Ce samedi aura lieu la Journée mondiale contre la tuberculose, l'occasion de faire le point sur l'avancée de la recherche et la gestion de la maladie. Inquiétant constat : bien que vulnérables, les enfants ne seraient pas assez sérieusement suivis.

Christophe  Perrin

Christophe Perrin

Christophe Perrin est pharmacien. Il a travaillé dans la recherche clinique en cancérologie avant d’effectuer plusieurs missions dans des pays émergents pour des organisations humanitaires.

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Atlantico : Cela fait plusieurs années que l'on tente de vaincre la tuberculose, notamment chez les enfants, avec des résultats mitigés. Pourquoi n'arrive t-on pas à la faire reculer ?

Christophe Perrin : Chez les enfants, la tuberculose reste un défi à circonscrire car dans un premier temps, il y a un manque de formation du personnel de santé dans de nombreux pays, car ils considèrent encore que cette maladie est difficile à soigner alors qu’en fait, il n’y a pas de complications particulières  : les enfants tolèrent assez bien les traitements qui existent.

Ensuite, la tuberculose pédiatrique a été victime du manque de moyens qui existe au niveau international  pour lutter contre la tuberculose en général. En effet, longtemps la priorité était au dépistage et au soin des personnes les plus infectieuses, c’est-à-dire les malades qui risquaient d’infecter leur proches or les enfants atteints de la tuberculose ne sont pas des cas infectieux et de ce fait on a considéré la cible pédiatrique comme secondaire alors que 10 à 15 % des cas de tuberculose dans le monde touchent des enfants, cela représente plus d’un million de cas.

Concrètement, quels moyens ont-ils été mis en place pour freiner l'avancée de la tuberculose ?

Tout d’abord, il y a eu l'institution de recommandations internationales pour la prise en charge des enfants, mais elles tardent à s’imposer vraiment, même si elles constituent un premier pas. Ensuite, inaugurer un système d'enregistrement des cas de tuberculose pédiatrique. En effet, dans certains pays jusqu’en 2006 ce n’était pas fait par conséquent il était très difficile d'avoir une idée de l’ampleur du phénomène.  

Mais ces efforts sont contrariés par un obstacle au niveau du diagnostic : celui-ci se fait essentiellement par un crachat, une expectoration pulmonaire, dans laquelle on va essayer de détecter le bacille de Koch, seulement, les enfants ont énormément de mal jusqu’à 10 ans à cracher et on peut très rarement détecter la tuberculose par ce biais chez eux. Pour contourner cet écueil, des recherches sont menées sur des tests moléculaires rapides qui permettraient de détecter beaucoup plus vite les cas. On cherche aussi des médicaments qui aient des dosages adaptés pour les enfants, sous des formes qui soient plus faciles à administrer. Mais le plus important est de vaincre le préjugé véhiculé par le personnel médical qui veut que la tuberculose soit une maladie difficile à prendre en charge, ce n’est pas du tout le cas.

Sous laquelle de ses formes la tuberculeuse est-elle la plus difficile à vaincre ?

Au niveau de la tuberculose pédiatrique, la forme pulmonaire n’est pas la plus difficile à vaincre. En revanche, les enfants sont plus susceptibles de développer des formes extra-pulmonaires, des méningites tuberculeuses, ou une tuberculeuse disséminée dans le corps. Mais ces tuberculoses restent sensibles aux traitements existant. Alors il est vrai qu'il y a eu au court des années, le développement de résistances aux traitements actuellement sur le marché qui ont donné naissance à des souches multi-résistantes. Et c’est très ennuyeux, notamment dans le cas de la tuberculose pulmonaire, ou on risque d’avoir un patient qui en lui porte des bacilles de Koch résistants aux traitements actuels, et qui les transmettra aux personnes autour d’elles, et dans ce cas là on part sur une autre catégorie de traitement avec beaucoup d’effets secondaires, avec des durées de traitements très longues et la tuberculose multi-résistante c’est quelque chose de très difficile à traiter aujourd’hui.

Les publicités que l'on entend à la radio, ou qu'on en à la télé sur les antibiothérapies,  insistent  d'ailleurs sur le fait qu’il faille prendre son traitement tous les jours prescrits par le médecin. Dans le cas contraire, on risque de ne pas tuer tous les agents pathogènes, et avec des traitements incomplets, des doses incomplètes, des médicaments de mauvaise qualité, par un phénomène darwinien, une partie de ces bacilles vont finir par développer une résistance aux doses antibiotiques trop faibles auxquelles ils ont été exposés et vont se transmettre à des souches et on va avoir au fur à mesure des bacilles qui ne se font plus tuer.

La tuberculose pédiatrique fait des ravages en Inde, en Afrique du Sud et au Nigéria entre autres, mais qu'en est-il pour les pays occidentaux ?

En fait, du fait de son caractère infectieux et de sa transmission par voie aérienne avec les migrations économiques et les voyages que font les gens sur la planète, des migrants ayant été infectés dans leur pays arrivent avec la maladie, et c’est un des enjeux de santé publique de les détecter et de les prendre en charge puisqu’ils en ont le droit.

Ils sont soignés de manière individuelle pour ne plus représenter un danger d’infections pour les autres. On peut dire qu’aujourd’hui les pays à haut revenus ne sont pas à l’abri du développement des foyers de tuberculose car c’est une maladie qui voyage et ont voit des formes très compliquées et très résistantes venant l’Afrique du Sud ou du Nigéria pour lesquelles nous n’avons pas forcément les outils nécessaires. C'est d'ailleurs pourquoi il y a eu pendant 50 ans aucune nouvelle molécule pour soigner cette maladie dans les pays occidentaux : il n’y étaient plus confronté massivement. En fait, les laboratoires se sont désintéressés de cette maladie en l’absence de marché important. Et il s'est passé du temps avant qu'ils ne se rendent compte de l’existence grave de la maladie dans d’autres zones du monde pour qu'ils se remettent à y travailler.

Pour cette nouvelle année de recherche, quels sont les objectifs qui doivent être fixés en matière de lutte contre la tuberculose ?

Il faut absolument se focaliser sur la tuberculose pédiatrique. Les enfants ont été trop oubliés. Il faudra des méthodes plus efficaces avec des médicaments plus adaptés. Il faut que le personnel médical soit sensibilisé et mettent en place les recommandations internationales. D’un point de vue préventif, dans les pays les plus touchés, il faudrait que les enfants des familles où il y a un patient tuberculeux,  soient mis comme les adultes sous isoniazide. C’est une thérapie qui permet d’empêcher l’apparition de nouveaux cas tout en favorisant une prise en charge rapide.

Propos recueillis par Priscilla Romain

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