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L’entreprise St Gobain, un héritage de Colbert qui définit encore aujourd’hui 350 ans plus tard le capitalisme à la française
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Colbert était un homme riche. Il est devenu l’homme le plus influent du règne de Louis XIV, mais il a surtout laissé en héritage un modèle de capitalisme industriel qui marie l'efficacité sur les marchés mondiaux et le respect de l’identité nationale. St Gobain, entreprise qui a 350 ans, est un des fleurons de cet héritage.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Si on s’en tient au livre d’histoire, Colbert, Premier ministre de Louis XIV est l’inventeur du colbertisme. Pour les uns, c’est la forme d’un capitalisme d’Etat qui ne dirait pas son nom. Pour d’autres, c’est la caricature du centralisme et de l’interventionnisme de l’Etat central. Rien n’est plus faux. Colbert n’a jamais investi un écu de l’Etat. D’ailleurs, l‘Etat sous Louis XIV n’avait d’argent à dépenser que pour acheter l’allégeance des nobles et payer son armée. Par contre, Colbert a défini, c’est vrai, une stratégie industrielle à vocation internationale en suscitant la création de compagnies industrielles, en incitant des « amis riches à investir » et en trouvant des talents.

Il y a chez Colbert, un côté « business angels », ou fonds d’investissement et surtout une ambition dont il a convaincu le roi Louis XIV, selon laquelle la stabilité politique ne pouvait se développer que si le pays était économiquement riche. La puissance politique ne pouvait s’appuyer que sur la puissance économique. Il y a du Machiavel chez Colbert.

Il y avait chez Colbert, un peu de Pompidou ou de Giscard. Il y aussi un peu de Macron.

L’héritage de Colbert est donc immense et si, le plus beau vestige politique reste le château de Versailles, expression et instrument de puissance, il faut, sur le terrain économique, visiter St Gobain qui a aujourd'hui 350 ans, qui reste la première entreprise mondiale dans le secteur des matériaux de construction et qui est désormais la plus en pointe pour accompagner la transition énergétique des économies modernes.

Mais qui était Jean-Baptiste Colbert ?

En quelques lignes, Jean-Baptiste Colbert est né en Champagne en 1619, à une époque où Dom Pérignon régnait sur une abbaye et quelques arpents de vignes mais ne savait pas qu’il serait connu dans toutes les boites de nuit du monde 3 siècles plus tard. Colbert ne fut dans rien dans l’enrichissement de la Champagne.

Il appartient cependant à une famille de marchands très riches, qui vont devenir banquiers. Ce sont les premiers banquiers de Reims. Un peu nobles (ils avaient acheté des titres de noblesse) mais l'essentiel de leur fortune venait du commerce et de la spéculation. Son père, comme souvent « fils de » à cette époque, était devenu receveur général des rentes de la ville de Paris. Comme il était malin, ça lui rapportait beaucoup d’argent. La ville vendait les rentes et lui les gérait.

Le jeune Colbert profite de toutes les relations de son père et se rapproche du pouvoir tenu par Louis XIII. Alors qu’il a 21 ans, son père investit une partie de sa fortune pour lui acheter « un Job » à la cour : Jean-Baptiste devient commissaire des guerres. Pas très spectaculaire sauf que c’est lui qui s’occupe des finances de la guerre. Il gère les dépenses et trouve l’argent. Alors comme le roi fait souvent la guerre, le petit Colbert a du travail et de l’influence. Dix ans plus tard, il est nommé conseiller du roi et Mazarin, qui gouverne, le remarque. Pour quoi faire ? Pour gérer sa fortune personnelle qui est une des plus importantes de l’époque. Mazarin est devenu immensément riche. Colbert va gérer la fortune de Mazarin, pendant 10 ans.

Du coup, il repère les faits et gestes de tout le monde, fait des dossiers et recouvre les malversations financières de Fouquet. Or, Nicolas Fouquet est surintendant des Finances. Il le gène. Dans un mémo célèbre, Colbert explique que moins de 50% des impôts collectés arrivent dans les caisses de l’Etat. Cherchez l’erreur. Fouquet tombe en disgrâce, il est arrêté par D’Artagnan, mousquetaire du roi, dans la bonne ville de Nantes et Mazarin propose à Louis XIV d’engager Colbert.

Colbert, à 44 ans, va devenir le personnage le plus puissant du royaume de France en ayant la haute main sur les finances de l’Etat. Mais l’Etat est fragile, il est désargenté. Il va, pour conforter le pouvoir de Louis XIV, réaliser trois séries de réformes.

D’abord, il va neutraliser la noblesse en les enfermant à Versailles. Du coup, il ruine les nobles qui s’ennuient à Versailles et le pouvoir royal peut asseoir son autorité sur les duchés et les comtés de province.

Ensuite, il va faire de Versailles le centre du monde moderne, des arts, des lettres et de l’argent. Mais Versailles sera aussi le lieu où s’exerce le pouvoir.

Enfin, il va donner à la bourgeoisie naissante le pouvoir de créer de la richesse ; d’autant plus de liberté et de richesse que la noblesse et le clergé sont enfermés à Versailles, dans une activité de courtisans qui les occupe mais qui ne leur rapporte rien. De cette stratégie politique, Colbert va encourager le développement de compagnies industrielles grâce à un capitalisme bourgeois ; l‘Etat pour sa part recommence à percevoir les impôts.

Sous le contrôle du roi, Colbert va donc pour la première fois donner une indépendance économique et financière à la France et au roi qui s‘affranchit ainsi de la tutelle des banquiers lombards ou juifs. Pour conforter cette indépendance, Colbert va mettre en place un modèle économique fondé sur les principes du mercantilisme. Son modèle consiste à importer des matières premières et de les transformer en produit à haute valeur ajoutée, puis de les réexporter à un prix très cher. Pour cela, Colbert construit une flotte maritime, il crée des manufactures et dans le cadre libéral, fixe des loi et règlements pour le fonctionnement du commerce ; une seule règle : l’efficacité.

Le plus bel exemple de ce que Colbert va permettre est sans doute la compagnie de Saint Gobain qui, 350 ans plus tard, existe encore et reste une des premières entreprises industrielles de France dans le monde.

Comment St Gobain, fondée par Colbert, est devenu le Google français de la transition énergétique

St Gobain a 350 ans. Et, ce qui est incroyable c’est que St Gobain est désormais une des plus puissantes sur le marché mondial de la construction. L’entreprise, que les financiers commencent à surnommer le Google français de l’habitat et de la transition énergétique, est pourtant là depuis trois siècles et demi.

Pour illustrer cette histoire, deux images. Deux images qui ont la même griffe. La première a fait l’actualité très récemment, c’est celle de la fondation Vuitton, ce nuage de verre et d’acier que Frank Gehry, la star mondiale de l’architecture, a suspendu au-dessus du bois de Boulogne. Ce symbole de la modernité voulu par le roi de l’industrie du luxe, Bernard Arnault, le PDG de LVMH.

La seconde image est celle d’un édifice qui fait depuis 3 siècles et demi l’admiration du monde entier, le château de Versailles avec la galerie des Glaces, construite par Mansart, voulue par Louis XIV, qui en avait fait le cœur du pouvoir. Louis XIV, le Roi soleil qui voulait briller sur l’Europe entière.

Ces deux images ont la même griffe, celle de St Gobain, mais 350 ans les séparent. St Gobain est la seule entreprise française à avoir survécu à autant de changements, autant de régimes, de guerres… Trois siècles et demi. Incroyable. Elle a changé de noms plusieurs fois, mais jamais d’activité.

Son ambition aujourd’hui, c’est d’arriver dans la compétition internationale comme le leader mondial des matériaux de construction et de l’habitat. L’ambition est claire. Etre l’un des leviers de la transition énergétique. Pierre André de Chalendar, le président actuel du groupe n’hésite pas une seconde

Pour conforter cette stratégie, St Gobain vient de s’engager dans la conquête du Suisse Sika. Sika, sur le marché mondial, c’est un autre poids lourd du matériau de construction. Avec des niches de rentabilité très fortes. St Gobain a dépensé 2,3 milliards d’euros pour prendre le contrôle de cette pépite.

Mais le management suisse fait un peu de résistance. St Gobain s’est embourbé dans des querelles juridiques pour prendre les manettes et diriger l’entreprise. Mais ça passera. St Gobain en a vu d’autre. Pierre André de Chalendar ne s’en inquiète pas. Il est très serein.

Les professionnels du bâtiment connaissent bien St Gobain. Mais pour le grand public, c’est abstrait sauf que St Gobain est partout. Partout sans le dire forcément. Les vitres et les glaces bien sûr, sur les immeubles comme sur les voitures, mais aussi tous les matériaux de construction, à commencer par le placoplatre, la laine de verre et tous ces produits isolants ou d’équipement qu’on trouvera chez Lapeyre ou dans les Point P, qui sont les filiales de distribution. Il y a beaucoup de recherche et d’innovations dans cette industrie, et beaucoup d’usines à forte valeur ajoutée. Des ingénieurs par promos entières mais aussi des tonnes de capitaux investis à long terme. 

Les chiffres que tricotent les analystes financiers sont donc d’une stabilité étonnante sur longue période.

Aujourd’hui, St Gobain, le leader mondial des matériaux à haute performance et de l’isolation, c’est un chiffre d’affaires de 39 milliards d’euros, une présence dans 67 pays du monde avec au total, 170 000 collaborateurs. Ce n’est pas rien.

Le marché, c’est celui du logement, de l’habitat. Une activité de première nécessité depuis la nuit des temps. C’est ça qui rend St Gobain immortel, comme se plaisent à le répéter les anciens. Parce que les anciens dirigeants quittent leur fonction l’âge venu, mais ils ne quittent pas l’entreprise. L’entreprise les garde sous son aile, sans responsabilité précise, mais parce qu’ils veillent au respect du dogme culturel.  Roger Fauroux a été président de St Gobain entre 1980 et 1986. Jean-Louis Beffa lui a succédé aux manettes jusqu’en 2010, il est toujours là, en tant que président d’honneur. Les présidents se passent le flambeau et le groupe tient. Alain Minc aussi, qui est entré très jeune à St Gobain pour s’occuper des finances, a une façon très personnelle de décrire la réalité de la stabilité de ce management. Pour lui, c’est une famille, un clan soudé par les principes de la réussite.                                                 

Il y a donc un secret dans la longévité de St Gobain. Et c’est ce secret que racontent les 350 ans d’histoire de France. Trois siècles et demi. Ce n’est plus de l’histoire. C’est une épopée. 

Le capitalisme du Roi soleil au service de son pouvoir politique

 St Gobain va naitre dans les salons de Louis XIV, au château de Versailles. La rumeur nous dit qu'un jour, Louis XIV, ici dans la galerie des Glaces remercie son ministre Colbert d’avoir créé la manufacture royale des Glaces et surtout d’avoir su produire ces miroirs qui renvoient la lumière du soleil couchant. Ces miroirs, ces glaces dont les vénitiens gardaient le secret depuis si longtemps.

Colbert jubile, la cour se presse pour écouter ce qui dit le Roi.

-Mais, Sir, dit Colbert pourquoi cette galerie ?

- Pour relier l’appartement du roi à celui de la reine, comme cela, toute la cour saura quand je rends visite à la reine.

-Mais, sa majesté, pourquoi ces glaces ?

-Enfin, Colbert c’est simple …  Ces glaces sont là pour que la cour puisse se regarder de pied en cape… Et tant qu’elle se regardera, elle ne fera pas de politique. Plus tard, Colbert, les ministres qui vous succèderont inventeront la télévision qui aura la même fonction… » Alors ça on n’est pas sûr que le roi l’ait dit… Mais il aurait pu !

Maurice Hamon, est historien, il connait tellement bien Versailles et St Gobain qu'on a l’impression qu'il est né là dans l’antichambre du roi. Pour lui, ces glaces et ces miroirs sont les marqueurs du grand luxe à l’époque. Des signes extérieurs de richesse et de pouvoir.

Le monopole des vénitiens dans la fabrication des glaces était devenu insupportable.  La fortune de St Gobain, qui s’appelle à l’époque la manufacture royale, va donc venir de sa capacité à produire ces fameuses glaces. Mais pour ça, Colbert va essayer de se procurer, les secrets de fabrication qui ont fait la richesse de Venise, sur l'ile de Murano là où l'on fabrique les fameux miroirs. Alors, ce n’est pas le casse du siècle, mais c’est l’un des premiers cas d’espionnage industriel commis par l’Etat Français et réussi. Parce que le roi a forcément couvert cette opération. Ça n’a pas été simple. Alors plutôt que de voler les process, ce qui était compliqué, on va soudoyer et attirer en France des ouvriers de Murano.

Le génie de Colbert, c’est aussi d’avoir inventé ce qui est devenu le colbertisme. Qui n’a d’ailleurs rien à voir avec le capitalisme d’Etat. St Gobain va servir d’expérimentation.  Colbert crée une manufacture royale, mais s’arrange pour qu’elle n’appartienne ni au roi, ni à l’Etat. La propriété est proposée à des actionnaires privés. Des amis du pouvoir de préférence. Des grands bourgeois.

Colbert va donc trouver ce qu’on n’appelle pas encore des investisseurs mais c’est tout comme. Ce sont des capitalistes. Il les invente parce qu’il n’y en pas beaucoup à l’époque. Il y a surtout des préteurs sur gage. Colbert va aussi mettre en place un management. Il y a beaucoup de courtisans, mais il y a peu d’experts.

La Manufacture royale des glaces de miroirs, c’est son nom, société privée, crée en octobre 1665 et gérée selon les principes élabores par Colbert, va donc devenir unes des premières industries du royaume.

Le lien avec l’Etat, parce qu’il y en a un, passait par d’autres voies que le financement. Les documents de l’époque en attestent. Le roi accorde à un certain Noyer, qui sera le premier président de l’entreprise, ce qu'on appelait des lettres patentes

Le premier atelier s’installe à Paris, dans le faubourg St Antoine. Puis plus tard, quand on découvrira le procédé révolutionnaire qui consiste à fabriquer des glaces en les coulant sur une table métallique et non plus en les soufflant, la manufacture royale déménagera dans le petit village de Picardie, à Saint-Gobain, exactement. Avec les glaces et miroirs, St Gobain tient une mine d’or.

Au XVIIIe siècle, les miroirs vont devenir à la mode, leur prix a baissé et tout le monde en veut. Le peuple lui-même achète des miroirs.

St Gobain a été dirigée par une femme qui a possédé la majorité du capital.

L’organisation de Colbert va lui survivre, elle se révèle efficace. C’est tellement moderne que dans les années 1750, St Gobain sera dirigée par une femme. Mme Geoffrin. C’est historique.  Incroyable. Cette petite courtisane sortie du peuple de Paris épouse à 16 ans un des cadres de la société qui va acquérir assez de capital pour diriger l’entreprise.

Madame Geoffrin va donc hériter de l’empire industriel et devenir la première femme chef d’entreprise de l’Histoire de France. C’est elle qui gère.  Elle va surtout devenir une des femmes les plus influentes du siècle. Elle a un avantage sur toutes les autres femmes qui à Paris essaient de faire salon, elle est riche, très riche. Et l’argent, à cette époque, ouvre les portes du pouvoir plus facilement que les titres nobiliaires. St Gobain va donc rester au cœur des jeux de pouvoir.

En 1789, la révolution abat la monarchie et en abattant la monarchie, elle supprime tous les privilèges, y compris ceux dont bénéficient les entreprises royales. Avec les commissaires du peuple, Robespierre ou Danton ne font pas dans la dentelle. La Manufacture royale des glaces ne sera pas détruite, il faut préserver les emplois, mais elle change de nom. Elle devient la Manufacture de St Gobain.

L’évolution est brutale et la manufacture va difficilement traverser cette période trouble. Le marché du luxe a perdu de son lustre, les riches et les nobles ont émigré. La concurrence européenne est très dure, les italiens, les allemands, les anglais sont hyper actifs sur ce marché. Et la manufacture n’a plus la protection de l’Etat. Les ventes s’effondrent.

Alors pour s’en sortir, à l’aube de ce XIXe siècle qui sera effervescent, St Gobain va opérer sa première grande mutation. Puisque la France se convertit au développent économique, St Gobain en sera l’un des promoteurs les plus actifs. Pour fabriquer les glaces et les miroirs, il faut de la soude, puis du sable. On va donc commencer à commercialiser des produits chimiques, puis des matériaux de constructions. Des colles, des ciments. Peu à peu, l’ADN de l’entreprise se dessine. Et puis, il y a dans cette France, qui sort du Second Empire, un sorcier de l’architecture qui va booster tout le secteur. Gustave Eiffel va marier les charpentes métalliques qu’il fabrique, avec le verre que St Gobain produit dans ses usines. Le résultat dessine le Paris moderne qu’on connait :  le Grand Palais, la gare d’Orsay, la gare d’Austerlitz, la gare du Nord, de Lyon, St Lazare.... St Gobain devient incontournable.

L’entreprise va donc aborder le XXe siècle en grande forme. St Gobain va racheter beaucoup de ses concurrents et s’intéresse désormais à tous les types de produits verriers, les verres à vitre, les verres d’automobiles, les bouteilles, les verres d’optique... L’ancienne manufacture de Colbert s’est implantée partout en Europe entre 1850 et 1900 en Allemagne, en Italie, en Belgique, aux Pays-Bas et en Espagne en 1905.

Et puis en 1902 exactement, St Gobain obtient sa cotation à la bourse de Paris. C’est un évènement. Pour les dirigeants, c’est plus un tremplin qu’une consécration.  Chez les épargnants, c’est l’euphorie. Seulement l’euphorie ne va pas durer longtemps !!!

En 1914, c’est la guerre, la sale guerre. Les usines de Saint-Gobain en France sont très abimées dès le début, mais l’entreprise est riche ; elle a déjà engrangé beaucoup d’argent.

L’euphorie industrielle va revenir très vite après la guerre, dans les années 20. Les années 20 vont ancrer le développement de St Gobain auprès des constructeurs automobiles. Renault, Peugeot, Citroën, Panhard, De-Dion Bouton, Bugatti se bousculent pour être livrés.

Mais son cœur de métier reste la construction. Et là, St Gobain innove. L’innovation la plus importante, c’est la laine de verre. Les écologistes n’existent pas, mais le besoin de solutions isolantes obsède déjà les constructeurs. On introduit dans l’habitat la notion de confort. Le succès est foudroyant.

Tout est donc reparti, oui, mais les risques de guerre aussi sont revenus. On le sent, on le sait. L’Europe ne se remet pas de la grande crise et tombe dans la démagogie et le fascisme.  Une fois de plus, l’euphorie ne dure pas. L’occupation allemande en juin 1940 va tout arrêter

La direction de St Gobain va quitter Paris et se réfugier au château de Ménard, dans le Loir et Cher. Près de Blois. C’est une ancienne propriété qui avait été construite par Colbert. C’est magnifique. Mais pour St Gobain, comme pour la plupart des entreprises, ces années d’occupation seront douloureuses.

Douloureuses oui, mais courageuses parce que contrairement à d'autres fleurons industriels de l'époque, Saint-Gobain va traverser cette période sans se compromettre. Elle va, par exemple, répondre aux ordres de réquisitions avec beaucoup d’habileté. Mais elle ne fournit pas les commandes. Il manque toujours quelque chose.

A la fin de la guerre, l'entreprise a quand même perdu beaucoup de son dynamisme d’antan. Elle est dépassée par les innovations technologiques. Le directeur est fatigué et les actionnaires eux sont d’une autre époque. Ils pensent plus à sauver les meubles qu'à investir. Arnaud de Vogue est un chef de famille. Plus attaché au respect des traditions qu’à l’innovation. Il collectionne plus les honneurs que les brevets d’invention. C’est la France éternelle, conservatrice.

Pour comprendre comment ce capitalisme fonctionne, il faut revoir le film réalisé par Denys de la Patellière en 1958 avec un Jean Gabin impérial en chef de clan et des dialogues de Michel Audiard, énormes de vérité.

https://archive.org/details/LesGrandesFamilles-1958-DenysDeLaPatelliere

Là on est au cinéma, or à St Gobain on doit affronter la vraie vie. Ce qui se joue c’est l’avenir de cette industrie du verre plat. Tout le monde attend une innovation importante. De partout, on surveille, on espionne St Gobain, oui, mais, St Gobain n’a rien dans ses cartons. St Gobain survit, portée par les Trente Glorieuses, une vague puissante qui répond aux besoins. St Gobain profite des marchés de la reconstruction mais ne fait pas d’exploit.

A partir de 1958, quand le général de Gaulle revient au pouvoir pour enterrer la IVe République et mettre le l’ordre dans ce pays, Georges Pompidou va lancer d’immenses travaux dans Paris, le front de Seine, le quartier de la Défense, partout on aura besoin de modernité, de vitrages isolants et de glaces mais St Gobain n’est pas là.

Les nouvelles technologies de fabrication du verre plat, celles qui vont tout révolutionner, les quantités et les prix, sont mises au point mais par le grand rival Wilmington. Et c’est Wilmington qui va rafler les marchés.

Alors pour essayer de rattraper son retard, St Gobain s’associe à la société américaine Certain Teed, St Gobain réussira à la racheter mais beaucoup plus tard, en 1976. Entre temps, St Gobain s’est beaucoup fragilisée.

En 1968, alors que Paris explose mais que les dirigeants n’entendent rien aux révoltes étudiantes, il y a un petit homme du coté de Lyon, qui a compris, lui, que c’était le printemps.

Il s’ennuie un peu dans la gestion d’une affaire familiale. L’affaire en question c’est BSN, et le petit homme, c’est Antoine Riboud.  Il s’est mis en tête de racheter St Gobain. Une folie. Pourquoi pas la cathédrale de Chartres. St Gobain c’est un chef d’œuvre en péril certes, mais c’est aussi un monument historique. Un sanctuaire du capitalisme catholique. Sans beaucoup d’argent, ce parpaillot de province va donc lancer la première OPA de l’histoire à la bourse de Paris. Mais l’OPA, c’est une pratique de barbares. Au terme d’une bataille homérique, on est limite en guerre de religion. Antoine Riboud échoue bien sûr. Mais pour lui c’est une chance. Sans cet échec, Riboud n’aurait sans doute jamais construit Danone.

Pour Saint-Gobain, c’est la crise de trop. Les actionnaires ont fait appel à Marcel Bleustein Blanchet. Le président de Publicis, qui mènera l’un de ses plus beaux combats, va leur permettre de gagner, mais cette victoire va les ruiner. L’empire St Gobain est sur le point de s’effondrer. Financièrement, il faut donc trouver une solution. Sinon, c’est la catastrophe.                                                                    

Alors dans ces années-là, il existe en Lorraine, à Pont-à-Mousson, une entreprise qui est devenue le leader mondial du tuyau de fonte

Pont-à-Mousson a deux autres qualités. Son actionnariat est très éclaté. Le vrai pouvoir est donc tenu par le management et le management est majoritairement X-Mines. Curieux, non ?   On doit donc pouvoir s’entendre avec les gens de St Gobain. Entre ingénieurs, on parle la même langue. Entre polytechniciens, on s’est frotté au même catéchisme.

En 1970, la presse annoncera la plus grosse fusion de l’époque entre St Gobain et Pont-à-Mousson.  La France des affaires bouge enfin. Le président Pompidou bénira ce mariage qui est un mariage de raison. Ce n’est pas St Gobain, le parisien qui rachète Pont-à-Mousson, c’est l’inverse. Roger Fauroux s’en souvient bien.

Le management de Pont-à-Mousson va donc prendre les commandes et reconstruire un groupe dont la stratégie est simple : tout recentrer sur les matériaux de construction, de la production à la distribution. Et cela dans un maximum de pays. Il va donc se désengager de la chimie, du pétrole, de la sidérurgie, du papier-bois, et du nucléaire. Il maigrit… oui mais il se muscle.

Cette stratégie parait logique aujourd’hui. A l’époque, la mode est aux conglomérats, aux diversifications, le modèle c’est General Electric, St Gobain est complètement à contrecourant.

Et puis, Roger Martin, le patron charismatique ne viendra pas seul. Il a placé autour de lui toute une pléiade de cadres dirigeants qui vont restructurer et construire le nouveau groupe. Roger Martin a l’intelligence de s’entourer des plus grosses pointures sorties de l’X, des Mines et même d’HEC ou de l’ENA. Il commence à diversifier le recrutement. Cette empreinte signée Roger Martin va s’inscrire dans les gênes de l’entreprise.

Alain Minc, qui a été embauché par Roger Fauroux comme directeur financier, a très vite compris que la direction de St Gobain Pont-à-Mousson était de composer des viviers de cadres et d’experts.

Ce vivier scrupuleusement entretenu par chaque président est l’une des sources de la longévité. Chaque président y forme et puise son successeur.

Les processus de choix restent assez mystérieux. Pour Alain Minc qui a été éliminé des épreuves de sélection, c’est un peu comme au Vatican. Il suffit d’attendre la fumée blanche pour connaitre le nom du nouveau pape.

Les favoris qui sont écartés de la course ne se retrouvent pas à Pôle emploi. Vexés oui, parfois mais ils se rattrapent assez vite. St Gobain est une bonne école de capitaines d’industrie. Pour Jean-Louis Beffa, tous emportent un morceau de la culture St Gobain. Il les décrit un peu comme des missionnaires qui vont évangéliser la France industrielle.

A l’intérieur du groupe, les valeurs de rigueur et de performance sont omniprésentes oui, mais la règle d’or, c’est d’assumer la stratégie et de l’appliquer sans discuter.

Alain Minc va respecter cet univers mais il va s’impatienter très vite. Il se passionne pour les investissements de diversification. Tout l’intéresse. Notamment l’informatique. Il a jeté son dévolu sur Honeywell bull qui a besoin d’un actionnaire fort. Valery Giscard d’Estaing, qui est à l’Elysée, voit ce projet d’un très bon œil. La France est absente de l’informatique mondiale et cette technologie est un enjeu considérable.

Le général de Gaulle et Georges Pompidou ont bien fait l’Airbus, le TGV et le nucléaire, pourquoi lui Giscard ne serait-il pas la grande industrie informatique qui manque à l’Europe ? Cela dit, il n’a pas l’argent, la crise pétrolière a plombé les caisses de l’Etat, déjà !

Alain Minc a une solution, il apporte le dossier informatique à St Gobain-Pont à Mousson parce que pour lui, un champion de la vieille économie se doit de préparer l’avenir et d’investir dans la nouvelle économie. C’est logique, intelligent, moderne. Donc tout va bien.

En 1980, St Gobain prend le contrôle de Bull, puis une participation dans Olivetti, la société de Carlo de Benedetti en Italie ; Alain Minc a gagné la première partie du Monopoly européen dont il rêve. Avec le soutien de l’Etat giscardien. On est en 1980. L’année suivante, Giscard perd les élections présidentielles et l’union de la gauche socialo-communiste emmenée par François Mitterrand arrive au pouvoir                          

François Mitterrand arrive et l’une de ses premières décisions annonce qu’il va nationaliser St Gobain. C’est un coup de tonnerre.

Mais pour faire passer la pilule au management en place, on ne touche pas au président coopté par Roger Martin, c’est Roger Fauroux, ça tombe bien, c’est un ami de Michel Rocard. Sauf qu’il a quand même un peu de mal à faire accepter les lignes stratégiques du côté de l’Elysée. Le débat quasi-théologique sur la diversification vers les nouvelles technologiques est clos. On abandonnera donc le rêve informatique et giscardien. Alain Minc obtempère bon gré, mal gré. 

Avec la nationalisation, la gauche accueille un St Gobain en pleine forme. Mais pour Roger Fauroux, cette nationalisation n’avait aucun sens économique, aucun intérêt mais il respecte la ligne du parti. Mitterrand la voulait. Donc il l’a eue, les rencontres avec le gouvernement donnent lieu à des situations cocasses. Le choc de cultures est brutal. On ne se comprend pas. Après la nationalisation, les dirigeants de St Gobain, Fauroux et Minc en tête vont projeter d’organiser la prise de contrôle de la Compagnie générale des eaux. Pourquoi ? Parce que la synergie entre St Gobain et la Générale des eaux était évidente, on évoluait dans les mêmes métiers, les tuyaux de fonte, les grands chantiers de travaux publics. Mais ça ne va pas marcher. L’Elysée y mettra son veto. Sans dire pourquoi ? Le fait du prince.

Aujourd’hui, plus de trente ans après, Alain Minc qui est encore fou furieux de ce ratage, révèle pour la première fois et selon lui la véritable explication. « Ils ont été victimes d’une sorte de complot maçonnique… »  Il avait déjà mal vécu l’échec de l’affaire Bull mais il digère encore moins le ratage de la Générale des eaux et quittera St Gobain en 1986. Il se récupère chez Carlo de Benedetti, le sorcier italien de l’informatique en Europe. Il va y diriger son holding financier. Il ne regrette rien et surtout pas d’avoir appris à nager dans ce vivier de capitaines d’industrie.  Il garde pour St Gobain une reconnaissance particulière. 

La parenthèse publique va donc se refermer assez vite. Elle aura duré 4 ans. 4 ans inutiles dit-on, mais sur plus de 3 siècles d’existence. C’est un détail.

Roger Fauroux, qui pressent le changement politique, va installer Jean-Louis Beffa comme successeur très rapidement et lui en dépit du désaccord qui l’oppose à Mitterrand, il acceptera de rejoindre le gouvernement de son ami Michel Rocard. L’expérience gouvernementale, on le sait, est de courte durée.  La cohabitation qui va suivre avec la droite va offrir une autre forme d’exercice.

En 1986, Edouard Balladur commence son programme de privatisations par St Gobain. Sans drame, ni débat, la gauche ne bougera pas une oreille. Les épargnants sont bien traités et, fait nouveau, les salariés entrent en masse au capital de l’entreprise au point d’en devenir les premiers actionnaires.

C’est Jean-Louis Beffa qui a donc pris en charge ce retour au marché privé. Beffa est un pur produit Pont-à-Mousson, disciple de Roger Martin. Pour Beffa, les défis sont nombreux, la mutation qui s’annonce est gigantesque. Notamment à l’international.

Jean- Louis Beffa va multiplier les acquisitions dans les pays de l’est, en Russie, en Chine, dans toute l’Asie. Il acquiert Norton, une entreprise américaine d’abrasifs, de céramique et de plastique. St Gobain est devenu le leader mondial des matériaux de construction et des produits d’isolation. Et puis en 1996, le groupe entre dans la distribution avec le rachat du groupe Poliet, les réseaux Point P et Lapeyre. Ce qui va le rapprocher du client final et resserrer les liens avec les entreprises du secteur de la construction.

St Gobain est en ordre de marche pour entrer sur des marchés gigantesques qui relèvent encore de la science-fiction mais ils vont très vite exploser. Beffa s’est installé aux Miroirs, c’est une tour de la Défense qui abrite le siège du groupe. Mais du haut de cette tour, s’il domine tout Paris, il ne sait pas que dans un hôtel particulier du Marais, un petit virtuose de la finance que personne ne connait va lui déclarer la guerre.

Un petit virtuose de la finance qui habite la maison de Wendel va déclarer la guerre à St Gobain

Le virtuose, c’est lui, Jean-Bernard Laffont. Personne ne le connait. Et pourtant, lui aussi a fait Polytechnique, puis les Mines, puis du cabinet ministériel sous la gauche, puis de la banque, Lazard, BNP avec Michel Pébereau. Il est armé jusqu’aux dents quand il est recruté pour diriger Wendel.

Wendel c’est la société familiale, héritière de la sidérurgie, présidée par Ernest Antoine Seillière, le baron Seillière, qui s’est mis en tête de dépoussiérer cette affaire qui fait vivre près de 250 membres d’une famille un peu turbulente. Pour dynamiser Wendel, Jean-Bernard Laffont a une idée qu’il trouve géniale : comme Riboud autrefois, il veut prendre St Gobain de manière peu amicale. A la hussarde.

Au siège, on encaisse mal mais on résiste. Et on a raison de résister : Laffont a tout prévu sauf la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008. Il va donc se planter.  Les cours de bourse chutent de 50%, puis de 75%. Dans la famille Wendel, c’est la panique et la fronde. L’AMF s’en mêle. Ernest Antoine Seillière se défend mal. Il a perdu beaucoup, beaucoup d’argent.

Aujourd’hui encore, Jean-Louis Beffa a du mal à dissimuler son plaisir. Plus de 800 millions d’euros perdus par Wendel. Jean-Bernard Laffont va quitter Wendel en mars 2009, il sera remplacé par Fréderic Lemoine avec pour mission de restaurer la situation financière et surtout de pacifier les relations avec St Gobain. Aujourd'hui, les choses sont rentrées dans l’ordre.

Wendel est devenu le premier actionnaire de St Gobain avec 12% du capital, Wendel a obtenu trois postes d’administrateurs au conseil et Pierre André de Chalendar, qui a succédé à Jean-Louis Beffa dans la bonne tradition de la maison, considère que Wendel est désormais un allier.

Pour Pierre-André de Chalendar, Wendel n’est plus un sujet. Le sujet, c’est de permettre à St Gobain de conserver sa place de champion du monde de l’habitat et de l’isolation. Le marché est contrôlé par quelques très grandes entreprises. Pas facile de progresser. D’autant que la conjoncture lui a joué un sale tour depuis la crise, en étouffant le marché immobilier en Europe. Mais St Gobain en a vu d’autre.

Pierre-André de Chalendar a cependant converti, dès son arrivée, l'entreprise aux défis du XXIe siècle, le digital dans le fonctionnement pour faire de la compétitivité et l'habitat durable et confortable, comme objectif. Pour lui, l'entreprise a toutes les cartes pour réussir cette transition. C’est dans l’habitat que se cachent les plus grosses réserves d’énergie. En plus, cette stratégie habitat durable, ça plait au personnel, ça plait au marché, ça plait à la presse, ça plait aux réseaux sociaux, ça plait aux hommes politiques. 

Mais pour St Gobain, il faut donc continuer de grossir, poursuivre les acquisitions. En décembre de l’année dernière, il avait ciblé Sika. Sika est une entreprise suisse, présente dans 76 pays du monde avec 120 sites de production. Au total, 5 milliards de chiffre d’affaires. C’est petit par rapport à St Gobain, mais c’est le spécialiste mondial de l’étanchéité, des colles et de l’insonorisation. Des niches à forte marge, des produits à forte valeur ajoutée. St Gobain a racheté 16 % du capital à la famille fondatrice, 16% qui lui apporte une majorité des droits de vote. Pierre André de Chalendar pourrait donc prendre le pouvoir. Sauf que le management de Sika ne se laisse pas faire. St Gobain perd du temps dans un labyrinthe de procédures dont il n’a pas trouvé la sortie. Il l’a trouvée. Sur les marchés financiers, St Gobain a beaucoup d’alliés. Et ironie de l’histoire, Wendel vient de lui apporter son soutien et sa confiance. La moindre des choses.

Ce qui intéresse Chalendar, c’est de remplir son mandat. De déménager les bureaux, quitter le siège des Miroirs pour occuper une nouvelle tour de verre et acier, à énergie zéro, une vitrine de ce que donnera la transition énergétique. L’objectif numéro 1, c’est d’être leader de l’habitat durable dans le monde entier à un prix accessible au plus grand nombre, de quoi assurer encore plus d’un siècle de développement.

C'est peut-être là encore le secret de l'immortalité de l'entreprise. Changer tout en restant fidèle à l’esprit de Colbert.

Ce qui est extraordinaire, c’est qu’à plus de 350 ans d’âge, cette entreprise a le temps devant elle. Tout change en permanence mais rien de bouge. Colbert ne doit pas être trop mécontent de sa créature. Sauf que St Gobain est de moins en moins français, de moins en moins colbertiste. St Gobain, entreprise globale plutôt par son chiffre d’affaires, son actionnariat, ses implantations, un Google de la transition énergétique disent les boursiers.

Voilà donc le parcours de la seule entreprise, qui partit de Versailles à traverser 3 siècles et demi d’histoire, trois guerres trois révolutions, 5 républiques. La seule entreprise dont on pourrait croire qu’elle a peut-être découvert le secret de l’immortalité.

Cette histoire a été écrite et racontée par Jean-Marc Sylvestre. Elle a fait l’objet d’une adaptation pour la télévision avec la participation de tous les acteurs et témoins de cette aventure. Ce film produit et diffusé par BFM peut être visionné sur Youtube.

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