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Les Républicains sondent leurs militants sur les raisons de l’échec de François Fillon mais oublient les questions qui leurs permettraient réellement de trouver les réponses
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Refondation

Chez les Républicains, le temps de la refondation est venu. Pour concourir à cet objectif, le parti a fait parvenir un questionnaire de 28 questions à ses adhérents mais oublie de poser les bonnes questions.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : "Pourquoi François Fillon a-t-il perdu l'élection présidentielle ?" : cette question s'est glissée dans le questionnaire posé aux adhérents pour refonder le parti. Mais est-ce vraiment en interrogeant les adhérents aux Républicains qui ont voté massivement pour François Fillon que Les Républicains arriveront à faire un diagnostic de leurs échecs ?

Edouard Husson : Vous avez raison, ce n'est pas François Fillon seul qui a perdu l'élection présidentielle, c'est l'ensemble de l'appareil des Républicains. Je voudrais rappeler un exemple: il était courant d'entendre des responsables du parti, au cours de la campagne, dire mezzo voce, que le candidat allait perdre la présidentielle mais que le parti imposerait une cohabitation au futur président au teme des législatives. C'est une vieille attitude à droite: rappelons-nous comme Jacques Chirac était convaincu qu'il reprendrait rapidement la main après avoir incité à faire  battre Valéry Giscard d'Estaing aux élections présidentielles de 1981. Il faudrait sans doute remonter à la Révolution française pour trouver l'origine de ce comportement de la droite. Louis XVI est, entre 1774 et 1788 l'un des plus grands rois de notre histoire: un réformateur à l'intérieur et le vainqueur, sur terre et sur mer, de la Guerre d'Amérique. A l'époque, les Français étaient trois fois moins imposés que les Anglais; le roi demande à ses soutiens naturels de donner une contribution financière au pays; ils refusent puis ils jouent la carte de la radicalisation politique, contre le roi, vers la gauche (les évêques, le duc d'Orléans) ou vers l'extrême-droite (les émigrés). Cela a très mal tourné pour la droite de l'époque. Fillon n'a ni la hauteur de vue ni l'intégrité des plus grands de nos chefs d'Etat mais il y aurait dû y avoir, malgré tout, un réflexe de survie du parti, un goût élémentaire du pouvoir. Et bien non! On a préféré faire battre le candidat issu, comme vous le rappelez très justement, d'un vote massif lors des primaires de la droite et du centre. 

Le but de la manœuvre est bien évidemment double, D'un côté le but est d'analyser ce qui a pu conduire à l’échec. Le deuxième est de faire en sorte que la campagne pour la présidence du parti se fasse sur la base d'un débat d'idées et pas d'une compétition de personnes. Mais est-ce une méthode utile selon vous ? Est-ce vraiment ce qui va permettre au parti de se "reconsolider" ?

Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'Etat-major des Républicains s'y prend mal. Il y a un vrai débat à avoir, sur les idées: qu'est-ce que les Républicains peuvent incarner aujourd'hui, comme alternative au parti du Président. Ce n'est pas si évident au moment où des responsables importants du parti sont entrés dans le gouvernement d'Emmanuel Macron; et où ont émergé les "constructifs" à l'Assemblée. A vrai dire, l'Etat-major des Républicains a certainement très peur de déclencher un véritable débat sur le fond: l'électorat des primaires a poussé François Fillon parce qu'il avait l'air d'assumer un positionnement de droite et qu'il parlait un langage d'effort pour le pays. Imaginons qu'au lieu de centrer les questions sur les raisons de l'échec de Fillon on le fasse sur les valeurs que doit incarner la droite de gouvernement.  Il est probable que les réponses iraient dans le sens du vote de la primaire.  Non seulement beaucoup des responsables des Républicains ont peur du glissement à droite de leur électorat - Alain Juppé l'a avoué lorsqu'i!l a renoncé à déstabiliser Fillon au lendemain de la manifestation du Trocadéro. Mais il est probable que nombreux sont ceux qui redoutent la prise du partie par Wauquiez: il assumera, tactiquement, la droitisation de l'électorat du parti - même si ce doit être une pure instrumentalisation, Wauquiez n'ayant montré, depuis son lancement en politique par Jacques Barrot, aucune conviction politique durable. 

Plusieurs réponses sont proposées : La faute à un projet qui "ne répondait pas suffisamment aux attentes", la faute au "climat des affaires", à un "manque d'union", ou encore à une "image pas assez moderne". Est-ce que ce questionnaire ne vise pas à faire de François Fillon un bouc émissaire afin de tourner définitivement la page de la défaite ? 

Laissons de côté le "climat des affaires". Sauf pour souligner qu'on aura rarement vu dans l'histoire de la droite autant de lâcheté et de bêtise cumulées. Le cas de Richard Ferrand ou les déboires du Modem nous ont montré, a posteriori, comme le camp d'en face était vulnérable, lui aussi, au soupçon. Le parti aurait dû serrer les rangs, défendre son chef et rendre coup pour coup. "Le manque d'union" est un euphémisme: Fillon n'a pas été seulement mis en cause par des adversaires politiques, avec la complicité des médias; mais il a été aussi poignardé dans son propre parti. Quant à "l'image pas assez moderne", elle nous donne la garantie qu'Emmanuel Macron n'a pas grand chose à craindre, pour l'instant du principal parti d'opposition à l'Assemblée. Les Républicains demandent à leurs sympathisants s'ils auraient dû, en quelque soirte, être....plus macroniens. La droite vit en permanence dans le regard de la gauche: on y a peur d'apparaître comme "ringard". Alors que l'on devrait au contraire amorcer une vraie ringardisation de l'adversaire: se présenter comme un parti de la "gouvernance horizontale" et "en réseau" face au côté "top down" d'En Marche; s'affirmer comme un parti proche de la "France périphérique" quand Macron est l'élu de la "France d'en haut"; reconquérir ce qui devrait être une part naturelle de l'électorat des Républicains: les entrepreneurs. Se faire le porte-étendard d'un nouvel humanisme européen face au transhumanisme qui fascine tant les jeunes loups d' En Marche etc....  Et puis si l'on voulait se référer à la dernière aventure personnelle réussie d'un candidat de droite, la trajectoire de Sarkozy entre 2002 et 2007, il faudrait poser aux militants et aux sympathisants la question de savoir comment on répète le hold up de Nicolas Sarkozy, qui avait transformé la droite en "parti du mouvement" et ringardisé la gauche. "En Marche" ayant permis de ramener le mouvement au centre et à gauche, il faut s'emparer d'un autre monopole abusif de l'adversaire: la droite pourrait se faire le défenseur des couches sociales les plus fragilisées. Evidemment, cela veut dire développer ujne vision. Alternative de l'Europe et de la mondialisation. Cela fait beaucoup pour un questionnaire. 

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